Une petite fille s'échappe d'une cave où elle était retenue captive et torturée. Quinze ans après, en compagnie d'une amie, la jeune femme va tenter de remonter aux sources de la souffrance qu'elle a subi plusieurs années durant. Ce qu'elles vont découvrir vont les emmener aux limites d'une horreur inimaginable…
Pour incarner les deux jeunes femmes qui composent les personnages principaux, Pascal Laugier a choisi de se reposer sur deux actrices relativement inconnues. Lucie, la petite fille captive devenue grande, existe sous les traits de Mylène Jampanoï. La demoiselle est apparue dans la série SOUS LE SOLEIL mais également au cinéma dans, entre autres, LES RIVIERES POURPRES 2 ou 36 QUAI DES ORFEVRES. Sa brève expérience ne lui permet peut être pas encore d'être entièrement crédible à l'écran mais, pour sa défense, il faut bien dire qu'elle n'a pas grand-chose d'autre à défendre que ses hurlements et sa souffrance. Son amie, Anna, est campée avec plus de justesse par Morjana Alaoui dont ce n'est que le deuxième long métrage. Bien que le personnage de Anna soit plus en retrait dans la première partie du film, on s'attache un peu plus à son parcours puisqu'on a le temps d'évoluer avec elle. Certes, il aurait été de mauvais goût de s'attarder sur les tortures physiques et morales de Lucie durant son enfance, une façon de se rapprocher d'elle, alors le cinéaste nous laisse surtout deviner son calvaire au travers de flashbacks. Ils ne nous révèlent que peu de chose définissant cette jeune victime, et les excès hystériques du personnage adulte, à un pantin déshumanisé. Cela donne juste à penser qu'elle serait mieux bien au chaud dans une petite pièce aux murs capitonnés. Situation curieuse, cela nous rapproche à l'arrivée encore davantage d'une transposition du spectateur dans la peau du bourreau plutôt que de sa victime.
Le reste de la distribution est, quant à elle, bien moins expressive quand ils ne sont pas tout simplement à côté de la plaque comme l'ensemble de la famille «Ricoré» présenté en début de métrage. Pascal Laugier nous présente une famille presque ordinaire où c'est la mère qui bricole et le père qui prépare le petit déjeuner pour leurs deux ados. La fille est championne de natation et visiblement la princesse de la maison tandis que son grand frère est unanimement méprisé par tout le monde. Bien que cette introduction dure un peu trop longtemps, elle a le mérite de présenter le seul personnage auquel on s'attache, c'est-à-dire le jeune homme de la maisonnée. En seulement quelques minutes, sa vie entière est résumée par des dialogues haineux à son égard (la mère regrette manifestement de ne pas l'avoir étouffé dans l'oeuf) et sa mort brutale fait vraiment de la peine tant il semble être le seul être vivant du métrage. Les autres personnages sont laissés à l'abandon, flottant dans la solitude qui est la leur sans aucune possibilité de pouvoir s'approcher de quelqu'un qui pourrait leur manifester un peu de tendresse. C'est d'ailleurs le cas des deux héroïnes dont le rapprochement ne peut s'expliquer autrement que par un baiser, comme si une amitié féminine paraissait plus crédible sur la base d'une attirance réprimée. Une démonstration équivoque ramenant en mémoire une courte séquence du générique tendant à transformer une simple amitié entre deux enfants qui s'épaulent en relation ambiguë lorsque l'une d'elle ouvre ses draps à son amie.
De prime abord «La violence engendre la violence ; la souffrance engendre le désir de vengeance» pourrait être la phrase d'accroche du deuxième long métrage de Pascal Laugier, réalisateur du mitigé SAINT-ANGE. Le cinéaste s'est attelé à transposer ces hypothèses de départ, très primaires, en choisissant une nouvelle fois la gent féminine comme vecteur. Cependant, il n'est plus question de la poésie macabre qui infusait SAINT-ANGE. Ici, Laugier desserre tous les freins et laisse libre cours à l'agonie physique et morale, en l'agrémentant toutefois d'une explication finale qui a le mérite de laisser le spectateur à sa libre interprétation. Le retournement de situation osé à propos des motivations des bourreaux s'inscrit dans une parfaite logique qui retombe malheureusement à plat en raison d'un traitement quasi inexistant.
En insistant bien lors de ses interventions publiques sur l'extrême violence de son film, le cinéaste évoquait son intégration inévitable au sein de son intrigue. Et le film est violent, il n'en fait pas de doute. Rien ne nous est épargné dans des gros plans qui se délectent de la souffrance d'autrui, appuyés par une bande sonore d'une redoutable efficacité. Mais pour que cela fonctionne véritablement, il aurait fallu à la base un scénario solide et c'est là que réside le problème principal du film. De scénario, il n'en est point question. Un bout d'histoire au début, un peu au milieu et encore un petit peu vers la fin mais entre les points de passage scénaristique, il n'y a rien. Au mieux des scènes d'agonie interminables… La violence justifiée, d'après l'auteur, tombe surtout dans la gratuité pure et simple où ne transparaît aucun discours pertinent. Pascal Laugier réussit certes à imposer quelques moments de surprise ou de frissons mais ces scènes perdent rapidement leur potentiel, noyées dans un défilé incessant de séquences chocs plus grotesques les unes que les autres. Le comique involontaire pointe presque le bout de son nez avec des scènes qui rappellent furieusement le segment «Sculpture Physique» de l'excellente anthologie française ADRENALINE.
Le cinéma de genre francophone a connu quelques sursauts ces dernières années avec des résultats aussi positifs que négatifs. Il y a ceux que l'on préfère oublier, comme BROCELIANDE ou PROMENONS-NOUS DANS LES BOIS, et ceux qui cassent tout sur leur chemin sans s'excuser comme HAUTE TENSION, CALVAIRE ou le récent FRONTIERE(S). Il est malheureusement très difficile de trouver assez d'excuses à MARTYRS pour le classer dans la catégorie des inoubliables à moins, toutefois, de ne s'intéresser qu'à la violence qui imprègne chaque seconde du métrage. A ce propos, les effets spéciaux exécutés par Benoît Lestang et son équipe laissent souvent à désirer sous l'éclairage cru qui fait ressortir l'aspect artificiel des blessures plus qu'il ne les met en valeur. Une bande originale affreuse et hors propos la plupart du temps achèvent de rendre le métrage indéfendable