15 ans après le drame de la fillette possédée qui provoqua la mort du père Karras, le lieutenant Kinderman (George C. Scott) est chargé d'une nouvelle enquête mystérieuse. Plusieurs victimes sont retrouvées mutilées selon un scrupuleux rituel barbare qui conduit la police à rattacher formellement ces meurtres à l'oeuvre morbide du Gémeau, un cruel serial killer pourtant décédé il y a une dizaine d'années.
13 ans ont passé depuis le fiasco financier et surtout artistique de L'EXORCISTE 2 : L'HERETIQUE de John Boorman. La franchise sur la possession semblait alors bel et bien enterrée, à moins de faire appel à la toute première source créative du film original en guise d'un retour à l'authenticité. Auteur du livre L'Exorciste, mais aussi scénariste et producteur de la version cinéma, William Peter Blatty voit ainsi son oeuvre réexaminée pour relancer la saga. En ligne de mire, son roman Légion paru en 1983, un thriller poursuivant les questionnements théologiques de L'Exorciste de papier sans pour autant en constituer une séquelle directe. Un détail pour le studio qui, avec l'aide de Blatty, remodèlera Légion pour en faire un véritable L'EXORCISTE III.
S'intéressant à la lutte entre le bien et le mal sur fond de serial killer (le Gémeau étant très inspiré par le tueur du zodiaque, un malade qui terrorisa San Francisco à la fin des années 60 avant de disparaître dans la nature), Légion ne possède pas de séquence d'exorcisme. Chose que doit réparer Blatty à l'écriture du scénario afin d'y inclure une séquence choc. De même, le studio insiste pour que plusieurs personnages du film de 73 soient présents dans cette séquelle. Si le lieutenant Kinderman occupe le premier rôle (Lee J. Cobb étant décédé, c'est George C. Scott qui le remplace), et que son amitié avec le père Dyer perdure encore (bien que toujours vivant, William O'Malley est remplacé par Ed Flanders), le studio souhaite de surcroît le retour du père Karras, personnage absent du livre. Blatty inclura le prêtre dans «la légion», soit le groupe d'âmes emprisonnées par le malin dans le corps d'un malade poursuivant ses crimes par voie de possession.
S'il fut un temps question que John Carpenter tienne le poste de réalisateur, c'est finalement Blatty qui obtient les rênes de la mise en scène. De quoi prendre sa revanche sur l'expérience de L'EXORCISTE où l'auteur avait perdu la bataille artistique du film au profit de la vision de Friedkin (jusqu'au remontage de 2000). L'EXORCISTE III, connu chez nous sous le titre L'EXORCISTE : LA SUITE pour son exploitation dans les salles (et faisant ainsi l'impasse sur l'opus de Boorman), prend donc le contre-pied systématique des choix de mise en scène de Friedkin. Le film de 73 utilisait une horreur frontale, ne lésinant pas sur les effets spéciaux. L'EXORCISTE III est quant à lui un film tout en suggestion, où les horreurs sont systématiquement découvertes hors champs puis racontées par les personnages.
Cependant, comme nous tentons de l'expliquer dans la chronique du DVD américaine dédié à L'EXORCISTE de 73, la mise en scène de Friedkin est bien plus complexe que son enfilade de scènes chocs le laisse croire, et sa mécanique de la peur est basée sur autre chose qu'une tête qui tourne à 360 degrés. L'EXORCISTE III en fait une contre démonstration étonnante, puisque avec son parti pris proclamé «non racoleur» le film se verra obligé d'utiliser les ficelles les plus faciles du genre afin de provoquer quelques frissons ça et là. Car à force de tout baser sur le hors champs, du meurtre à la découverte par la police des corps mutilés par le Gémeau, le film n'a plus grand chose à montrer et se borne à enfiler les dialogues dans des couloirs. Le film avait le potentiel d'un SEVEN avant l'heure mâtiné de satanisme, il n'en devient qu'un téléfilm de luxe où Kinderman mène une enquête de troisième âge qui le guidera petit à petit dans un hôpital psychiatrique.
Pour relever la sauce, L'EXORCISTE III se voit donc obliger de recourir à des effets «bouh-fais-moi-peur» qui ne datent pas de la première main (comme cette séquence où Kinderman inspecte un bout de pièce sur fond de musique tétanisant pour voir surgir dans un bruitage assourdissant… Mme Lucette qui vient lui faire la bise). Des ressorts rouillés et peu dignes, d'autant plus que le film de Friedkin ne recourait à aucun moment à ce genre de faux frissons. C'est d'autant plus dommage que L'EXORCISTE III, lorsqu'il s'en donne la peine, peut se montrer réellement terrifiant. Des longues et intenses discussions entre Kinderman et le Gémeau dans la cellule d'isolement à ce long plan séquence au terme duquel une infirmière se fera attaquer, on reste encore traumatisé par la scène où une vieille folle rampe au plafond au-dessus de Kinderman.
L'EXORCISTE III souffre ainsi de sa mise en scène peu maîtrisée dans son parti pris, de comédiens pas toujours très bien dirigés (les quelques excès dans le jeu de George C. Scott ne sont pas toujours très heureux), voire de séquences incongrues (le rêve de Kinderman avec ses anges et ses nains, à des années lumières du rêve de Karras dans le premier L'EXORCISTE). Mais malgré cela, L'EXORCISTE III reste un film très attachant. Dans sa volonté courageuse de recourir à une ambiance très différente du film original, le métrage parvient à captiver au-delà de ses scories. Plus qu'une séquelle, L'EXORCISTE III est un satellite de l'original, adulte et intelligent, mais qui aurait mérité un véritable metteur en scène à ses commandes. Du propre aveu de Blatty, ce dernier s'est juste contenté de torcher un thriller de divertissement, à l'ambition bien moindre que le premier EXORCISTE.
L'EXORCISTE III ne bénéficiant pas d'une réputation tonitruante, il n'est pas étonnant de voir relayé le film dans des éditions plutôt arides. Le disque français, sorti tardivement, est heureusement sans reproche d'un point de vu technique. L'image est au format et anamorphosée et ne souffre d'aucun défaut. Même chose pour les pistes sons, dont la version originale bénéficie d'une spatialisation très discrète.
Les bonus sont très légers puisqu'ils se contentent de la courte bande-annonce du film, alors qu'il existe vraisemblablement de nombreuses scènes alternatives dont un final légèrement différent. Mais il semblerait que la maison de production, Morgan Creek, est mis quelque peu son véto sur la possibilité d'une édition plus fournie voir même d'un nouveau montage du film de William Peter Blatty. La bonne nouvelle cependant vient du prix du disque, soldé depuis des lustres dans tous les magasins de l'hexagone.
Avec ses moments d'angoisses tétanisants et ses séquences incongrues à peine digne d'un téléfilm, L'EXORCISTE III est l'ombre du grand film d'horreur qu'il aurait pu être. Il n'en demeure pas moins une alternative très intelligente au film de Friedkin et constitue assurément la meilleure séquelle dédié à L'EXORCISTE. Quant à Blatty, il déclare que ce film est bel et bien le dernier volet de «sa» trilogie sur L'EXORCISTE et dont le deuxième opus ne serait pas le film de John Boorman mais LA NEUVIEME CONFIGURATION, sa première réalisation et "suite" officieuse du film de Friedkin.