Alors que John Boorman
enchaîne succès après succès avec LE POINT
DE NON RETOUR, DUEL DANS LE PACIFIQUE ou DELIVRANCE,
tout a une fin et c'est en proposant ZARDOZ
que le réalisateur anglais va se mettre dans une position délicate.
Le film est très mal reçu et représente un échec
assez détonnant. Dès lors, John
Boorman n'est plus vraiment l'homme a qui l'on peut confier de l'argent
pour réaliser le film dont il a envie. Et c'est ainsi qu'il en
vient probablement à accepter de réaliser ce que l'on
appelle une "commande". L'EXORCISTE II : L'HERETIQUE
aurait dû être le véhicule parfait pour remettre
le réalisateur sur les rails de la réussite en se servant
de la notoriété du premier EXORCISTE.
Ce fut loin d'être le cas puisqu'il lui faudra attendre quelques
années avant de réaliser l'excellent EXCALIBUR.
A l'évidence, la dernière personne à qui il aurait fallu confier la suite de L'EXORCISTE était John Boorman. Non pas que le réalisateur soit sans talent, au contraire, mais tout simplement parce qu'il n'était sûrement pas du genre à suivre les traces du premier film. A la simplicité apparente du film de William Friedkin, John Boorman et le scénariste du film accumulent symboles, psychologie et théologie ! L'enjeu n'est donc plus de faire sortir l'esprit du mal d'une pauvre fillette possédée à coups de "Notre père" mais d'effectuer un double voyage à travers la foi et le monde à la recherche des origines du démon. Ceux qui s'attendaient à des séquences d'exorcismes chocs avec têtes rotatives en seront pour leurs frais tant cette suite s'éloigne de son prédécesseur.
Dès qu'il s'agit de la suite d'un film à succès, le même grief revient souvent. A savoir qu'une suite ne prend que très rarement des risques pour ne proposer qu'un simple démarquage. Ainsi, la plupart des séquelles de films perdent de leur intérêt puisqu'il n'y a plus grand chose à y découvrir. Il est impossible de taxer L'EXORCISTE II : L'HERETIQUE de faire de même. Et c'est justement là l'un de ses plus gros défauts. Surtout que l'histoire regorge de nombreuses idées hélas le plus souvent mal exploitées. Ainsi l'hypnose de groupe aurait pu faire l'objet d'un développement moins artificiel. En effet, en dehors d'amener un ou deux indices qui lanceront un prêtre sur les traces de Pazuzu en Afrique, cela ne sert finalement pas à grand chose. D'ailleurs, la partie la plus réussie du récit se déroule justement très loin de Regan MacNeill, puisqu'il s'agit du voyage du père Lamont en terre africaine pour y retrouver la trace d'un enfant exorcisé par Merrin. Dans ces passages, on trouvera l'essentiel des meilleurs moments du film que ce soit le vol sur le dos d'une sauterelle ou l'escalade vers un lieu saint. L'EXORCISTE II : L'HERETIQUE n'est pas une réussite pour autant puisque le film se perd souvent dans une réflexion qui restera floue pour le spectateur. Le film aurait gagné à expédier Regan MacNeill pour se recentrer sur le voyage théologique aux racines du mal. Le mix des deux étant malheureusement bien fumeux !
Seuls deux personnages réapparaissent dans L'EXORCISTE II : L'HERETIQUE. Regan MacNeill toujours interprétée par une Linda Blair aussi vilaine que d'habitude, ce qui ne s'arrangera pas avec son film suivant, L'ETE DE LA PEUR, et d'ailleurs tout ce qu'elle a pu faire par la suite. Le réalisateur s'amuse même à lui faire exécuter un numéro de claquettes assez incongru ! Si elle reprend le rôle, elle refuse par contre de repasser l'épreuve du maquillage. Un petit handicap pour le film qui utilisera une doublure pour les rares séquences où il n'est pas possible de réutiliser des scènes du premier film. Enfin, Max Von Sydow reprend discrètement le rôle du père Merrin. En réalité, l'acteur n'apparaît que très peu lors de flash-back où on le voit plusieurs années auparavant aux prises avec le fameux démon. Tous les autres personnages dont la mère de Regan MacNeill, interprétée par Ellen Burstyn, ont disparu.
Entre donc en scène un nouveau prêtre sous les traits de Richard Burton qui s'interroge sur sa foi de façon tellement intérieure que l'on peut se demander s'il n'est pas un peu absent. L'acteur a fait bien mieux tout au long de sa carrière assez maigre en ce qui concerne le fantastique dont on notera essentiellement LA GRANDE MENACE où il s'attaque encore à des avions de ligne. La petite Regan est à présent suivie par une psychologue jouée par Louise Fletcher, détentrice d'un oscar pour son rôle de responsable de l'asile de VOL AU DESSUS D'UN NID DE COUCOU, elle flirtera régulièrement avec le fantastique dans la suite de sa carrière : BRAINSTORM, MAMA DRACULA, BLUE STEEL ou un personnage Bajoran et récurrent de STAR TREK : DEEP SPACE NINE. Enfin, James Earl Jones campe un entomologiste africain. Un acteur étonnant puisqu'il est capable d'incarner le maléfique Thulsa Doom dans CONAN LE BARBARE ou un sympathique écrivain dans le magnifique JUSQU'AU BOUT DU REVE.
L'EXORCISTE a fait l'objet de grands soins lors de ses divers transferts en DVD, si l'on excepte le premier essai américain. Pour sa suite, ce n'est pas exactement le cas ! Il n'y a pas de quoi se mettre en transes et vomir de la bile partout… L'image est satisfaisante tout de même bien qu'un peu plus d'attention aurait permis d'obtenir un transfert plus contrasté avec des noirs plus appuyés.
Pour le son, c'est un peu la même chose. Si L'EXORCISTE a eu droit très tôt à un remix en Dolby Digital 5.1 pour sa sortie DVD puis pour la sortie dans les salles de la version longue, il faudra se contenter d'une piste anglaise en mono d'origine. Elle paraît d'ailleurs bien étriquée. En ce qui concerne la version française pourtant annoncée sur le dos du boîtier cartonné, elle brille par son absence sur le disque.
En dehors de la bande-annonce, le seul véritable bonus est une séquence où Richard Burton nous fait un résumé du premier film en voix-off sur quelques clichés. Un passage ajouté en fait sur le remontage américain de L'EXORCISTE II : L'HERETIQUE après une réception houleuse du montage original. Le film fut donc raccourci et cette introduction fut ajoutée. Le DVD présente quant à lui la version originale du film telle quelle fut sortie au départ dans les salles américaines. Néanmoins, il existe d'autres séquences alternatives qui auraient pu être ajoutées. Ainsi, il existe une fin quelque peu différente et une rumeur circule concernant un montage de près de trois heures que John Boorman détiendrait. Au delà de la rumeur, le DVD aurait pu nous présenter tout au moins la fin alternative ainsi que diverses autres scènes.
Les années ont passé et L'EXORCISTE II : L'HERETIQUE ne change pas. Sa vision laisse perplexe malgré des séquences plutôt réussies surtout d'un point de vue artistique. Des trois films de la série, il faut bien le dire, l'essai de John Boorman est très dispensable surtout si l'on prend en compte le fait que L'EXORCISTE : LA SUITE, comme son nom l'indique fort bien, est une suite directe et très réussie de L'EXORCISTE dont le scénario ainsi que la réalisation sont signés par l'auteur du livre original. William Peter Blatty n'ayant jamais travaillé sur la première suite de L'EXORCISTE, on comprend aisément l'erreur ultime de L'EXORCISTE II : L'HERETIQUE.
