Certains réalisateurs se démarquent du lot par une ou deux oeuvres marquantes avant de retomber dans la masse anonyme et Bob Clark est de ceux-là. Bien qu'il ait réalisé une trentaine de longs métrages dont le sulfureux (à l'époque !) PORKY'S, le fan de fantastique se souvient de lui en particulier pour les très bons films de zombies CHILDREN SHOULDN'T PLAY WITH DEAD THINGS et LE MORT VIVANT. Ce BLACK CHRISTMAS est resté injustement méconnu du grand public qui lui aura préféré le HALLOWEEN de John Carpenter, sorti quatre ans plus tard. Pourtant, ce dernier reprend le scénario quasiment à l'identique en se contentant juste de changer la période de l'année. En y regardant bien, on retrouve également un grand nombre d'idées de mise en scène ou de mouvements de caméra, alors rendons à Bob Clark ce qui lui appartient !
Nous sommes le soir de Noël, sur un campus universitaire. Quelques filles sont restées dans leur maison et se préparent à la fête tandis qu'un homme pénètre dans le grenier et s'installe pour attendre son moment. Il va passer des coups de fil obscènes qui vont rapidement perturber la bonne ambiance, d'autant plus que les disparitions s'accumulent.
La première bonne idée de ce film consiste dans le choix des personnages. En effet, point d'adolescents avides de sexe et de bière en vue, nous sommes ici en présence d'adultes auxquels le scénariste donne vie à travers de vraies personnalités et des problèmes réels. A ce niveau, les acteurs principaux sonnent tous justes, menés par une Margot Kidder (AMITYVILLE : LA MAISON DU DIABLE, SUPERMAN) en grande forme qui n'hésite pas devant l'autodérision en campant une jeune femme dont le penchant pour l'alcool la rend quelque peu débridée. Elle s'octroie de ce fait un pur moment d'humour scabreux en donnant son numéro de téléphone à extension («FE… pour Fellation…») à un officier de police un peu naïf, pour le plus grand bonheur de ses supérieurs.
A ses côtés se trouve la jolie Jesse, jouée tout en réserve par Olivia Hussey (PSYCHOSE IV). La jeune femme se révèle être le vrai point central du film en ce qu'on s'intéresse le plus à sa vie perturbée par une grossesse non désirée et un petit ami fermement opposé à l'avortement. Malgré leurs forces respectives, les deux femmes vont rapidement se trouver démunies face à cette menace invisible qui semble n'avoir aucun mobile pour ses manifestations haineuses.
Le rôle du lieutenant Fuller en charge de l'affaire fut d'abord proposé à Edmond O'Brien (LA HORDE SAUVAGE) qui déclara forfait dû à une santé sur le déclin. John Saxon le remplaça au pied levé et remplit honorablement son contrat même si son rôle est peu consistant. L'acteur a promené son physique marquant dans plus de 180 films, dont OPERATION DRAGON, PULSIONS CANNIBALES ou encore le giallo TENEBRES.
En parlant de giallos, Bob Clark semble en avoir regardé quelques uns de très près. Le tueur reste invisible pendant la majeure partie du film. Nous entendons juste sa respiration qui accompagne le point de vue subjectif de la caméra, ou alors nous voyons ses mains qui se préparent à encercler un cou ou enfoncer un couteau. L'une des scènes les plus mémorables reprend également les codes du giallo de façon presque parfaite, autant au niveau du cadrage que de l'acte. Le tueur entre dans une chambre obscure – gros plan sur son visage dont seulement la moitié est éclairée. Il attrape une statue en verre de ses mains gantées de noir et plonge l'objet meurtrier encore et encore dans le corps d'une femme endormie.
La violence atteint ici son paroxysme et apparaît particulièrement brutale à défaut d'être sanglante. Ce parti pris secoue d'autant plus le spectateur déjà envoûté par l'ambiance menaçante instaurée depuis le début par les coups de fil. Pour le tournage, la voix était composée de celles de plusieurs personnes mais il s'agit bel et bien d'un seul homme dans le film. Le résultat est terrifiant avec cette voix qui passe de plaintive à grave et menaçante pour se terminer dans des cris parfaitement hystériques que les femmes sont obligées de subir pour que la police ait le temps de localiser les appels qui s'avèrent provenir de l'intérieur de la maison (idée reprise dans TERREUR SUR LA LIGNE de Fred Walton, 1979).
Dans un métrage qui fourmille de bonnes idées, la plus intéressante a sans doute été de ne donner aucune raison discernable aux motivations du tueur. Sans l'excuse rabattue d'une «enfance malheureuse dominée par une mère castratrice», il requiert l'idée plus que le visage d'une menace extérieure quelconque, illustrant également le propos que même chez soi, personne n'est à l'abri. Le sentiment d'insécurité a toujours été très présent à l'esprit des américains, les incitant à se protéger à l'aide de divers armes à feu et autres dispositifs de défense de leur domicile. Ici, les victimes ne possèdent rien de ce genre, ayant comme seul recours la police. Mais à l'instar du MORT VIVANT, Bob Clark se permet une autre critique acerbe des autorités en nous les présentant sous une image très négative à l'exception du Lt. Fuller. Pour résumer, ils ne font rien, sont incapables même de noter une adresse correctement ou de prodiguer des conseils utiles, laissant les jeunes femmes se débrouiller seules.
Sorti au préalable sur un DVD canadien intitulé 25è Anniversaire par la Fox (jaquette argentée) puis dans une édition plus fournie chez Critical Mass (jaquette rouge) aux Etats-Unis et dont les suppléments ont été repris à l'identique par la suite sur le disque anglais disponible sous la bannière de Tartan Video. L'édition Fox a été recadrée en 4/3 et est de durée légèrement inférieure aux éditions Critical Mass et Tartan. De plus, les bonus sont très pauvres : bande-annonce, interview de John Saxon de trois minutes et biographies des acteurs. Toutefois, l'image apparaît très bonne, présentant plus de contrastes et de profondeur dans les noirs que l'édition Critical Mass ou que le disque Tartan. De plus, ce transfert plein cadre révèle plus d'image en haut et en bas.
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Pour l'édition anglaise de Tartan qui nous intéresse ici, le film a reçu un petit lifting sous la forme d'un remastering numérique et est présenté dans un transfert 16/9 au format 1.77. Malgré une usure du temps normale, elle demeure correcte quoique légèrement voilée ce qui tend à estomper les-dits contrastes.
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Les pistes sonores sont au nombre de deux : Le 2.0 (mono) d'origine et un tout nouveau mixage 5.1. Il n'existe qu'une seule langue, l'anglais, et aucun sous-titrage. Sur les deux pistes, le son est très propre et les dialogues clairement audibles. Les scènes de frousse sont également accompagnés de silence mais demeurent toujours aussi effrayantes grâce au talent de Bob Clark et de son directeur de la photo.
Au niveau des suppléments, nous commençons par le commentaire audio du réalisateur et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il est bizarre ! Bob Clark ne semble pas très proche de son oeuvre et ses phrases sont très espacées, à un tel point qu'il semble parfois oublier lui-même ce pourquoi il est là. Il parle surtout de ses choix de points de vue et de mouvements de caméra. Le résultat qui n'est pas visible pour le profane prend tout à coup une autre dimension une fois expliquée et on se rend compte à quel point réaliser un film est autant un travail créatif que technique (voire les longs travellings avec multiples changements de focus). Le côté étrange de ce commentaire audio provient de plusieurs choses : Une deuxième personne est présente avec le réalisateur mais ses questions ont été coupées au montage (?). Mais certains longs silences sont soudain rompus par une question à laquelle répond Bob Clark sauf que cela n'a rien à voir avec les images et que le son du film n'a pas été baissé. On se retrouve donc avec un commentaire quasi inaudible par endroits du fait que cette piste enregistrée ailleurs grésille beaucoup. Tout cela donne une grande impression de fouillis voire de gâchis car on n'a pas du tout envie de le réécouter. Petite anecdote amusante : Avant de faire ce film, Bob Clark s'étonnait qu'aucun métrage n'avait encore été fait sur le sujet et une de ses premières idées concernait un tueur échappé d'un asile et sévissant à la période de… Halloween. Le réalisateur s'étonne encore d'être considéré comme un précurseur des Slashers alors qu'il ne pense pas à son film de cette façon.
Heureusement, la suite des suppléments est plus intéressante et présente d'abord un documentaire intitulé «Black Christmas Revisited», une sorte de Making Of 30 ans plus tard. Présenté par deux acteurs du film Lynne Griffin (Claire) et Art Hindle (Chris), il nous promène à travers le décor de la charismatique maison réelle utilisée pour le tournage et reviennent sur quelques anecdotes amusantes ou effrayantes. Refaite depuis, elle n'est plus aussi sombre et menaçante, surtout l'ancien grenier qui est désormais reconverti en chambre. Les acteurs s'amusent beaucoup durant la visite entrecoupée de scènes du film et des interventions des divers participants.
«And All Through The House» est un petit clip d'environ huit minutes qui s'avère être plus une redite du bonus précédent qu'un supplément réellement intéressant. Le Webmaster d'un site consacré à BLACK CHRISTMAS filme et commente sa visite à travers les lieux, cette fois plongés dans l'obscurité. La maison est magnifique et vu que c'est Noël, les décorations abondent, résultant en une ambiance particulière et très évocatrice du film. Ce n'est pas que l'on s'ennuie, c'est surtout que l'on a une forte impression de déjà-vu. Cela étant dit, il est difficile de créer des bonus réellement pertinents sur des films tournés il y a presque trente ans surtout qu'à l'époque, rien ne laissait présager l'intérêt potentiel du public et les possibilités multiples d'un support même pas encore présent dans l'imaginaire.
La galerie de photos est composée d'une quinzaine d'images publicitaires, ainsi que de quelques peintures de production et de photos récentes des différentes pièces de la maison. Véritable personnage principal, la demeure ne cache désormais plus aucun secret ! Autant il est sympathique de la visiter, autant toutes ces descriptions quasi cliniques démystifient un peu trop les lieux.
Les deux scènes d'ouverture alternatives ne le sont pas vraiment dans le sens où la seule chose qui change sont les cartons titre. Ainsi, nous avons SILENT NIGHT, EVIL NIGHT qui est simplement un titre alternatif du film, et STRANGER IN THE HOUSE qui en est le titre télé.
Les bandes-annonces sont au nombre de deux, une française et une anglaise. A noter que sur celle sortie du côté du Canada francophone, la traduction du titre est le piètre UN NOËL TRAGIQUE et que le film «Met en vedette John Saxon» alors que son rôle est plutôt restreint. Cette bande annonce n'hésite pas à montrer la violence mais révèle également tous les meurtres ce qui est franchement dommage. En comparaison, la bande annonce anglaise est légèrement plus courte et surtout beaucoup plus édulcorée, le film étant sorti à l'époque des fameux Video Nasties.
Les spots télé sont au nombre de quatre. Trois sont d'époque et la dernière est une publicité récente pour la vente/location du DVD et de la VHS. Les deux spots radio sont également d'époque et peut-être bien plus efficaces en ce qu'on n'a qu'une bande sonore composée de la sonnerie d'un téléphone et de cris stridents de femmes, se terminant par la phrase «If this movie doesn't make your skin crawl, it's on too tight !» («Si ce film ne vous provoque pas de frissons, c'est que vous êtes un glaçon !»). Dommage que cette pratique se soit perdue avec le temps…
Nous terminons cette sympathique édition par six bandes annonces de chez Tartan, facilement trouvables en DVD auprès des revendeurs anglais.En ces temps de remakes sortant plus vite que leur ombre, BLACK CHRISTMAS ne fait pas figure d'exception. Annoncé sur les écrans français pour décembre 2006, vous avez encore le temps de découvrir l'original, un véritable bijou qui vous fera délicieusement frissonner dans la chaleur de cet été caniculaire (critique publiée en juillet 2006).