Header Critique : GREEN SNAKE (CHING SE)

Critique du film et du DVD Zone 2
GREEN SNAKE 1993

CHING SE 

Serpent Blanc et Serpent Vert, deux créatures reptiliennes, décident de vivrent parmi les humains en prenant la forme de deux très belles femmes (respectivement Joey Wong et Maggie Cheung). Serpent Blanc, la plus sage et la plus âgée, séduit un érudit afin de mener une vie de concubinage. De son côté, Serpent Vert ne voit dans le monde des hommes qu'un terrain de jeux et attire par sa frivolité les foudres d'un moine taoïste.

Après des débuts à la télévision, Tsui Hark réalise en 1979 le premier film dit de «la nouvelle vague» Hongkongaise, BUTTERFLY MURDERS. Mélangeant habilement racine chinoise et influence occidentale, le film se faisait le reflet de la bi-culturalité de l'ancienne colonie. Echec public mais succès critique, BUTTERFLY MURDERS fera de Hark le fer de lance d'une jeune génération de cinéastes. Après deux films qui choquèrent violemment les spectateurs (HISTOIRES DE CANNIBALES et surtout L'ENFER DES ARMES), Tsui Hark est contraint de se refaire une réputation pour sauver sa carrière de metteur en scène. Il signe alors l'anecdotique comédie ALL THE WRONG CLUES, dont le succès lui remet le pied à l'étrier. Il enchaîne avec son premier gros film, ZU LES GUERRIERS DE LA MONTAGNE MAGIQUE, qui marque une véritable révolution technique et budgétaire pour le cinéma de Hong Kong.

Bien que bénéficiant d'une réputation hystérique à l'étranger, ZU n'obtient qu'un succès mitigé au box-office local. Plutôt embarrassant compte tenu du pharaonique budget dont dispose le film. Tsui Hark repasse alors par la case de la rédemption avec une nouvelle comédie, et s'octroie un nouveau succès grâce au gentiment nul MAD MISSION 3. Il fonde dans la foulée la Film Workshop, son propre studio de production. L'ambition est de créer un laboratoire à talents (John Woo s'y révélera le maître du polar), tandis que Hark disposera enfin de coudées franches pour ses propres projets. Réalisé en 1993, GREEN SNAKE marque en quelque sorte le paroxysme du fantastico-aérien d'après Hark avant la refonte artistique opérée deux ans plus tard sur THE BLADE.

Adapté de «La Légende du Serpent Blanc», un célèbre conte chinois moult fois mis en image (y compris par les japonais de la Toei avec LE SERPENT BLANC de Taiji Yabushita), GREEN SNAKE est originellement un film devant réunir les deux stars Anita Mui et Gong Li. L'emploi du temps insynchronisable des deux femmes enterre le projet à la fin des années quatre-vingt. Afin de compenser l'énième annulation de sa grande adaptation du Roi Singe, autre célèbre conte, Hark ressort le projet GREEN SNAKE près de cinq ans plus tard. En lieu et place des deux comédiennes initialement pressenties, il mise sur la grâce de deux actrices issues de la nouvelle génération : Joey Wong (HISTOIRES DE FANTOMES CHINOIS) et Maggie Cheung (L'AUBERGE DU DRAGON, HEROIC TRIO).

Très ambitieux visuellement, Hark conçoit GREEN SNAKE comme un nouveau ZU. Malheureusement (ou heureusement, comme nous le verrons plus tard), le cinéaste se frotte aux franches limites du savoir faire cantonnais en termes d'effets spéciaux optiques et numériques. Le film est à ce titre un ratage total. On retiendra notamment un CGI absolument désastreux, un dragon au temps de présence très limité mais pourtant bel et bien là. Les marionnettes employées sur le plateau ne seront guères plus convaincantes, et Tsui Hark sent son grand film d'effets spéciaux s'autodétruire à même le tournage. Avec l'énergie du désespoir, le cinéaste se recentre in extremis sur les deux personnages féminins en espérant sauver les meubles. Aussi curieux que cela puisse paraître, le résultat final sera empreint d'une magie très particulière.

Désirant se rapprocher des estampes chinoises, forme sous laquelle les contes classiques sont représentés, GREEN SNAKE évolue dans un cadre volontairement artificiel : nombreux décors en studio, certains ciels en toile peinte, éclairages ou filtres colorés, Joey Wong jouant brusquement comme une actrice de théâtre classique au détour d'une scène. Ce parti pris esthétique, donnant très souvent lieu à des images magnifiques, participe au décollement de GREEN SNAKE d'un réalisme qui aurait pu se montrer embarrassant. Les effets spéciaux ratés passent ainsi beaucoup mieux tandis qu'un charme gracieux s'immisce peu à peu dans le film. Néanmoins, cela n'empêchera pas certains d'hurler bêtement au kitch devant certains tableaux du film (et ce n'est pas le léger détour vers la comédie musicale indienne qui arrangera les choses)..

Mais ce qui séduit dans GREEN SNAKE, c'est bel et bien le soin réservé au couple star du film. On connaissait l'intérêt que Tsui Hark portait à ses personnages féminins (toujours utilisées comme pivot de l'histoire), ici le cinéaste les met sur un véritable piédestal artistique. Ses deux actrices sont sublimées à chaque instant, autant par la beauté de leur corps (que Hark souligne d'un érotisme pudique) que par le poids de leurs sentiments s'opposant en permanence. Car GREEN SNAKE est finalement le récit attentif des rapports fraternels, d'un microcosme exclusif et idéal qui se voit soudainement confronté à un monde extérieur plein de faiblesses et de contradictions.

Personnage principal de l'histoire, Serpent Blanc alias Joey Wong se voit peu à peu voler la vedette par Serpent Vert alias Maggie Cheung. Un recentrage de la narration étonnant et pourtant formidable. En s'immergeant trop intimement dans le monde des humains, Serpent Blanc va souffrir de leurs propres médiocrités et donc perdre de sa «magie» d'être fantastique. D'abord side-kick comico-perturbateur, Serpent Vert va accéder à la maturité tout en conservant son aura enchanteresse. Dernier personnage doté d'innocence, elle va devenir peu à peu le garant d'un regard objectif sur les hommes, et nous renvoyer une image particulièrement triste et pathétique de notre condition. Bien entendu, Hark nous fait embrasser son point de vue, provocant le recul nécessaire à la fable.

Si GREEN SNAKE touche le cœur (et les yeux !), le film n'oublie pas pour autant les moments de bravoure (plus ou moins enterré par les effets) et les joutes défiant les lois de l'apesanteur. Le spectacle est ainsi parfaitement rythmé, grâce également à une galerie fournie de personnages secondaires : l'amant pleutre de Serpent Blanc, un vieux moine maladroit assisté d'enfants acrobates et le fameux prêtre taoïste joué par Chiu Man-Cheuk (THE BLADE, LA DANSE DU DRAGON), homme intègre mais souffrant de la bêtise liée à sa condition d'homme. Parfois talon d'Achille du cinéma de Hong Kong, la très belle musique signé James Wong renforce le lyrisme de l'ensemble.

Film passionnant et raté, GREEN SNAKE est passionnant car raté. De l'aveu du cinéaste, la magnifique peinture des personnages ne fut qu'un pis-aller à des effets spéciaux défaillants. Si les films à effets sont maintenant légions, peu peuvent se targuer de la même grâce de GREEN SNAKE. L'immersion du spectateur sera malheureusement dépendante de sa faculté à faire abstraction de certains points (très) noirs pour atteindre l'essence du film. Un film contenant d'ailleurs peut-être la plus belle séquence du cinéma de Tsui Hark dans son ensemble. Serpent Vert, se croyant jusqu'à présent incapable de ressentir des émotions humaines, se voit soudainement bouleversée lors du pic dramatique du film. Partagée entre la joie immense d'accéder à l'émotivité des hommes et la douleur insondable de la situation, elle laisse perler une larme sur un visage jusqu'à présent immaculé. L'éditeur ne s'y trompera pas en consacrant le visuel du packaging du disque à une image tirée de cette séquence inestimable.

Fermement attendu chez l'éditeur HK Video (qui distribuait précédemment le film en VHS), GREEN SNAKE se voit édité sous le prétexte d'un coffret Maggie Cheung avec L'AUBERGE DU DRAGON. Comme toujours, le film est présenté dans des conditions très honorables. Par rapport au disque chinois de Mei Ah, qui proposait jusqu'alors la meilleure qualité de visionnage pour ce film, le DVD français offre une image largement plus chaude et saturée dans ses couleurs. En revanche, on peut déceler un très léger zoom dans le cadre et surtout une définition un peu moindre. Rien qui ne fasse grandement pencher la balance cependant.

DVD Mei Ah
DVD HK Vidéo

Fidèle à sa politique, l'éditeur ne propose que la piste mono d'origine, tandis que le disque chinois proposait des pistes multicanaux certes artificielles mais assez efficaces. Les bonus sont limités mais pertinents, même si l'on regrette la disparition de l'introduction du film par une voix off riche en information. Notons enfin que le coffret contient un livret fourni et travaillé sur le film et son binôme, et que l'éditeur a fait un effort admirable sur le packaging. C'est bien simple, c'est l'une des plus belles éditions DVD que nous ayons vu jusqu'alors.

Si Hark a loupé son grand film d'effets spéciaux chinois, il réussit deux sublimes portraits de femmes perdues dans une tourmente humaniste de conte fantastique. On ne se lasse pas de ce film hors norme, aussi essentiel que les authentiques chefs d'œuvres issus de l'âge d'or de l'ancienne colonie. Tsui Hark tentera de prendre sa revanche sur la technique chinoise huit ans plus tard en réalisant LEGEND OF ZU, la suite de ZU, un film encore une fois très controversé.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
49 ans
1 news
287 critiques Film & Vidéo
On aime
Deux portraits de femmes magnifiques
Un travail esthétique plein de charme et de grâce
Le formidable packaging du disque
On n'aime pas
Des effets spéciaux ratés qui bloqueront les moins endurcis
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L'édition vidéo
CHING SE DVD Zone 2 (France)
Editeur
HK Video
Support
2 DVD
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h35
Image
2.35 (16/9)
Audio
Cantonese Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Français
  • Supplements
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