Header Critique : ENFER DES ARMES, L' (DON'T PLAY WITH FIRE)

Critique du film et du DVD Zone 2
L'ENFER DES ARMES 1980

DON'T PLAY WITH FIRE 

Trois adolescents renversent un vagabond lors d'une virée en voiture. N'ayant pas le courage d'assumer leur acte, ces derniers prennent la fuite. Une jeune fille est cependant témoin du meurtre accidentel. Activiste anarchiste, elle va les entraîner sous le chantage dans une spirale de violence qui les mettra face à de dangereux trafiquants d'armes.

Avec son deuxième film, HISTOIRES DE CANNIBALES, Tsui Hark essuie un nouvel échec. Jugé comme scandaleux et provocant, le métrage est retiré presque immédiatement des écrans de cinéma. La critique, qui avait encouragé Hark malgré le bide commercial de BUTTERFLY MURDERS, n'est plus du tout solidaire avec cinéaste. L'aura de talent prometteur gagné lors de ses années télé s'est muée en réputation de saboteur fou furieux. Quoi qu'il en soit, Hark s'attèle rapidement à un nouveau film, un polar à très faible budget avec la star déclinante Lo Lieh (artiste martial sur-actif durant les glorieuses heures de la Shaw Brothers). Bien entendu, le résultat final n'aura rien de conventionnel.

L'ENFER DES ARMES, aussi connu sous le titre DON'T PLAY WITH FIRE ou encore DANGEROUS ENCOUNTER OF THE FIRST KIND, est un film social directement en prise avec son époque. Au début des années 80, la rétrocession de Hong Kong à la Chine est loin d'être concrétisée, laissant la population locale dans l'indétermination et l'attente. Mais plus que le rattachement à la Chine, c'est le dédain de l'Empire britannique qui choque les esprits. Inclus dans cette réalité, L'ENFER DES ARMES s'inspire d'un fait divers ayant bouleversé l'opinion quelques années plus tôt : une bande d'adolescents issus de milieux aisés posait froidement des bombes dans les cinémas. Dotés d'aucune motivation si ce n'est celle de passer le temps, ces jeunes n'étaient que les stigmates d'une société instable au futur incertain.

Prenant à la lettre ce fait divers, Tsui Hark imagine l'association contrainte de trois jeunes devenus apprentis terroristes «pour se faire peur» et d'une véritable activiste qui les entraînera jusqu'au bout de la violence. On est donc très loin de la série B annoncée. Très en colère, Hark ouvre son film dans un appartement minuscule et délabré. A l'intérieur, des souris blanches s'affolent dans une cage. Le montage alterne les plans : les barreaux de la cage des souris, les barreaux aux fenêtres de l'appartement, les barrières de barbelés se trouvant à l'extérieur. Une main en gros plan saisit alors un rongeur et lui plante une aiguille dans le crâne. L'animal devient fou, perd ses repères et succombe. Une métaphore crue et hyper agressive qui pose les intentions du cinéaste.

La suite du film est à l'avenant, multipliant la désillusion et la violence. On retiendra à ce titre l'éloquent arrêt sur image sur un bras d'honneur offert de concert par nos trois anti-héros. De leurs mésaventures, il n'y a rien à retenir, ni gloire ni argent. L'ENFER DES ARMES se fait le triste constat d'une bande de gosses se cognant sur plus fort qu'eux : mafia locale et trafiquants internationaux qui se superposent à l'image d'un chat observant la cage à souris, image aperçue au détour d'une mémorable séquence. Et la police dans tout ça ? Elle se fait état de dysfonctionnements internes et de luttes de pouvoirs qui ruinent son efficacité. Alcoolique, irréfléchi, le flic incarné par Lo Lieh n'a pas grand chose à voir avec les modèles du cinéma américain.

Ultime symbole de leur futur, les trois garçons se réfugient dans un cimetière pour un final sans concession les opposants à une galerie de mercenaires tout droit tirée du cinéma d'exploitation. Adoptant un style filmique abrasif, Tsui Hark n'érotise pas une seule seconde la violence, laissant les différents protagonistes s'entretuer dans la boue. Au terme du film, Hark va même jusqu'à superposer des images d'actualités sur le bruit d'une mitraillette, faisant exploser une dernière fois sa colère au visage d'un spectateur soufflé par tant de nihilisme.

Lorsque la censure visionne L'ENFER DES ARMES, le couperet tombe : le film est interdit à la diffusion en salle. Le métrage est jugé scandaleux et représentatif d'un danger pour la jeunesse de Hong Kong. L'annonce est une catastrophe, pour les producteurs et par voie de conséquence pour le début de carrière déjà chaotique de Tsui Hark. Ce dernier est donc contraint de remodeler son film, en réécrivant puis en re-tournant des séquences entières sur un temps record. Par manque d'argent, Hark fait appel à des amis réalisateurs pour tenir des rôles de «colmatage», et s'autorise une apparition le temps de découvrir un cadavre.

La deuxième version du film, qui est celle qui fut exploitée dans le monde entier, rend le trio d'adolescents principaux responsables d'un homicide involontaire en lieu et place d'une activité terroriste artisanale. Témoin de l'accident comme elle fut originellement témoin d'un attentat dans un cinéma, la jeune activiste les contraint comme précédemment dans la spirale destructrice. La nuance fait que, dorénavant, les garçons sont dans une position de victimes. Hark délaisse la caricature policière incarnée par Lo Lieh et recentre son intrigue sur les trafiquants d'armes, parvenant à atteindre la durée réglementaire avec une enquête secondaire.

Même s'il n'est pas la version originelle de son auteur, L'ENFER DES ARMES comme nous le connaissons n'est pas atténué au niveau de la violence ou du message. Le film censuré est resté une expérience unique bénéficiant des mêmes scènes et images fortes (la séquence cruciale de l'explosion du cinéma est d'ailleurs conservée tout en délestant les adolescents de leur responsabilité). Dénotant dans la carrière de Tsui Hark (qui ne retouchera plus au mélange social / contemporain), sans équivalence dans le paysage du cinéma de Hong Kong, L'ENFER DES ARMES fait partie de ces films indispensables dont la mise en chantier contrariée n'a pas réussi à réduire l'immense impact. Pour sauver sa peau de metteur en scène, Hark rentrera dans le rang le temps d'une comédie destinée à relancer sa carrière (ALL THE WRONG CLUES). De quoi faire peau neuve avant la mise en route du démentiel ZU, LES GUERRIERS DE LA MONTAGNE MAGIQUE.

Dernier tome de la trilogie du chaos, L'ENFER DES ARMES est le gros titre de cette réunion des trois premiers long-métrages de Tsui Hark. Non content de nous proposer le film dans des conditions techniques optimales, l'éditeur offre sur un deuxième disque LE bonus impensable : le film original avant les coups de ciseaux de la censure. Alors que tout le monde, à commencer par Tsui Hark, pensait cette version perdue à jamais (à Hong Kong, ce qui ne sert pas directement l'exploitation commerciale d'un film est détruit), l'éditeur avait réussi l'exploit de mettre la main sur la dernière copie existante et d'en proposer des morceaux inédits dans un documentaire accompagnant L'ENFER DES ARMES sur support VHS.

Pour son passage au DVD, le Director's Cut se voit réinjecter toutes ses séquences originelles à l'intérieur de sa narration pour permettre enfin un visionnage en continu. A noter cependant que ces scènes alternatives proviennent d'une vieille cassette VHS usée jusqu'à la corde, et que leur qualité technique est médiocre. Cette remarque informative n'a rien d'une critique car rappelons qu'il était encore inespéré il y a quelques années de voir un jour un director's cut complet de L'ENFER DES ARMES.

Répartie sur les deux disques, la section bonus est conséquente. Outre une présentation différente (et complémentaire) associée à chaque version du film, l'éditeur replace ici son documentaire «A la recherche d'un film perdu» déjà disponible en extension à L'ENFER DES ARMES sur VHS. Si l'on préfère maintenant découvrir les séquences alternatives en visionnant de bout en bout le Director's Cut dans son ensemble, le reportage donne longuement la parole à Tsui Hark pour un entretien passionnant. Toujours dans un souci d'information, de nombreux panneaux écrits viennent ponctuer et enrichir les propos.

Les suppléments «d'extensions» (car non directement reliés à L'ENFER DES ARMES) sont similaires aux autres disques de l'éditeur : filmographies, bandes-annonces, galerie photographique, lien Internet. On retiendra surtout une courte et touchante entrevue d'un Lo Lieh vieillissant, qui n'arrive pas à cacher sa fierté d'avoir été la première star chinoise d'arts martiaux, et ce avant Bruce Lee. Le comédien nous a quittés en 2002 d'une crise cardiaque.

Si BUTTERFLY MURDERS et HISTOIRES DE CANNIBALES n'étaient déjà des films à découvrir absolument, on conseillerait cette Trilogie du chaos rien que pour le sort réservé à L'ENFER DES ARMES. Perle noire et unique du cinéma de Hong Kong, le film a désormais comme compagnon son Director's Cut afin que les cinéphiles puissent par eux-mêmes découvrir la vision originelle de Tsui Hark dans son intégralité. Indispensable.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
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L'édition vidéo
DI YI LEI XING WEI XIAN DVD Zone 2 (France)
Editeur
Support
4 DVD
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h35
Image
2.35 (16/9)
Audio
Cantonese Dolby Digital Mono
Francais Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Français
  • Supplements
    • BUTTERFLY MURDERS
    • HISTOIRES DE CANNIBALES
    • L'ENFER DES ARMES
    • Présentation du film (3mn40)
    • Présentation de la version Director's Cut (3mn45)
    • Interview de Lo Lieh (6mn53)
    • A la recherche d’un film perdu (41mn10)
    • Bande-annonce cinéma
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