Un point sur The Walking Dead

1. Partie 1

Série phénomène de la fin de l'année dernière aux Etats-Unis, THE WALKING DEAD arrive enfin en France, sur le bouquet Orange. Une bonne occasion pour faire un point sur cette courte première saison (seulement six épisodes) qui semble faire l'unanimité parmi les fans du genre.

Mais rappelons d'abord dans quel contexte cette série a été créée. Nous avons tous remarqué que depuis plus d'un peu plus d'une décennie, la série télé américaine a opéré une importante mutation. Avec l'apparition d'œuvres comme les SOPRANO ou OZ, à l'évidence un changement se passait là-bas, quelque chose qui allait modifier notre approche de la narration sou forme d'épisodes. Après avoir passé des années à bouffer de la bluette soap à la BEVERLY HILLS ou les enquêtes, paranormales certes, mais désespérément inoffensives des X FILES, on se retrouvait face à quelque chose de déroutant, de profond, de choquant parfois, avec cette sensation grisante que, pour une fois, on ne nous prenait pas pour des cons ou des "temps de cerveau disponibles". Bref, pour la première fois peut-être depuis TWIN PEAKS, la télévision nous proposait des programmes intelligents, hors des sentiers battus, en parfait contraste avec l'aseptisation progressive et générale des médias. Cette évolution, on la doit principalement à la chaine payante HBO qui, en plus de créer les fameux SOPRANO et OZ, a livré coup sur coup SIX FEET UNDER, DEADWOOD, SUR ECOUTE et autres LA CARAVANE DE L'ETRANGE. Un nouveau vocabulaire télévisuel a été établi, ainsi qu'un standard de qualité pour qui souhaitera à présent lui faire concurrence. Car il faut bien comprendre qu'en plus de proposer une mécanique scénaristique infaillible et une direction artistique de haute volée, ces séries osaient s'aventurer dans les recoins les plus complexes de la personnalité humaine et n'hésitaient pas à nous jeter en plein visage nos failles et nos contradictions, enfin on suivait des personnages qui nous ressemblaient tous quelque part, des humains quoi.

Pareil changement s'est également produit dans le monde du comics, pratiquement à la même période, et essentiellement à l'initiative de DC Comics (Batman, Superman…), et la création de sa branche dite "adulte", Vertigo. Ainsi est apparue une nouvelle génération d'auteurs (pour la plupart anglo-saxons) qui, s'ils avaient déjà fait leurs armes sur les titres phares de la firme, ont pu développer leurs propres séries et nous offrir des chefs-d'œuvre comme Preacher, Transmetropolitan, The Boys et bien sûr Walking Dead, dont la série qui nous intéresse aujourd'hui est l'adaptation. Malheureusement, si ce nouvel âge d'or a continué dans le monde du comics, HBO s'est quant à elle retrouvée dans une impasse. En effet, ses principales séries étant à présent terminées, le network n'a pas réussi à leur trouver un digne successeur. Emergent alors deux nouvelles chaînes payantes. D'un côté Showtime qui créa l'évènement avec CALIFORNICATION et surtout DEXTER. De l'autre, AMC, responsable des deux grands chocs de ces dernières années, MAD MEN et BREAKING BAD. Si le succès public et critique de DEXTER est incontestable, c'est pourtant AMC qui a gagné ses galons d'incontournable avec ses séries sans concessions, d'une noirceur surprenante et d'une écriture chirurgicale. Maintenant que la notoriété est acquise, comme en attestent les multiples récompenses raflées par la chaîne chaque année, il faut qu'AMC touche un public plus large et prenne une longueur d'avance sur Showtime si elle veut remporter la bataille. Et pour cela, la technique est simple : prendre une œuvre au succès incontestable, au public déjà acquis, surfant sur une mode, la concasser, la malaxer pour en faire un produit regardable par le plus grand nombre. Le trait est un peu grossi certes, mais on n'est pas loin de la vérité. Et il est évident qu'AMC se sert de la notoriété de ses réussites précédentes pour faire passer une belle couleuvre. Dans cette optique, la logique de production ne diffère pas suivant les pays et les chaînes : qui dit spectateurs, dit audience et qui dit audience, dit argent. Il faut donc que le public s'y retrouve (il y a des zombies, c'est la fin du monde, ça saigne) mais il faut surtout qu'il suive la série jusqu'au bout, et qu'il réponde présent pour la saison suivante. Et pour cela, il faut le contenter, mais pas le choquer. A l'instar de CALIFORNICATION, mètre-étalon de la série faussement subversive et un brin putassière, les scénaristes ont fait de THE WALKING DEAD un produit qui peut déranger en surface (ça saigne) mais qui conforte dans le fond (la morale est sauve). Un exercice purement conservateur. Est-ce un incident de parcours ou une volonté avérée de la chaîne ? On ne le saura probablement jamais. Et c'est d'autant plus étonnant lorsque l'on regarde le palmarès de la chaîne et lorsqu'on sait que le développement de la série a été confié à Frank Darabont (LA LIGNE VERTE, THE MIST) avec la participation de Robert Kirkman (l'un des créateurs de Walking Dead). Pourtant, il faut bien se rendre à l'évidence : du chef-d'œuvre annoncé, THE WALKING DEAD n'est plus qu'une série vitrine, inoffensive, peu distrayante et surtout fortement conservatrice. Explications.

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Dossier réalisé par
Christophe Foltzer