Header Critique :  20000 LIEUES SOUS LES MERS (20000 LEAGUES UNDER THE SEA)

Critique du film et du DVD Zone 2
20000 LIEUES SOUS LES MERS 1954

20000 LEAGUES UNDER THE SEA 

Publié en 1865, le roman "20.000 lieues sous les mers" de Jules Verne donne lieu très tôt à des transpositions cinématographiques. Dès 1905, une version américaine, 20.000 LEAGUES UNDER THE SEA, à propos de laquelle on sait peu de choses, sort sur les écrans. Deux ans plus tard, Méliès s'inspire vaguement de Verne pour proposer une fantaisie titrée 200.000 LIEUES SOUS LES MERS OU LE CAUCHEMAR D'UN PÊCHEUR. Tandis que d'autres oeuvres de l'écrivain nantais continuent à inspirer régulièrement des films, il faut attendre 1916 pour voir sortir un nouveau VINGT MILLE LIEUES SOUS LES MERS, produit par Universal : contenant des séquences sous-marines alors techniquement révolutionnaires, c'est un triomphe commercial.

Puis, ce roman cesse d'être adapté durant un bon moment. En 1936, Irving Thalberg envisage d'en produire une version sonore et parlante pour MGM, réalisée par Victor Fleming (L'ILE AU TRÉSOR...). Spencer Tracy aurait du y incarner le capitaine Nemo, mais ce projet tombe à l'eau. Au début des années 1950, George Pal et la Paramount, qui viennent de collaborer sur LE CHOC DES MONDES et LA GUERRE DES MONDES, pensent eux aussi à un tel projet, mais ils échouent.

La première version parlante et sonore de ce titre ne sort donc pas de la MGM ou de Paramount, mais des studios Disney. Ceux-ci étaient alors essentiellement dédiés au cinéma d'animation, et, au début des années 1950, des classiques comme CENDRILLON, ALICE AU PAYS DES MERVEILLES et PETER PAN se succèdent sur les écrans américains. Mais Disney veut se diversifier, particulièrement en produisant des oeuvres cinématographiques "traditionnelles", visant le même public familial que ses dessins animés. Il parvient à ses fins en 1950, avec une version en couleurs de L'ILE AU TRÉSOR. Mais son distributeur, le studio RKO, ne se montre pas très intéressé par cette nouvelle orientation.

Disney décide donc de fonder sa propre compagnie de distribution : Buena Vista, ce qui lui permet d'accéder à une plus grande autonomie artistique. Pour lancer cette firme, il décide de frapper un grand coup en produisant à grand frais une nouvelle adaptation de "Vingt mille lieues sous les mers", laquelle coûtera, en fin de compte, 5 millions de dollars. Il opte d'emblée pour le luxueux format Cinémascope, alors tout nouveau, et pour l'emploi du Technicolor. Afin d'interpréter le capitaine Nemo, Disney cherche un comédien britannique et, après avoir envisagé Ralph Richardson (LA VIE FUTURE...), il se tourne vers James Mason, qui mène alors une prestigieuse carrière Hollywoodienne : en quelques années se succèdent pour lui des titres aussi marquants que PANDORA, L'AFFAIRE CICÉRON, LE PRISONNIER DE ZENDA, JULES CÉSAR ou UNE ÉTOILE EST NÉE.

Une autre star, Kirk Douglas, qui avait déjà été nominé deux fois aux Oscars au cours des cinq années précédentes, est recruté pour incarner le harponneur Ned Land. Dans le rôle cocasse de Conseil, on a l'excellente idée de recruter Peter Lorre, dont la carrière était alors fort mal en point : après une tentative ratée de retour en Europe, l'interprète de M LE MAUDIT et de LA BÊTE AUX CINQ DOIGTS a disparu trois années des écrans, en partie à cause de soucis de santé : le succès de 20.000 LIEUES SOUS LES MERS arrivera à point pour lui permettre de démarrer sur de bonnes bases une nouvelle carrière américaine. Enfin, le hongrois Paul Lukas (ANGOISSE de Jaques Tourneur, entre autres) vient compléter cet impeccable casting en adoptant le rôle du narrateur, c'est-à-dire du professeur Aronax.

Mais le plus étonnant est sans doute le choix du réalisateur lui-même. D'une part, Richard Fleischer, puisque c'est de lui dont il s'agit, n'a alors tourné que des productions plutôt modestes, bien qu'appréciées, et attend encore le succès qui lui permettra de lancer vraiment sa carrière : il est donc le premier étonné qu'on lui confie la direction d'un aussi monumentale tournage. Surtout, il est le fils de Max Fleischer, grand maître de l'animation des années 1920-30, inventeur de personnages aussi célèbres que Betty Boop ou Popeye, et par ailleurs concurrent de Disney. Ainsi, Max Fleischer a co-réalisé avec son frère Dave LES VOYAGES DE GULLIVER, un long métrage d'animation en couleurs sorti dans la roue de BLANCHE-NEIGE ET LES SEPT NAINS, la première oeuvre à réunir ces caractéristiques.

Toutefois, Max Fleischer a été acculé à la faillite au début des années 1940, essentiellement à cause de Paramount, studio supposé le soutenir et qui le laissa tomber du jour au lendemain. Max Fleischer en garde une forte amertume, ainsi qu'une certaine haine envers Disney, son rival plus chanceux que lui. Max Fleischer accorde tout de même sa bénédiction à son fils, et celui-ci peut aller travailler, la conscience tranquille, sur cette production Disney, pour un tournage de six mois. Ce dernier commence notamment par des séquences sous-marines tournées aux Bahamas... à l'endroit exact où avaient été tournées de telles scènes pour la "version 1916" !

Le gouvernement américain envoie le professeur Aronax, un spécialiste français de la faune sous-marine, en mission à bord de l'Abraham Lincoln, un navire chargé de retrouver et de détruire un "monstre marin" qui sèmerait la terreur sur les routes maritimes commerciales. Ce bateau est justement détruit par une créature terrible. Seuls Aronax, son disciple Conseil et un harponneur, le dur-à-cuir Ned Land, réchappent de ce naufrage. Ils trouvent tous les trois refuge à bord d'un étrange navire. Ils font rapidement connaissance avec son propriétaire, le capitaine Nemo, comme il se fait appeler, qui leur révèle que sa nef, appelée le Nautilus, est capable de naviguer sous la surface de la mer !

Jules Verne est à juste titre considéré comme un fondateur majeur de la littérature de science-fiction, au même titre que l'anglais H.G. Wells. Seulement, les inventions mises en scène dans 20.000 LIEUES SOUS LES MERS ont un inconvénient : en 1954, le scaphandre autonome ou un sous-marin aussi vaste et indépendant que le Nautilus ne relèvent plus guère de l'anticipation ! Disney et ses collaborateurs ont alors l'idée aussi innovante qu'astucieuse de proposer un film de "science-fiction rétro", en insistant, notamment sur le look biscornu du Nautilus et de ses riches ornements intérieurs, très éloignés de l'apparence dépouillée et futuriste des véhicules apparaissant dans les oeuvres d'anticipation du début des années 1950 (LA GUERRE DES MONDES, LES SOUCOUPES VOLANTES ATTAQUENT...). De plus, on a l'idée de suggérer que la formidable énergie permettant au Nautilus de se mouvoir est en fait l'énergie atomique elle-même dont Verne ne pouvait pas avoir connaissance. Ainsi, 20.000 LIEUES SOUS LES MERS se retrouve en phase avec la peur du nucléaire, abordée à la même époque dans des films comme LE JOUR OU LA TERRE S'ARRÊTA ou DES MONSTRES ATTAQUENT LA VILLE.

Mue par l'énergie atomique, qui semble bien mystérieuse au professeur Aronax, le Nautilus est à lui seul un personnage central du film. Son apparence, évoquant un énorme poisson d'acier muni de deux énormes yeux lumineux, reste pour les spectateurs, comme LE Nautilus, quand bien même sa silhouette est un peu plus compliquée que celle imaginée par Verne. Chacune de ses portions, que ce soit la salle des machines ou la pièce des cartes, est décorée avec un luxe de détails et un raffinement exceptionnel, nous plongeant d'emblée dans l'univers de Verne. Le salon, avec son orgue et son vaste hublot circulaire muni de volets s'ouvrant en diaphragme, reste évidemment un des clous de ce spectacle.

L'autre Star de 20.000 LIEUES SOUS LES MERS, c'est bien entendu le capitaine "Nemo" ("Personne" en latin). Homme sans nom, apatride, à la fois anarchiste et utopiste, il parvient à créer, à bord de son sous-marin, une communauté de vie parfaite, un système survivant uniquement grâce aux produits de la mer, cultivés et récoltés dans des fermes sous-marines. S'étant coupé volontairement du reste du monde, ce génie scientifique envisage pourtant d'offrir, un jour, ses trouvailles à l'humanité. Mais, en l'état actuel de la société humaine, il n'en est, pour lui, pas encore question.

Voyant la Terre livrée à des états esclavagistes et guerriers, il se laisse en effet aller à une misanthropie sauvage, laquelle s'exprime même par de violents actes de piratage à l'encontre des navires militaires et des bateaux des marchands d'armes. Personnage ambiguë et fascinant, son jugement est obscurci par une soif de vengeance et une haine trouvant leurs sources dans son mystérieux passé. Tout au long du périple, Aronax va tenter de le raisonner et de le ramener à la civilisation. Mais en aura-t-il le temps ? Nemo, c'est bien sûr James Mason, qui offre à ce personnage ses traits et une interprétation définitive. Les autres acteurs s'étant frottés à ce rôle, même les plus prestigieux (Robert Ryan, Omar Sharif, Michael Caine...), n'ont pu faite oublier cette performance tragique et brillante.

20.000 LIEUES SOUS LES MERS, c'est aussi un enchaînement non-stop de péripéties superbes, devenues autant de séquences classiques du cinéma d'aventure : l'enterrement sous-marin, la visite de la ferme, les majestueuses progressions aquatiques du nautilus, l'attaque du bateau par des cannibales mélanésiens et, bien entendu, l'affrontement avec le très redoutable calamar géant, séquence dans laquelle Disney investit une fortune, allant même jusqu'à en recommencer le tournage à zéro, avec un nouveau poulpe mécanique, après que les premiers plans tournés aient été jugés trop décevants.

Réalisé et produit avec un soin extrême, 20.000 LIEUES SOUS LES MERS a bénéficié d'une direction artistique, d'une interprétation et d'effets spéciaux exceptionnels. C'est sans doute pour cela qu'il semble refuser obstinément de vieillir et qu'il paraît, cinquante années après sa réalisation, une oeuvre intemporelle, à la fraîcheur toujours intacte.

A sa sortie, 20.000 LIEUES SOUS LES MERS est un immense triomphe international. Pour Disney, il va devenir un classique, au même titre que ses plus grands films d'animation, et il aura donc droit à des ressorties en salles régulières, permettant à plusieurs générations de spectateurs de le découvrir et de le redécouvrir dans son inaltérable perfection. Ce succès aura aussi une autre conséquence : la fin des années 1950 et le début des années 1960 seront marquées par une nouvelle vague d'adaptations de Jules Verne au cinéma, avec des titres comme VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE ou LE TOUR DU MONDE EN 80 JOURS. Curieusement, les studios Disney ne tourneront qu'une seule autre transposition de ses écrits : LES ENFANTS DU CAPITAINE GRANT de Robert Stevenson, en 1962.

Le temps des "reprises" en salles paraît bien révolu, et la rentabilisation d'un titre prestigieux se fait maintenant par des sorties de DVD dans diverses éditions "collectors". Pour les cinquante ans du film, 20.000 LIEUES SOUS LES MERS est donc sorti aux USA dans une superbe édition regroupant deux disques, à savoir un pour le film et un pour les suppléments. Puis, il a été publié en zone 2, où il est déjà disponible dans certains pays, dans une édition ne comprenant plus qu'un seul DVD. C'est celle-ci qui est testé ici, à partir d'un disque espagnol. Le DVD qui sort en France en juillet 2004 en est un clone à la distribution tardive dans nos contrées.

Le DVD zone 2 offre une image de belle qualité, proposant le film dans son cadrage 2.55 d'origine (et en 16/9). Les couleurs et la définition sont d'un très beau niveau, et la compression s'avère, tout comme la gestion des couleurs, naturelle. Certains plans trahissent des petits défauts dans les contraste, mais l'ensemble reste tout de même de très bonne tenue pour un film aussi ancien.

La bande-son est disponible dans sa version originale anglaise ou dans des doublages français et espagnol. Ces trois pistes sont proposées dans des mixages 5.1, ce qui n'a rien d'une hérésie, 20.000 LIEUES SOUS LES MERS ayant bénéficié dès sa sortie d'une bande-son répartie sur quatre pistes magnétiques séparées. Le résultat est, là-aussi, acceptable. Certes, les tons paraissent parfois un peu durs et les canaux arrières sont d'une grande discrétion : cela aboutit à un mixage assez sage. Néanmoins, à certains moments (les attaques du Nautilus, l'explosion finale...), on apprécie quelques poussées sonores spectaculaires tout à fait bienvenues. Des sous-titrages "zone 2", dont un en français, sont disponibles et amovibles à volonté.

En guise de bonus, on trouve quelques suppléments sous-titrés en français. Un petit document de 16 minutes présente Jules Verne et Walt Disney. Puis, un autre sujet du sept minutes est dédié aux véritables calamars géants qu'on trouve sous la mer. Un petit supplément nous permet de visiter les différents décors à l'intérieur du Nautilus. Parmi les documents d'archive, on trouve les extraits d'une émission télévisée d'époque, au cours de laquelle interviennent Walt Disney, Peter Lorre et Kirk Douglas. Enfin, une reconstitution, à partir de rushs, de la première version du combat contre le calamar (en plein jour et sans pluie) est proposée. Tous ses bonus sont assez intéressants et sympathiques.

Et pourtant, force est de constater que les deux gros morceaux du zone 1 sont portés manquants, à savoir : le commentaire audio réalisé par Richard Fleischer et un historien de cinéma d'une part ; et un long "Making Of" de 90 minutes d'autre part. Le disque américain ne propose, comme option linguistique, que la piste sonore anglaise, et il est par conséquent réservé aux habitués de la langue de Shakespeare. Les autres devront se contenter du zone 2 européen, moins bien pourvu en suppléments, mais proposant néanmoins 20.000 LIEUES SOUS LES MERS dans de bonnes conditions techniques.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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Un classique du cinéma d'aventures
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Dommage que certains suppléments du zone 1 aient été abandonnés
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L'édition vidéo
20000 LEAGUES UNDER THE SEA DVD Zone 2 (Espagne)
Editeur
Support
DVD (Double couche)
Origine
Espagne (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
2h02
Image
2.35 (16/9)
Audio
English Dolby Digital 5.1
Francais Dolby Digital 5.1
Spanish Dolby Digital 5.1
Sous-titrage
  • Anglais
  • Français
  • Supplements
    • Jules Verne & Walt Disney : Explorateurs de l'imagination (16mn10)
    • Monstres des profondeurs (6mn38)
    • Le Calamar géant : un (vrai) monstre (7mn02)
    • Trésors perdus (3mn14)
    • Visite du Nautilus (5mn18)
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