En l'an 2000, la compagnie de production britannique CreaTVty propose trois documentaires, chacun durant environ une heure, dédiés à des réalisateurs fameux du cinéma d'épouvante, à savoir Mario Bava, John Carpenter et Dario Argento. Chacun est constitué par des interviews nouvelles recueillies auprès de leurs collaborateurs, de leurs admirateurs les plus célèbres ou de "spécialistes". Ces films ont d'abord été diffusés à la télévision, notamment en France sur des chaînes câblées spécialisées dans le cinéma. Puis, l'éditeur français One plus One a l'excellente idée de les réunir tous les trois dans un seul et même coffret, nommé LES MAÎTRES DE L'ÉPOUVANTE
Le premier DVD contient le documentaire dédié à Mario Bava. Celui-ci étant décédé, il n'intervient, bien sûr, pas dans ce document, bien qu'on l'y aperçoive sur des photographies ou pour une fugitive apparition à la télévision italienne. On retrouve, par contre, quelques-unes des personnes ayant eu la chance de le côtoyer, comme les acteurs John Philip Law (DANGER : DIABOLIK), Daria Nicolodi (LES DÉMONS DE LA NUIT) ou John Saxon (LA FILLE QUI EN SAVAIT TROP), le scénariste Dardano Sachetti (LA BAIE SANGLANTE), son fils et assistant Lamberto Bava, ou encore les producteurs américains Samuel Z. Arkoff (LA PLANÈTE DES VAMPIRES) et Alfredo Leone (BARON VAMPIRE). On retrouve aussi une tripotée d'admirateurs enthousiastes, parmi lesquels Joe Dante, Tim Burton ou John Carpenter.
Ce film adopte un traitement chronologique classique, jusqu'à la première vraie réalisation de Bava : LE MASQUE DU DÉMON. Ensuite, le propos évite soigneusement de parler des titres ayant trop peu de rapports avec l'horreur (comme ses films de vikings ou ses westerns) et adopte une structure assez souple. Certains films sont traités assez en détails, comme BARON VAMPIRE (grâce au témoignage de Leone) ou DANGER : DIABOLIK (avec des commentaires d'un John Philip Law hilare). Surtout, l'influence de LA BAIE SANGLANTE sur les VENDREDI 13 est mise en avant (et admise sans détour par le réalisateur Sean S. Cunningham), tandis que les rapprochements entre LA PLANÈTE DES VAMPIRES et ALIEN sont soulignés, peut-être même excessivement. Limité par le temps, ce documentaire ne peut pas s'offrir une analyse complète de la carrière complexe de Mario Bava, mais elle permet aux novices de s'en faire une idée, tandis que les autres se régaleront d'anecdotes et de photographies rares.
Le second documentaire est dédié à John Carpenter. A nouveau, on y retrouve des proches (les acteurs Kurt Russell, Jamie Lee Curtis, Peter Fonda, Stacy Keach, la productrice Debra Hill) et des admirateurs célèbres (George Romero ou Alice Cooper). Commençant à la manière d'une biographie assez linéaire, il suit un développement globalement chronologique, tout du moins jusqu'à THE THING. Hélas, les titres suivants sont expédiés au détour d'une anecdote, voire complètement oubliés (LES AVENTURES DE JACK BURTON DANS LES GRIFFES DU MANDARIN ou L'ANTRE DE LA FOLIE).
Carpenter, dont les interventions sont nombreuses, revient en tous cas en détail sur sa jeunesse, sa formation et son admiration, désormais proverbiale, pour Howard Hawks. A nouveau, les anecdotes amusantes pleuvent, et on peut se faire une idée détaillée du début de sa carrière. Dommage que, sans doute pour des raisons de durée, seule la moitié de sa filmographie semble étudiée avec précision.
Le troisième et dernier disque est dédié à Dario Argento. Le réalisateur de SUSPIRIA y intervient, ainsi que nombre de ses proches (Daria Nicolodi, Claudio, Fiore et Asia Argento...) et de ses collaborateurs, comme les acteurs Michael Brandon (QUATRE MOUCHES DE VELOURS GRIS) et Jessica Harper (SUSPIRIA). Ses amis américains George Romero et John Carpenter sont aussi de la partie. A nouveau, le film commence selon une trame biographique linéaire, qui se distend toutefois à partir d'INFERNO. Par la suite, les film sont survolés, à moins que des intervenants proches du titre soient loquaces (Romero et Tom Savini pour DEUX YEUX MALÉFIQUES, par exemple).
Le film se termine, en tout cas, par de nombreuses images de tournage du SANG DES INNOCENTS, et une étude assez intéressante des méthodes de travail de Dario Argento. Si l'on n'est pas obligé d'adhérer aux "analyses" et aux rapprochements oeuvre-biographie opérés par les journalistes Maitland McDonagh et Alan Jones, il n'empêche que ce document contient son lot d'informations et de témoignages intéressants.
Chaque film est proposé sur un DVD simple-couche, les trois disques étant contenus dans un beau digipack au visuel pour le moins macabre ! Chaque film est en 4/3, alors que leur cadrage correspond à du 1.77. Il aurait donc été possible de les fournir en 16/9, ce qui n'a, hélas, pas été fait. La qualité d'ensemble, pour de tels documents, reste d'excellente tenue malgré tout.
Les bandes-son, anglaises, sont en stéréo d'origine et là aussi, sont d'une qualité tout à fait suffisante pour ce type de produits. Le sous-titrage français est imposé, et il est satisfaisant, même si l'on peut repérer quelques rares coquilles (Dan O'Bannon devient "Dan Oban", par exemple).
Enfin, chaque DVD inclut les mêmes bandes-annonces récentes, faites pour les sorties des DVD One Plus One de LISA ET LE DIABLE, UNE HACHE POUR LA LUNE DE MIEL et BARON VAMPIRE, tous les trois de Mario Bava. De même, on peut consulter sur chaque disque les publicités pour les disques de la collection Roger Corman. Enfin, dans le boîtier, on trouve trois feuillets proposant des textes très intéressants et bien faits consacrés à Bava, Carpenter et Argento, ainsi qu'à l'accueil critique de leurs films en France. Si l'on peut pinailler sur de rares imprécisions (DEUX YEUX MALÉFIQUES et TRAUMA ont bien été distribués en salles dans notre pays), l'ensemble est passionnant.
Bref, ce coffret de trois DVD est une excellente initiative, qui propose trois documentaires de qualité sur des grands réalisateurs du cinéma fantastique.