Des pilleurs de tombes réveillent par erreur un terrible démon des ruines de Babylone. Ce dernier vole alors vers le Japon où il prend l'apparence d'un haut magistrat, multipliant les actes de vampirisation. Pour tenter d'arrêter le mal, la petite fille du fonctionnaire et un jeune paysan font appel à des Yokais, des fantômes pacifistes mais terrifiants.
A la fin des années 60, les monstres japonais sont l'objet d'une frénésie sans égal. Au cinéma, ils sont à l'honneur des «Kaiju Eiga», les films de monstres géants qui ont pour stars Godzilla ou encore Gamera. A la télévision, c'est sous les coups de tatanes d'ULTRAMAN que nos créatures continuent de s'imposer dans l'inconscient collectif. Enfin, toujours à la télévision, une série animée tirée d'un très populaire manga d'horreur de Shigeru Mizuki ("Ge Ge Ge No Kitaro") connaît un succès phénoménal. Mettant en scène des spectres et fantômes traditionnels, la série comble un large public ravi de (re)découvrir la fantaisie de son propre folklore.
C'est dans ce climat très propice qu'est mise en chantier la série des YOKAI MONSTERS sous l'égide de la Daiei. Le premier volet, THE HUNDRED MONSTERS, est réalisé en 1968 par Kimiyoshi Yasuda (metteur en scène de DAIMAJIN ainsi que de plusieurs ZATOICHI). Suite au succès de ce premier opus, une suite est immédiatement mise en route. Connue sous le titre de SPOOK WARFARE ou encore de GHOSTS ON PARADE, cette séquelle est cette fois confiée à Yoshiyuki Kuroda, réalisateur du sixième volet de la saga des BABY CART (LE PARADIS BLANC DE L'ENFER). Enfin, un dernier film verra le jour, ALONG WITH GHOSTS co-signée par Yasuda et Kuroda. Le résultat mitigé de cet opus encouragera l'arrêt définitif de la série, même si les Yokais de la série seront repris le temps d'un hommage dans SAKUYA THE SLAYER OF DEMONS de Tomoo Haraguchi.
Film central de la franchise, SPOOK WARFARE est aussi réputé pour être le meilleur. Sa qualité principale étant de donner sans réserve la vedette à ces incroyables fantômes traditionnels. Dans le rôle principal, nous trouvons ainsi Kappa, un petit démon mi-homme mi-tortue mi-canard qui doit en permanence s'humidifier le crâne sous peine de disparaître. Il y a aussi la vénéneuse Rokurokkubi, une superbe femme qui voit son cou s'allonger démesurément lorsque la nuit vient à tomber. La bande comporte encore bon nombre d'étrangetés, comme ce spectre à grosse tête sur un corps d'enfant, ou cette jeune fille ancêtre de Sadako (le fantôme de RING) qui possède un faciès hideux à l'arrière de son crâne. Il y en a encore beaucoup d'autres, mais ces derniers sont, il faut l'avouer, quelque peu écrasés par le charisme sans précédent de Karakasa, une ombrelle à un œil qui tire une longue langue et dont le manche se trouve être une jambe humaine !
Comment résister à un tel casting issu, rappelons-le, du véritable folklore nippon. Un folklore riche et très précis dès que l'on parle des fantômes. Car il faut savoir que ces derniers n'ont pas obligatoirement de rôle menaçant à jouer. S'ils peuvent par moments terrifier les êtres humains, c'est plus pour leur aspect repoussant que pour une quelconque nature maléfique. En revanche, le démon qui décide sciemment de s'attaquer aux vivants bouleverse alors l'équilibre entre vivants et fantômes et devient de ce fait une menace pour les deux camps. Dans SPOOK WARFARE, les Yokais eux-mêmes emploient le terme «bakemono» pour désigner le démon malfaisant du titre, justifiant de ce fait qu'il ne faut pas mettre tout le monde dans le même sac.
Pourvu que l'on possède un peu d'humour et de curiosité, SPOOK WARFARE constitue bien vite un excellent divertissement. Les costumes vraiment too much des Yokais, s'ils font rire au premier abord, s'intègrent parfaitement à l'ambiance fantaisiste et tout public du titre. L'ironie fait donc assez vite place à l'excitation enfantine face aux périples de nos gentils fantômes. Il faut également souligner que le film est très soigné, surtout visuellement (ce qui était pour les studios japonais de l'époque le minimum syndical), et que la retranscription détaillée des légendes nippones laisse le spectateur dans un état de découverte permanente. Comme tout bon film de serial, SPOOK WARFARE s'achève sur un affrontement dantesque, qui occupe à lui seul un bon quart de métrage, où aucun être dit vivant ne pointera le bout de son nez.
SPOOK WARFARE est uniquement disponible en import Zone 1, avec la possibilité de bénéficier de sous-titres en anglais. L'image, au format, n'est pas mal du tout si l'on prend en compte la confidentialité ainsi que l'âge du titre. On déplore juste quelques défauts de pellicule et une colorimétrie un peu délavée, rien de bien grave cependant. Bien que le film fût tourné à l'époque en mono, l'édition propose une piste audio en (fausse) stéréo suffisamment claire pour ne pas gêner la vision. Enfin, la section bonus nous gratifie d'une conséquente collection de bandes-annonces, de la saga des Yokais en passant par les stars du genre (Godzilla, Gamera et Daimajin). Pour information, les deux autres films de la série sont disponibles selon les mêmes spécifications.
Amateur de curiosité étrange et rigolote, SPOOK WARFARE et ses Yokais improbables sont faits pour vous. Heureusement, le film ne tient pas uniquement à l'ironie que l'on pourrait porter aux costumes des monstres et s'impose rapidement comme un divertissement dépaysant et décomplexé. Au moins un film fantastique japonais que les américains n'oseront jamais remaker !