Deux policiers berlinois enquêtent sur des crimes commis, semble-t-il, par un serial killer collectionnant les peaux tatouées. Ils découvrent que cette affaire cache un vaste et macabre trafic...
TATTOO est le premier long-métrage destiné au cinéma réalisé par le jeune réalisateur allemand Robert Schwentke, qui avait auparavant travaillé pour la télévision, notamment sur des téléfilms de la série policière TATORT. Tourné entre Cologne et Berlin, ce film ne peut guère se prévaloir de la présence de grandes vedettes internationales. Le tandem de policiers est incarné d'une part par le jeune comédien August Diehl (LA PETITE PRAIRIE AUX BOULEAUX, sorti il y a quelques semaines en France) et Christian Redl, essentiellement vu à la télévision. A leurs côtés, on peut reconnaître l'acteur belge Johan Leysen, habitué des seconds rôles dans les productions européennes (LE PACTE DES LOUPS, LA SIRENE ROUGE...).
Berlin, la nuit... Une jeune femme court nue, en larmes : son dos, écorché, n'est plus qu'une plaie sanglante. Un bus l'écrase accidentellement... Minks, accompagné de son jeune assistant Marc, est chargé de l'enquête. Ils ont tôt fait de découvrir la cache de bourreau du coupable, Günzel, un maniaque qui a arraché à sa victime le superbe tatouage qui ornait son dos. Dans le jardin du sadique, la police découvre de nombreux cadavres dont des portions de corps ont été écorchées de façon semblable. Il est rapidement estimé que ce tueur était un collectionneur de peaux tatouées. Pourtant, quelque chose cloche : on ne trouve aucune de ces "oeuvres" chez lui. Günzel n'est en fait qu'un simple maillon dans un système bien plus vaste et encore plus horrifiant...
En effet, Minks et Marc vont découvrir un réseau "underground" d'amateurs collectionnant des tatouages, écorchés à même la peau des porteurs, plus ou moins vivants selon les circonstances. On avait, bien sûr, déjà vu des tueurs en série portés sur l'arrachage de la peau, comme dans LE SILENCE DES AGNEAUX. Quant aux tatouages de grande valeur, recherchés par des collectionneurs, l'idée n'est pas nouvelle non plus : dans LE TATOUE de Denys de La Patellière, Louis de Funès ne convoitait-il pas déjà l'œuvre dessinée par Modigliani à même la peau de Jean Gabin ?
Démarrant comme un très classique film de serial killer, TATTOO va sembler bifurquer vers une oeuvre paranoïaque, mettant en scène d'inquiétantes organisations souterraines et manipulatrices, reflétant un aspect sombre et caché de nos sociétés contemporaines et urbaines, déjà peu reluisantes en surface. Ainsi, au niveau de l'enquête, TATTOO paraît se rapprocher des RIVIÈRES POURPRES ou d'ANATOMIE.
En ce qui concerne la forme, l'influence des thrillers américains des années 1990 est patente. Les emprunts à SEVEN sont multiples, ne serait-ce que dans l'ambiance toujours nocturne et pesante de la ville, le portrait des policiers, la description de la cité comme une lugubre ruine post-industrielle, la stylisation à la fois très léchée et macabre, la noirceur systématique du propos... Certaines idées de SEVEN sont mêmes reprises très fidèlement (la longue poursuite à pied, par exemple...). D'autres célèbres thrillers américains sont encore sollicités pour structurer le récit, comme BASIC INSTINCT ou POLICE FÉDÉRALE, LOS ANGELES. Bref, le plus gros reproche qu'on est tenté de faire à TATTOO est un évident manque d'originalité. Resservant des motifs déjà abondamment employés tout au long des années 1990, il semble ainsi arriver en retard. Qui plus est, sa nationalité allemande aurait pu laisser espérer l'apport d'éléments originaux, enrichissant ce canevas classique d'une identité européenne intéressante. Hélas, il n'en est rien. Berlin y est décrit comme une cité anonyme, et le film pourrait tout aussi bien se dérouler dans n'importe quelle ville américaine sans que cela n'y change grand chose.
Malgré toutes ces réserves, il est indéniable que TATTOO est un film bien fait. Certes, la réalisation est parfois un peu plate et tente de se rehausser à l'aide d'effets chichiteux pas toujours très heureux (plongées, ralentis...). Quant au fin mot de l'histoire, il est peut-être trop facile à découvrir. Néanmoins, le récit, très solidement construit, ménage habilement des rebondissements forts, des séquences au suspens toujours efficace et des passages horrifiques impressionnants, notamment grâce à d'excellents maquillages gore. Les personnages des policiers sont classiques, mais ils sont aussi très bien défendus par deux comédiens talentueux et décrits habilement à l'aide de nombreux détails soigneusement agencés.
Si un "thriller" est avant tout conçu pour faire frissonner, alors TATTOO peut être considéré comme une réussite, c'est-à-dire comme un film vraiment prenant. Sorti en salles en Allemagne, il arrive en France directement en DVD chez CTV.
Cet éditeur s'est distingué en distribuant, dans des éditions soignées, des titres provenant de pays variés (Espagne, Corée du sud, Thaïlande...) et parfois inédits au cinéma en France, comme cela avait été le cas pour un autre film allemand : la comédie pour adolescents GIRLS AND SEX de Dennis Gansel.
TATTOO, présenté dans son format d'origine (2.35 avec option 16/9), bénéficie d'une image de bonne qualité. A priori, il n'a rien d'un film facile à encoder (image très sombre, clairs-obscurs...). Et pourtant, ce DVD s'en sort globalement très bien, en limitant notamment les dominantes malvenues dans les passages les plus ténébreux. Certes, on peut signaler ponctuellement quelques petites marques de compression ou des noirs un peu louches (la rave du début), mais globalement, c'est plus que convenable.
La bande-son est proposée en version originale allemande en Dolby Digital 5.1, avec un sous-titrage français imposé. Inédit oblige, le doublage francophone est peu satisfaisant, tant au niveau du doublage qu'en ce qui concerne le mixage.
La section bonus, sous-titrée en français, semble reprendre des éléments disponible sur le DVD allemand. On trouve une très courte featurette promotionnelle de trois minutes, des petites interviews des acteurs et du réalisateur qui représentent environ sept minutes au total, ainsi qu'une galerie d'une vingtaine de photographies de plateau. Tout cela est complété par les bandes-annonces française et allemande de TATTOO. Hélas, il faut bien reconnaître que l'ensemble est vite consulté et peu informatif. Enfin, on peut visionner les bandes-annonces des autres titres du catalogue de CTV. Dommage que les nombreux bonus du double DVD allemand (commentaire audio, making of...) n'aient pas été repris de façon un peu plus complète. D'ailleurs, un autre supplément issu de l'édition allemande est dissimulé sur le disque. Bien que celui-ci soit en apparence fort intéressant puisque l'on y parle de la création des maquillages et autres effets spéciaux sanglants, il n'est malheureusement pas sous-titré !
L'édition d'outre-Rhin étant inaccessible aux non-germanophones, la sortie de ce DVD français reste une heureuse initiative pour découvrir ce thriller horrifique dans de bonnes conditions techniques.
