Sherlock Holmes est chargé d'élucider la mort mystérieuse de Charles Baskerville, un aristocrate dont on a retrouvé le cadavre dans la lande, près de son domaine. Tout semble indiquer qu'il a été victime d'une malédiction ancestrale : celle du chien des Baskerville...
La petite firme britannique Hammer avait connu un succès inattendu en 1957, avec son FRANKENSTEIN S'EST ÉCHAPPÉ, réalisé par Terence Fisher et entièrement financé par des capitaux anglais, bien qu'il ait été distribué aux USA par la major Warner. Ce réveil de l'épouvante gothique, annonçant le déclin de la science-fiction classique des années 50, allait motiver la mise en chantier de projets comparables par la Hammer. La recette est simple : proposer des nouvelles transpositions en couleurs de mythes fantastiques ayant déjà été illustrés en noir et blanc, au cours des années 1930-40, par des compagnies hollywoodiennes. Rapidement, en collaboration avec Universal, une nouvelle adaptation du "Dracula" de Bram Stoker est tournée : LE CAUCHEMAR DE DRACULA, encore de Fisher. Puis, Columbia aide la Hammer à faire LA REVANCHE DE FRANKENSTEIN, la suite de FRANKENSTEIN S'EST ÉCHAPPÉ, toujours par le même réalisateur. Enfin, United Artists et la petite compagnie anglaise s'associent pour LE CHIEN DES BASKERVILLE avec, derrière la tête, l'idée de lancer une nouvelle série d'aventures de Sherlock Holmes, en s'inspirant des quatorze films tournés aux USA, de 1939 à 1946, dans lesquels ce détective était interprété par Basil Rathbone. Aux studios de Bray, où la Hammer oeuvrait depuis 1950, on réunit donc une équipe déjà bien rôdée par les trois précédents "horror films" en couleurs. La réalisation est toujours assurée par Terence Fisher, tandis que Jack Asher s'occupe de la photographie et que Bernard Robinson est chargé de la direction artistique. La musique est encore de James Bernard et le casting est dominé par Peter Cushing. L'acteur Christopher Lee et le compositeur James Bernard, qui n'avaient pas travaillé sur LA REVANCHE DE FRANKENSTEIN, reviennent aux affaires. Par contre, le scénariste Jimmy Sangster est absent : c'est Peter Bryan qui se charge de l'adaptation du célèbre roman d'Arthur Conan Doyle.
Le professeur Mortimer se rend à Londres, au 221B Baker Street, pour soumettre à Sherlock Holmes, le plus célèbre des détectives privés, un étrange mystère. Charles Baskerville, aristocrate de haute-lignée et propriétaire d'un domaine dans la lande de Dartmoor, vient d'être retrouvé mort dans des ruines proches de sa demeure, suite à, semble-t-il, un arrêt cardiaque. Mortimer avance qu'il y aurait un lien entre ce drame et la malédiction qui frappa Hugo Baskerville au XVIIIème siècle : ce châtelain cruel et débauché aurait été tué par un chien infernal, venu le punir après qu'il ait assassiné une jeune femme. Le molosse démoniaque serait revenu mettre à mort le descendant de Hugo, trois siècles plus tard. Holmes ne croit pas une seconde à cette explication surnaturelle. Débordé par de nombreuses affaires, il charge le docteur Watson, son fidèle ami, d'accompagner Mortimer au Baskerville Hall. Ils s'y rendent en compagnie de Henry Baskerville, le nouvel héritier du domaine réputé maudit, qui va s'y installer... à ses risques et périls !
"Le chien des Baskerville" est sans doute la plus connue des aventures de Sherlock Holmes. Arthur Conan Doyle avait donné la vie à ce génie de l'enquête policière dans "Une étude en rouge", publiée en 1887. Ses exploits suivants vont conquérir progressivement le public, mais Conan Doyle se lasse rapidement de sa création. Il "tue" Holmes dans "Le dernier problème", paru en 1893. Les lecteurs sont évidemment très mécontents ! Finalement, en 1901, l'écrivain se plie aux exigences du public et propose une nouvelle aventure du détective, censée se dérouler avant sa mort : "Le chien des Baskerville". En 1903, la nouvelle "La maison vide" explique que le limier de Baker Street a bien survécu à sa confrontation soi-disant mortelle avec Moriarty. Conan Doyle rédigera donc d'autres enquêtes de Sherlock Holmes, qui se succèderont jusqu'en 1927.
Holmes sera un personnage si populaire qu'il apparaîtra au cinéma bien avant la mort de son inventeur, décédé en 1930. Ainsi, dès 1900, on trouve déjà un SHERLOCK HOLMES BAFFLED sur les grands écrans. La malédiction des Baskerville donnera lieu à de nombreuses adaptations, souvent liées à d'importants courants du cinéma fantastique. Ainsi, l'Allemagne propose un film DER HUND DER BASKERVILLE, en quatre parties, en 1914 et 1915 : ses deux derniers volets sont réalisés par Richard Oswald, un pionnier du fantastique allemand. Oswald, à nouveau, réalisera LE CHIEN DES BASKERVILLE en 1929, promu en France comme le premier film sonorisé (avec des disques) mettant en scène Sherlock Holmes. Le fantastique s'éteint en Allemagne au début des années 1930, mais il s'épanouit ensuite à Hollywood, sous une forme parlante, suite aux triomphes des productions Universal DRACULA et FRANKENSTEIN. En 1939, la Fox propose LE CHIEN DES BASKERVILLE avec Basil Rathbone dans le rôle de Sherlock Holmes. L'acteur devient une star du cinéma d'horreur (on le retrouve, la même année, dans LE FILS DE FRANKENSTEIN et LA TOUR DE LONDRES), et récupère la loupe du célèbre détective pour une seconde production Fox : SHERLOCK HOLMES. En 1942, Universal prend le relais, en récupérant Rathbone et son Watson (Nigel Bruce) pour une série de douze films, qui s'achèvera en 1946, suite à la lassitude de son acteur-vedette. Holmes disparaît alors des écrans...
...Jusqu'en 1959, qui marque son retour triomphal, et en couleurs, dans cette version Hammer du CHIEN DES BASKERVILLE ! Transposer sur grand écran cette intrigue littéraire n'a, bien entendu, rien de très aisé. Peter Bryan simplifie certaines parties de l'histoire (les rapports entre Stapleton et sa fille), supprime certains personnages (Laura Lyons disparaît) ou modifie des caractères (l'antipathique Frankland devient un aimable homme d'église). Certaines péripéties, qui auraient sans doute coûté trop cher à reconstituer (la filature dans Londres) passent à la trappe, tandis que de nouvelles séquences, plus proches de l'horreur, sont introduites (l'araignée, l'exploration risquée dans la mine). De même, le lieu du premier meurtre est un peu modifié : alors que, dans le roman, Charles avait été tué devant sa demeure, il est ici assassiné dans des ruines, sur la lande. Par ailleurs, Conan Doyle, fidèle à la réalité archéologique du pays de Dartmoor, parsemait ce décor naturel de vestiges néolithiques ; la Hammer, elle, inscrit la plupart de ses scènes de terreur au milieu de ruines médiévales, dans la grande tradition de la littérature et du cinéma gothiques.
Continuant sur la voie tracée par ses films précédents, Fisher propose une oeuvre à l'atmosphère particulièrement soignée. Le jeu sur les couleurs est stylisé, certes, mais sans outrances expressionnistes. Il combine admirablement des tons éteints de gris, de brun ou de vert, sur lesquels se détache, parfois, le rouge vif de traces de sang ou des vestes des aristocrates. Retranscrivant merveilleusement le paysage sauvage et inquiétant dépeint par Conan Doyle, cet admirable travail plastique, réalisé par Robinson et Asher, est encore mis en valeur par la réalisation de Fisher, au tempo toujours aussi entraînant, et capable, dans les scènes d'horreur, de se faire cinglante comme un coup de fouet. James Bernard alterne à nouveau, avec son talent habituel, des explosions de lyrisme solennel et des thèmes lents, lourdement menaçants.
LE CHIEN DES BASKERVILLE retrouve donc les qualités issues des premiers "Horror films" en couleurs de la Hammer. Mais, il n'en reste pas moins une oeuvre plutôt sage. Certes, il semble contenir plus de violence que le roman, notamment dans son stupéfiant prologue, qui annonce le cruel sadisme de l'ouverture de LA NUIT DU LOUP-GAROU. Pourtant, on est loin des trouvailles "Grand-guignol" de FRANKENSTEIN S'EST ÉCHAPPÉ ! ou des péripéties sanglantes du CAUCHEMAR DE DRACULA. On ne signale pas de décomposition accélérée ou de manipulation d'organes frais, par exemple. Par contre, on a un récit policier, certes un peu bavard, mais mené à un rythme étourdissant et bénéficiant d'une interprétation entraînante.
C'est en effet Peter Cushing qui hérite de la pipe et de la loupe de Sherlock Holmes. Il n'a physiquement que peu de rapport avec le grand personnage ombrageux décrit par Conan Doyle. Néanmoins, rompu à l'interprétation de personnages décidés et intelligents (le baron Frankenstein, Van Helsing...), il impose un Holmes hyperactif, à la fois irrité et stimulé par la (relative) lenteur du docteur Watson. Ce dernier est excellemment incarné par André Morell (L'INVASION DES MORTS-VIVANTS) ; sa prestation a d'autant plus d'importance que le bon médecin mène seul une bonne partie de l'enquête, et ne peut pas se contenter, ici, d'être un simple faire-valoir. Le reste du casting est impeccable de A à Z, aucun des (nombreux) seconds rôles ne venant tirer vers le bas le niveau de l'interprétation.
S'il manque peut-être au CHIEN DES BASKERVILLE le grain de folie qui lui permettrait d'égaler des titres comme LE CAUCHEMAR DE DRACULA ou LA NUIT DU LOUP-GAROU, il s'agit cependant d'un titre incontournable pour les amateurs de cinémas fantastique et policier. Toutefois, et contrairement à ce qui avait été prévu, il n'y aura pas d'autres aventures de Sherlock Holmes produites par la Hammer. Fisher retrouvera néanmoins ce personnage, hors du cadre de ce studio et interprété cette fois-ci par Christopher Lee, pour SHERLOCK HOLMES ET LE COLLIER DE LA MORT, en 1962. Surtout, Cushing reprendra le rôle de ce détective pour une série télévisée britannique, à la fin des années 60, qui achèvera de l'imposer comme le digne successeur de Basil Rathbone et comme "le" Sherlock Holmes d'une nouvelle génération. Il interprètera une dernière fois ce personnage dans THE MASKS OF DEATH (LES MASQUES DE LA MORT à la télévision française), un téléfilm anglais de 1984.
LE CHIEN DES BASKERVILLE est d'abord sorti en DVD dans une édition américaine MGM (zone 1, NTSC) qui va être étudiée ici. L'image est proposée dans son format 1.66 respecté, mais ne propose pas d'option 16/9. La copie donne quelques traces de fatigue, avec notamment quelques plans flous (dans la scène de l'attaque de l'araignée) et d'assez nombreuses, bien que toujours discrètes, saletés et rayures. Les scènes sombres sont parfois légèrement bruitées et l'on remarque quelques effets de moirage. Bref, ce disque semble un peu en deçà du DVD Warner de FRANKENSTEIN S'EST ÉCHAPPÉ, par exemple. Néanmoins, le rendu des lumières et des couleurs est excellent, ce qui rend tout à fait justice au superbe travail réalisé par Fisher et ses techniciens. Somme toute, l'image de ce DVD est perfectible, mais reste quand même du bon travail. Ses défauts ne sont jamais suffisamment graves pour vraiment gêner le spectateur.
La bande-son est proposée en mono, en anglais, espagnol et français. La piste anglaise sonne un peu dure et nasillarde, mais reste très acceptable pour un film de cette époque. La française est très propre, bien plus que la piste anglaise, mais artistiquement, ce doublage est bien inférieur à la version originale. On trouve des sous-titres français, anglais et espagnols pour le film.
Les bonus, eux, ne sont pas sous-titrés. Une featurette consiste en une interview récente de Christopher Lee, fort intéressante (13 minutes). Puis, on a accès à une bande-annonce anglophone en noir et blanc. Enfin, on peut écouter deux passages du roman "Le chien des Baskerville" lus par Christopher Lee, accompagné par un montage d'illustrations d'époque dessinées par Sidney Paget.
Pour Halloween 2003, MGM a sorti en France le DVD du CHIEN DES BASKERVILLE (zone 2, PAL), dans une édition semblable (pas de 16/9), reprenant le même master et avec une image sensiblement du même niveau (bien que légèrement plus bruitée). Hélas, certains bonus s'étant perdus en route (la featurette et les lectures), les collectionneurs les plus pointilleux lui préfèreront l'édition américaine.
Relativement mésestimé dans les pays anglo-saxons, LE CHIEN DES BASKERVILLE est un Hammer très populaire auprès du public français, notamment grâce à ses nombreuses diffusions sur nos télévisions. Le DVD américain, proposé à un prix raisonnable, reste actuellement l'édition la plus complète pour ce titre-clé de la grande époque du cinéma fantastique britannique.