Header Critique : EATEN ALIVE (LA SECTE DES CANNIBALES)

Critique du film et du DVD Zone 0
EATEN ALIVE 1980

LA SECTE DES CANNIBALES 

Une jeune femme part en Nouvelle-Guinée afin d'y rechercher sa soeur mystérieusement disparue. Elle la retrouve dans le village d'une secte, en plein milieu de la jungle...

LA SECTE DES CANNIBALES est le second film d'anthropophages réalisé par Umberto Lenzi. Il le tourne avec le tandem de producteurs italiens Mino Loy - Luciano Martino, pour lesquels il avait déjà tourné, entre autres, le giallo SI DOUCES, SI PERVERSES ou le policier MILANO ODIA : LA POLIZIA NON PUO SPORARE (LA RANÇON DE LA PEUR en vidéo). Employant de tous petits moyens, la production s'offre néanmoins, pour quelques plans, la présence de la vedette internationale Mel Ferrer (qui retrouvera Lenzi pour L'AVION DE L'APOCALYPSE), présence bien entendue mise en avant de façon disproportionnée sur le matériel promotionnel et les bandes-annonces ! Le tournage se déroule, pour les extérieurs, au Sri Lanka, et, un peu, aux USA. Les intérieurs sont faits en Italie. Quelques "stars" du film de cannibales sont recrutées, comme Ivan Rassimov (AU PAYS DE L'EXORCISME et LE DERNIER MONDE CANNIBALE), Me Me Lai (idem) et Robert Kerman (CANNIBAL HOLOCAUST). On trouve encore les actrices Janet Agren (FRAYEURS de Fulci) et Paola Senatore (BLACK EMANUELLE EN AMÉRIQUE de Joe D'Amato).

Aux États Unis, des crimes mystérieux sont commis par un étrange personnage, armé d'une sarbacane projetant des fléchettes enduites de venin de cobra. Au même moment, Sheila Morris, riche héritière, remue ciel et terre pour retrouver sa sœur Diana. Cette dernière est en fait sous l'emprise d'un gourou illuminé, Jonas, qui s'est réfugié avec sa secte dans la jungle de Nouvelle-Guinée. A l'aide d'un film amateur retrouvé par la police et d'informations fournies par le professeur Carter, Sheila retrouve sa piste. Elle se rend donc en Mélanésie et, en compagnie d'un aventurier appelé Mark, s'enfonce dans la jungle menaçante. Ils y découvrent le refuge de Jonas, détraqué et obsédé sexuel, qui maintient son autorité sur ses sectateurs à l'aide d'une drogue puissante. Comme si la situation n'était pas déjà suffisamment effroyable, la région semble infestée d'indigènes cannibales !

LA SECTE DES CANNIBALES est donc avant tout un film de secte. Comme le souligne la similitude phonétique entre Jonas et le révérend Jim Jones, son récit est très largement inspiré par le drame réel du Temple du Peuple. Ce groupe religieux américain, commandé par le révérend Jim Jones, avait tenté d'installer, en 1974, une colonie agricole nommée Jonestown, dans le petit État sud-américain de Guyana, sans beaucoup de succès. Lorsque la branche principale de la secte, aux États Unis, commence à avoir des ennuis avec le fisc américain, Jim Jones choisit l'exil et s'installe là-bas avec ses fidèles en 1977. Ce gourou y reçoit la visite d'un membre du congrès, Leo Ryan, venu enquêter sur une affaire de reconnaissance de paternité impliquant le révérend. A la fin de son périple, l'envoyé de Washington tente de quitter la Guyana en compagnie de quelques adeptes souhaitant échapper à l'emprise de la communauté. Cela se termine par une fusillade au cours de laquelle Ryan trouve la mort. Jones organise alors le suicide collectif, par empoisonnement, de ses sectateurs. Ils étaient plus de 900, presque tous volontaires pour ce "grand départ" ! Un pareil fait divers marque bien entendu les consciences et entraîne la mise en chantier de divers produits opportunistes parmi lesquels LA SECTE DES CANNIBALES (titre inexact, d'ailleurs, puisque les fidèles de Jonas n'y sont pas cannibales) ; le téléfilm GUYANA TRAGEDY, THE STORY OF JIM JONES dans lequel le gourou est incarné par Powers Boothe ; ou encore GUYANA, LA SECTE DE L'ENFER du mexicain René Cardona Jr.

On décida de mêler au récit de LA SECTE DES CANNIBALES des éléments typiques des films d'anthropophages, qui marchaient alors fort bien en Italie. Umberto Lenzi est en général considéré comme le père de ce genre populaire italien, avec, en 1973, son AU PAYS DE L'EXORCISME, qui s'inspirait lui-même d'œuvres un peu hippies décrivant le retour à un style de vie tribal, comme LA VALLÉE de Barbet Schroeder (des jeunes occidentaux y partageaient la vie d'indigènes de Nouvelle-Guinée) ou le western UN HOMME NOMME CHEVAL (un anglais était recueilli par une tribu indienne). Le succès du DERNIER MONDE CANNIBALE de Ruggero Deodato popularisera fortement le genre, qui se verra décliné avec VIOL SOUS LES TROPIQUES de Joe D'Amato ou LA MONTAGNE DU DIEU CANNIBALE de Sergio Martino par exemple. Par ailleurs, c'est le domaine plus général de l'aventure exotico-horrifique italienne qui en profitera pour rebondir sur cette vague, avec des titres comme L'INVASION DES PIRANHAS, et même un certain L'ENFER DES ZOMBIES de Fulci. Lenzi, pourtant peu amateur de films d'horreur, prend donc sa part du gâteau en réalisant LA SECTE DES CANNIBALES, puis CANNIBAL FEROX, deux oeuvres tournées pour les mêmes producteurs. Lenzi n'en sera pas très fier et considérera ces deux films de cannibales comme des travaux purement alimentaires (!).

LA SECTE DES CANNIBALES démarre comme un très classique film d'aventures. Une personne part à la recherche d'un membre de sa famille disparue au cours d'un périple exotique ; elle se fait aider dans son entreprise par un guide d'origine occidentale. Ce point de départ, qu'on trouve déjà dans le roman classique "Les mines du roi Salomon" de H. Rider Haggard et ses adaptations cinématographiques, avait été repris peu avant dans LA MONTAGNE DU DIEU CANNIBALE. Ce n'est pas le seul emprunt fait au film de Martino, puisque des stock shots (le rituel dans la caverne par exemple) proviennent de cette oeuvre. On reconnaît aussi des scènes récupérées dans AU PAYS DE L'EXORCISME (l'agression d'une jeune fille au bord de la rivière) ou du DERNIER MONDE CANNIBALE (le calvaire de Me Me Lai). Il est donc d'autant plus naturel d'y retrouver certains éléments incontournables de ce style de cinéma, comme des plans gore au cours desquels des indigènes hirsutes savourent, en fins gourmets, qui un pied, qui une jambe, en exprimant par des râles réjouis leur délectation.

La gratuité est bien sûr de mise, notamment dans des scènes de violence sexuelle, souvent complètement inutiles au récit, ou des mises à mort d'animaux. Qu'on se rassure, assez peu de petites bêtes ont du souffrir sur le tournage de LA SECTE DES CANNIBALES, une grande part de ces plans semblant venir de stock shots ! L'action est censée se dérouler en Nouvelle-Guinée, mais les figurants sri-lankais n'ont vraiment pas l'apparence des indigènes de cette région. Qui plus est, le film mystérieux trouvé par la police nous montre un monument bouddhique (déjà très improbable en Nouvelle-Guinée qui n'a jamais été une terre de Bouddhisme) que le spécialiste incarné par Mel Ferrer semble avoir du mal à identifier. Heureusement, l'équipe de DeVilDead est en mesure de vous révéler qu'il s'agit du "grand Bouddha couché" du site de Pollonaruwa, un des monuments les plus célèbres du Sri Lanka ! Qui plus est, selon les stock shots utilisés, les cannibales ont des physiques et des costumes plutôt amazoniens, mélanésiens ou extrême-orientaux... Tous ces détails gênent la crédibilité des évènements et, surtout, soulignent la nonchalance générale du projet.

A tout cela viennent s'ajouter de graves problèmes au niveau de l'interprétation des seconds rôles. Ferrer passe chercher son chèque en ayant l'air de se ficher complètement de ce qui se passe. Quant aux indigènes, ils oscillent entre l'absence d'expression la plus brute et les grimaces les plus débiles, tout en marmonnant des "Wanga Wanga" du plus ridicule effet. Les dialogues sont presque toujours d'une parfaite crétinerie, ce qui a au moins le mérite de faire sourire le spectateur de loin en loin. Quant à toute la laborieuse partie de l'action tournant autour du gourou Jonas et de ses méthodes de manipulation, elle est d'une platitude et d'une sottise effroyables. Se rajoutent encore quelques couches de poujadisme (des politiciens véreux tentent de cacher l'existence des cannibales !) et de machisme déplaisant (Mark doit gifler Sheila plus souvent qu'il ne l'embrasse !). Tout cela fait beaucoup pour un seul film !

Heureusement, tout n'est pas à jeter dans LA SECTE DES CANNIBALES. Les principaux interprètes font globalement preuve d'un entrain sympathique, voire s'investissent dans leur rôle, comme Ivan Rassimov en gourou délirant. L'action bénéficie toujours d'un certain rythme et les extérieurs sont raisonnablement dépaysants. Enfin, on ne peut pas nier une certaine fascination pour ce film opportuniste et racoleur, déplaisant par son mauvais goût débridé et sa manière infantile d'exploiter une tragédie réelle ; mais aussi divertissant par son tempo et ses audaces dénuées de complexes.

LA SECTE DES CANNIBALES n'est certainement pas un incontournable du cinéma fantastique. Néanmoins, sa nonchalance, son humour involontaire et son aspect racoleur en font un "must" pour les amateurs de ces films fauchés et délirants qui constituaient le fond du panier du cinéma populaire italien de l'époque. Apparemment inédit en salles en France, il y a tout de même été distribué en vidéo, notamment dans la mythique collection South Pacific Video.

EC Entertainment avait déjà proposé ce titre dès l'époque du laserdisc. Puis, ils l'avaient distribué en DVD, dans une édition assez chiche (pas de 16/9, notamment). Enfin, ils l'ont ressorti dans ce format, sous l'appellation ronflante de "Deluxe collector's edition" ! Voyons ce qu'il en est...

L'image est proposée avec option 16/9, dans un cadrage en 1.77. Quand bien même il s'agit d'un DVD européen, il est multizone et est proposé dans le standard américain NTSC. L'image est globalement de très bonne qualité. La lumière et les couleurs sont notamment très bien restituées. La compression est quasi-invisible (à part quelques rares scènes sombres) et les différences d'étalonnage entre les extraits de provenances variées ne sautent pas trop aux yeux. Certes, la définition est un peu en retrait et on trouve quelques saletés et rayures, mais l'ensemble est globalement très satisfaisant.

La bande son, en mono codée sur deux canaux, n'est proposée qu'en anglais. Elle sonne un peu "bouchée" et sourde, et certaines phrases peuvent paraître (un peu) dures à suivre. Le résultat d'ensemble est tout de même correct. Encore une fois, on aurait apprécié la présence de la bande-son italienne...

En bonus, il faut se contenter de peu de choses. On trouve deux bandes-annonces : une allemande (apparemment repiquée sur une VHS fatiguée) et une anglophone (en excellent état). Une belle galerie contient des photographies de plateau, un jeu de photos d'exploitation allemandes et diverses jaquettes de VHS, Laserdisc, DVD... Un feuillet, glissé dans le boîtier du DVD, propose une biographie sommaire de Lenzi, ainsi que sa filmographie.

C'est peu, surtout si l'on compare avec le DVD américain Shriek Show (NTSC et zone 1 seulement), vendu à un prix comparable, et réputé proposer une qualité d'image un peu meilleure et, surtout, des interviews de Lenzi, Rassimov et Kerman.

LA SECTE DES CANNIBALES est, en gros, une oeuvre amusante à regarder, même si son acquisition nous semble devoir être réservée aux amateurs de bisseries italiennes les plus pointues. En tout cas, comme pour toute cette vague de films de cannibales, les plus sensibles des amis des animaux sont invités à passer leur chemin ! Le DVD EC Entertainement est de bonne qualité, mais les détenteurs de matériel permettant de lire les DVD zone 1 pourront lui préférer l'édition américaine.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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L'édition vidéo
MANGIATI VIVI DVD Zone 0 (Hollande)
Editeur
EC Ent.
Support
DVD (Simple couche)
Origine
Hollande (Zone 0)
Date de Sortie
Durée
1h29
Image
1.78 (16/9)
Audio
English Dolby Digital Mono
Sous-titrage
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