Après s'être offert une partie de jambes en l'air avec sa fille prostituée, le père d'une famille se prend un énorme coup sur la tête. Pas rancunier, il invite son agresseur à s'installer chez lui !
VISITOR Q est le sixième film d'une série produite par CineRocket Company au Japon. Sous l'appellation de «Love Cinema», le concept était de laisser six réalisateurs de la «nouvelle vague» japonaise tourner chacun en DV un film pour l'exploitation directe en vidéo. Toutefois, ces métrages ont été projetés dans de rares salles «art et essai» au Japon avant d'être distribués plus largement par le truchement de la vidéo. En France, le film est lui aussi sorti en salles de manière très confidentielle et dans un circuit très restreint, juste le temps de se prendre au choix une certaine reconnaissance ou un rejet de la part des critique français !
Le film de Takashi Miike, et par extension toute sa filmographie, divise et partage de façon radicale : étron amateur pour les uns et brillant exercice cinématographique pour les autres… Choisissez votre camp ! De notre côté, si l'on n'ira pas jusqu'à taxer VISITOR Q de chef-d'œuvre, ce qui serait étonnant de la part d'une petite bande vidéo emballée en moins d'une semaine, il faut bien avouer que le film de Miike ne nous a pas semblé être le summum de la provocation gratuite. Il présente même une histoire bien plus intelligente qu'il n'y paraît !
Il serait simpliste et malhonnête de résumer VISITOR Q en dressant une liste des perversions les moins avouables présentées dans le film : inceste, nécrophilie… Car tout cela s'inscrit de façon logique dans cette comédie dramatique «trash», hilarante même pour certains, qui s'avère au final être une sorte de pamphlet à l'issue optimiste à l'encontre de la société japonaise. Pour en arriver là, Takashi Miike s'inspire du THEOREME de Pier Paolo Pasolini en lui empruntant son point de départ. A savoir l'irruption d'un personnage aux origines inconnues au sein d'une famille qui en sera profondément modifiée après son départ.
La famille de VISITOR Q apparaît totalement disloquée et n'a plus aucun repère. La fille se prostitue, tout comme la mère pour des raisons différentes, le fils lynche sa mère et le père ne semble obsédé que par la continuité de sa carrière en tant que journaliste télévisé. Cette perte de repère n'est pas seulement localisée sur cette famille puisque tout les personnages qui les entourent en sont aussi affectés : les «camarades» du fils, la supérieure du père… Pour remettre un peu d'ordre là-dedans, rien ne vaut un bon coup sur la tête ce que donnera au sens propre le fameux «visiteur» aux membres de la famille alors que les spectateurs s'en prendront un au figuré de la part de Takashi Miike. Dès lors, on peut se demander si le personnage mystérieux n'est pas en quelques sorte une incarnation du réalisateur qui essaye tout simplement de choquer son auditoire pour mieux le réveiller ! Tout autant qu'un ange gardien, cela expliquerait ses apparitions ou disparitions.
Bien entendu, Miike n'y va pas par quatre chemins pour explorer la thématique de son film. Parmi les personnages les plus outrés, il dresse un portrait assez incroyable du père prêt à se servir de sa propre famille pour réaliser un documentaire putassier. Un choix désespéré mais naturel pour lui qui semble être poussé dans ses derniers retranchements par une obligation de rendement télévisuel. Miike filme la chose comme une farce truculente à l'instar d'une scène où un repas tourne au chaos et où ce personnage ne trouve rien de mieux que de filmer la situation à la manière d'un commentateur sportif !
Les horreurs accumulées dans VISITOR Q n'empêchent à aucun moment de voir l'amour et l'optimisme poindre le bout de leur nez. Figure effacée, la mère va se redécouvrir en tant que femme nourricière de façon très particulière ce qui ne sous-entend pas de mettre de la nourriture sur la table. Les séquences mettant en scène cette métaphore pourront d'ailleurs être jugées comme choquantes à l'instar d'autres passages déjà bien moins naturels ! Grâce au visiteur, le rôle de la mère change et du même coup, toute la famille va se resserrer autour d'elle pour reconstituer le cocon familial. Miike ne s'assagit d'ailleurs pas plus à ce moment puisqu'il aligne quelques massacres et même une séquence où l'on découvre que les mystères de la vie ne sont pas toujours ce qu'ils semblent être !
Studio Canal a l'air de croire à fond dans VISITOR Q puisque l'éditeur a oublié de créer des menus pour ce DVD. Par là-même, il n'y a pas non plus de suppléments dédiés au film. Rien de rien ! Ou plutôt, il faudra se contenter de bandes-annonces infligées à l'insertion du disque et qui sont pour la plupart très éloignées de VISITOR Q. Le simple appui sur la touche "Menu" de votre télécommande vous téléportera invariablement au début du film !
Tourné en DV à l'origine, VISITOR Q une fois passé sur DVD, nous rend donc son image type film de famille, ce qui par certains côtés est parfait, ou de reportages télévisés. Un style d'image qui pourra sembler rebutant comparé aux images cinéma plus traditionnelles. Dans le cas de VISITOR Q, cela passe relativement bien étant donné son histoire familiale et le tournage vidéo à l'intérieur du film (la séquence d'ouverture). Il n'y a ici pas de véritables défauts à noter dans la retranscription sur DVD si l'on excepte quelques problèmes de compression.
Pas de menu et une seule piste sonore. Il s'agit de la version japonaise puisque le film n'a jamais été doublé en français. Mais à quoi bon ? Bien entendu, un sous-titrage en français permet de suivre le film sans encombre. Pas de miracle, la piste stéréo reproduit la bande-son d'origine ce qui permet d'arrêter d'en parler dès maintenant puisqu'il n'y a rien d'autre à ajouter !
Entre farce truculente voire burlesque (le parapluie) et drame glauque, Takashi Miike et sa grosse pierre dans une main nous balance un grand coup dans la tête. Un film surprenant qui aura donc choqué pas mal de monde ce qui peut paraître étonnant puisque VISITOR Q n'est pas plus offensant que les pires délires de John Waters ou SALO ET LES 120 JOURNEES DE SODOME de Pasolini.
Même si l'on peut voir la perte de repère de la société décrite dans le film du coin de l'œil en se disant qu'ils sont quand même timbrés ces japonais, il est permis de se demander si certains des travers dépeints dans VISITOR Q ne sont pas présents en occident (pression de la réussite, parents privés d'autorité…). Takashi Miike réussit en tout cas à nous faire rire et on l'espère réfléchir avec des éléments bien «trash» dans un film qu'il sera plus que judicieux de ne pas placer entre toutes les mains !