Header Critique : DRAGON DU LAC DE FEU, LE (DRAGONSLAYER)

Critique du film et du DVD Zone 2
LE DRAGON DU LAC DE FEU 1981

DRAGONSLAYER 

A la mort de son vieux maître Ulrich, l'apprenti-sorcier Galen prend sa succession et vient en aide à des paysans du lugubre royaume de Urland. Ils veulent en effet se débarrasser d'un terrible dragon, Vermithrax, qui exige qu'on lui sacrifie régulièrement des jeunes filles vierges. Légèrement inconscient des dangers le menaçant, Galen, équipé d'un médaillon magique légué par Ulrich, s'engage dans cette aventure...

Matthew Robbins et Hal Barwood, les deux personnes ayant porté le projet LE DRAGON DU LAC DE FEU depuis ses origines, ont d'abord commencé à oeuvrer à Hollywood comme un tandem de scénaristes. Ils parviennent notamment à faire réaliser un de leurs scripts par un jeune réalisateur, dont c'était le premier long-métrage pour le cinéma : SUGARLAND EXPRESS de Steven Spielberg. Petit à petit, ils se font une place et participent, dans une petite mesure, aux préparations de LA GUERRE DES ÉTOILES et de RENCONTRES DU TROISIÈME TYPE. Ils suivent avec attention le tournage de ce dernier titre, au cours duquel ils peuvent mesurer les possibilités de l'industrie hollywoodienne de la fin des années 1970 en matière d'effets spéciaux. Robbins et Barwood réussissent ensuite à faire aboutir l'un de leurs propres projets : CORVETTE SUMMER, écrit en duo et réalisé par Robbins. Mêlant "Highschool" et automobile, cette comédie interprétée par Mark Hammil, sortant tout droit de LA GUERRE DES ÉTOILES, fut un bide.

Finalement, les deux compères vont convaincre Paramount de produire leur film suivant : LE DRAGON DU LAC DE FEU, un récit d'heroïc fantasy. CONAN LE BARBARE n'ayant, alors, pas encore triomphé sur les écrans, ce choix était assez courageux de la part du studio. Le budget initialement prévu est de 12 millions de dollars, mais Paramount se rend compte qu'il faudra, en fait, en aligner au moins 15 pour mener le film à son terme (le budget final sera de 16 millions, le prix d'une grosse production). Le studio s'inquiète et décide, afin de partager les risques, d'associer la firme Walt Disney à l'affaire, les deux compagnies ayant déjà coopéré sur la version "live" de POPEYE réalisée par Robert Altman en 1980. Disney apporte, de plus, son grand savoir-faire en matière d'effets spéciaux mécaniques, acquis dans l'élaboration des attractions de ses parcs. Quant au tournage, il se déroule au Pays de Galles et en Écosse pour certains extérieurs, ainsi qu'aux célèbres studios Pinewood de Londres.

Pour réaliser les séquences mettant en scène le fameux dragon, plusieurs techniques sont combinées. D'abord, des techniciens de Disney élaborent des parties du monstre grandeur nature (pattes, queue, tête...). Surtout, les services d'ILM, spécialisés dans les effets spéciaux, sont requis. Phil Tippett (responsable de l'animation sur L'EMPIRE CONTRE-ATTAQUE, ROBOCOP...) élabore des marionnettes réduites du dragon afin d'élaborer des plans, ou des éléments de plan, le mettant en scène. Certains seront animés image par image, dans la tradition des travaux de Willis O'Brien ou Ray Harryhausen.

D'autres font appel à une nouvelle technologie, consistant à animer une marionnette à l'aide de moteurs guidés par ordinateur : conçue pour éviter les longues et laborieuses manipulations de l'animation image par image, cette technique s'avère en fait encore plus pénible, la programmation des ordinateurs étant alors très lourde à gérer ! L'informatique est encore requise pour le vol du dragon : on utilise la technique du "motion control", guidage de caméra par ordinateur, permettant de reproduire à l'infini et à l'exact identique le même mouvement d'appareil. Ce procédé, inventé par John Dykstra et mis en oeuvre dans LA GUERRE DES ÉTOILES, a apporté une toute nouvelle liberté dans l'élaboration de plans composites.

Malgré les moyens mis en oeuvre, LE DRAGON DU LAC DE FEU connaîtra un grave échec commercial aux USA, et restera considéré comme une disgrâce pour Disney. Déjà marqué par le bide du TROU NOIR, ce studio allait encore subir, l'année suivante, l'accueil mitigé réservé à TRON. LE DRAGON DU LAC DE FEU est ensuite assez peu montré, tandis que ses studios producteurs préfèrent ne plus trop en entendre parler. Son souvenir reste pourtant vivace chez les amateurs d'heroïc fantasy, et de nombreux enfants ayant eu la chance de le voir en salles en gardent un souvenir émerveillé. Paramount sort un laserdisc américain en 1995, respectant le format scope. Quant au format DVD, LE DRAGON DU LAC DE FEU se fera longtemps attendre. Finalement, en 2003, les choses bougent et Disney propose ce titre en France, dans le cadre d'une collection économique. Paramount devrait suivre en sortant, sur le marché américain, un autre DVD, en octobre 2003... Mais revenons au film lui-même.

Des paysans, venus du pays d'Urland, arrivent, au terme d'un long périple, auprès d'Ulrich, le dernier des enchanteurs, vivant seul dans un château en ruines avec son fidèle serviteur Hodge et son apprenti, le maladroit Galen. Les voyageurs expliquent que leur contrée est terrorisée par un dragon, nommé Vermithrax. Pour parvenir à contenir sa furie, les rois d'Urland ont fait un marché avec le monstre : ils lui livrent régulièrement une jeune vierge, tirée au sort parmi les pucelles du pays. Or, cette loterie barbare est truquée : comme par hasard, seules les filles des pauvres y sont désignées. Les paysans supplient donc le vieil enchanteur d'employer ses pouvoirs afin de terrasser le dragon. Hélas, Ulrich est tué, avant son départ, par Horsrik, un brutal homme de main au service du roi d'Urland. N'écoutant que son courage, Galen décide de remplacer son maître dans cette périlleuse mission. Équipé d'un médaillon magique, il parvient à convaincre les paysans qu'il saura défaire Vermithrax. Il provoque un tremblement de terre à l'entrée de l'antre du dragon, croyant en bloquer les sorties définitivement. Mais il en faut plus pour venir à bout de ce monstre venu du fond des âges...

LE DRAGON DU LAC DE FEU situe son récit à la croisée de nombreuses mythologies. Outre le dragon, présent dans les légendes dès l'antiquité grecque et vedette récurrente des contes médiévaux, d'autres références sautent aux yeux : par exemple, les Athéniens, vaincus par les Crétois, devaient leur livrer annuellement sept garçons et sept jeunes filles afin qu'ils soient livrés en pâture au Minotaure, monstre qui sera finalement vaincu par le héros Thésée. Le duo mentor-apprenti formé par Ulrich et Galen rappelle les rapports entre Merlin et Arthur, avant que celui-ci ne parvienne à libérer l'épée Excalibur. Ce style de tandem est même une constante des épopées d'aventure : citons encore Frodon et Gandalf dans LE SEIGNEUR DES ANNEAUX, ou Luke Skywalker et Obiwan Kenobi dans LA GUERRE DES ÉTOILES.

Galen a son arme magique, la lance dénommée "Dragonslayer" (la tueuse de Dragon), qui s'inscrit dans la tradition d'épées comme Excalibur, mais aussi la Stormbringer d'Elric le Nécromancien, la Durandale de Roland, ou la Notung de Siegfried. Toutefois, ce garçon ne deviendra jamais vraiment un grand héros : Robbins et Barwood avouent avoir voulu porter sur ce personnage un regard plutôt ironique, inspiré par l'épisode "L'apprenti-sorcier" du FANTASIA de Disney.

Les emprunts aux légendes de la Table Ronde sont multiples. Comme dans le cycle narré par Chrétien de Troyes, l'action prend place au VIème siècle, dans un royaume des âges obscurs, antérieurs aux temps médiévaux. L'univers dans lequel se déroule LE DRAGON DU LAC DE FEU est toutefois à l'opposé des fresques chatoyantes proposées par Hollywood dans les années 1950, lorsqu'il s'agissait, par exemple, de faire illustrer par la MGM, en Technicolor, LES CHEVALIERS DE LA TABLE RONDE. Urland est une terre sombre, grisâtre et boueuse. Les paysans vivent dans la misère, soumis à l'arbitraire des décisions du Roi et à la brutalité de ses hommes de main. Quant au tirage au sort, censé apporter un minimum de justice dans la désignation des victimes sacrifiées à Vermithrax, il est grossièrement truqué. La direction artistique souligne, de son côté, le caractère primitif et lugubre de cette contrée, en s'inspirant de motifs celtes, mérovingiens, vikings ou romans, disséminés dans des décors assez sévères, souvent à peine éclairés par la lumière rougeâtre de torches vacillantes.

Les épopées des Chevaliers de la table ronde sont parfois présentées comme le temps de la transition entre les légendes païennes (Merlin l'enchanteur...) et les temps chrétiens (la quête du Graal par exemple, cet objet ayant souvent été considéré, à partir du XIIème siècle, comme une relique liée à la vie du Christ). LE DRAGON DU LAC DE FEU place, lui aussi, son récit à une telle phase de transition. Vermithrax est un vieux dragon, tandis qu'Ulrich est le dernier des enchanteurs. La colonisation chrétienne se fait vivace : des moines présentent les dragons non pas comme des créatures magiques, issues de la sorcellerie, mais comme des incarnations de Satan. La chrétienté recupère ainsi le folklore païen traditionnel pour l'assimiler et étendre son influence. L'affrontement final peut alors se lire comme une espèce de crépuscule des Dieux, ultime affrontement entre le dernier des magiciens et le dernier des dragons, appelés à laisser la place à un ordre nouveau : le moyen-âge, civilisé et chrétien.

Bénéficiant d'une richesse thématique réelle, de moyens conséquents et de techniques d'effets spéciaux alors très innovantes, LE DRAGON DU LAC DE FEU n'est pourtant pas un film sans défaut. La faiblesse de l'interprétation, manquant globalement de charisme, est à regretter. Ralph Richardson, vétéran du cinéma anglais, n'est que trop rarement présent à l'écran. Le personnage féminin, interprété par Caitlin Clarke, est intéressant, mais n'a qu'un rôle assez mineur dans le récit. Reste Peter MacNicol, sur les épaules duquel repose le métrage, alors qu'il peine un peu à s'affirmer. Son personnage n'accomplissant jamais d'actions vraiment efficaces, il peine à s'imposer comme un adversaire crédible contre le dragon. Qui plus est, les auteurs semblent avoir choisi un parti-pris assez semblable à celui des DENTS DE LA MER en ce qui concerne la présentation du dragon. Celui-ci n'intervient véritablement qu'au bout d'une bonne heure, ses apparitions précédentes ne le révélant qu'en partie. Le récit, à force de brasser des éléments mythologiques classiques, finit par être assez prévisible et semble se traîner un peu, voire perdre du temps dans des sous-intrigues modérément captivantes (le vol du talisman par le Roi, le tirage au sort de la princesse...).

Néanmoins, le soin porté à la réalisation, le sérieux et l'ambition avec lesquels ces âges sombres sont dépeints, le travail sur la photographie, le choix de superbes extérieurs naturels et de certains superbes décors construits pour l'occasion (l'antre du dragon et son entrée, notamment), donnent au film une cohérence certaine et une vraie personnalité, indéniablement séduisante. Sa dernière demi-heure, mettant en scène plusieurs affrontements avec le dragon, semble enfin trouver son rythme. La qualité de l'animation du monstre, impeccable, est admirable. La transition entre les modèles réduits et les parties grandeur nature sont, pour ainsi dire, parfaites. Restent néanmoins quelques problèmes de gestion des contraste dans des plans composés, trahissant parfois, voire souvent, les travaux d'incrustation (le final sur les montagnes, les vols du dragon...).

LE DRAGON DU LAC DE FEU souffre de défauts évidents dans sa structure inégale, et d'un casting discutable. Il n'en reste pas moins un titre intéressant. Parvenant à reconstituer un univers médiévo-fantastique cohérent et crédible, il propose quelques séquences authentiquement époustouflantes (le combat dans l'antre...). S'il n'égale pas les plus grandes réussites du genre (le diptyque LES NIBELUNGEN de Fritz Lang, CONAN LE BARBARE, LE SEIGNEUR DES ANNEAUX de Peter Jackson...), il reste incontournable pour les amateurs d'épée et de sorcellerie.

Disney propose ce titre dans son format scope d'origine, mais sans option 16/9. La copie est d'une propreté impeccable. Les contrastes et la luminosité sont rendus avec une très grande franchise, d'ailleurs assez impitoyable pour certains plans composites approximatifs. Les couleurs peuvent être très vives (la forêt...). Reste que la définition est parfois un peu en retrait, dans certains plans sombres ou agités, qui tournent un peu à la bouillie. Sans être parfaitement naturel, le résultat est très honnête, notamment grâce à l'excellent état de la copie cinéma utilisée.

La bande-son (originellement en Dolby stéréo) est proposée dans des mixages 5.1 très corrects et surtout très propres, que ce soit en anglais, en français ou en allemand. Des sous-titres français, anglais, allemands et néerlandais sont disponibles. AUCUN bonus n'est fourni !

Tentative ambitieuse de proposer un film d'heroic fantasy adulte et sombre, LE DRAGON DU LAC DE FEU reste une oeuvre intéressante qui, malgré quelques faiblesses, se situe bien au-dessus des hordes de sous-Conan qui ont envahi les écrans et les vidéo-club au début des années 1980. Il mérite en tout cas une bonne place dans la filmothèque des amateurs d'épopées médiévales-fantastiques. Si ce DVD Disney est à saluer, car il permet de redécouvrir ce titre devenu assez rare, il n'en reste pas moins qu'une véritable édition, à la hauteur du film et de son ambition, reste à publier...

Pour se consoler de l'absence de bonus sur ce DVD, on peut se reporter sur "L'écran fantastique" numéro 27, d'octobre 1982, dans lequel un très copieux dossier est consacré au film LE DRAGON DU LAC DE FEU et jeter un oeil à notre base de données pour découvrir une galerie de photos d'exploitation (voir ici).

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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L'édition vidéo
DRAGONSLAYER DVD Zone 2 (France)
Editeur
Support
DVD (Double couche)
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h44
Image
2.35 (4/3)
Audio
English Dolby Digital 5.1
Francais Dolby Digital 5.1
German Dolby Digital 5.1
Sous-titrage
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