Critique du film
et du DVD Zone 1
2019 AFTER THE FALL OF NEW YORK
1983
En 2019, le monde vient d'être ravagé par une guerre nucléaire
qui a abouti à l'instauration de la tyrannie des Euraks. New
York n'est plus qu'un champ de ruines, peuplé de malheureux humains
irradiés. Les Euraks et leurs chasseurs s'y introduisent parfois
pour capturer certains de ces mutants afin de les utiliser comme cobayes
dans des expériences dédiées à la reproduction.
En effet, l'humanité doit affronter un drame terrible : suite
aux quantités délirantes de radiations qui ont été
répandues sur Terre, les femmes ne sont plus fertiles... La Fédération,
une organisation rebelle, capture Parsifal, un aventurier, et le force
à se rendre à New York afin d'y trouver la dernière
femme fertile, supposée être cachée quelque part
dans cette dangereuse cité...
Au début des années 1980, le cinéma populaire italien a soudain proposé de nombreux titres relevant d'une science-fiction pessimiste et violente, s'inspirant de certains succès du cinéma anglo-saxon, tels que MAD MAX et MAD MAX 2 de George Miller, LES GUERRIERS DE LA NUIT de Walter Hill et NEW YORK 1997 de John Carpenter. Ainsi, la même année que 2019, APRÈS LA CHUTE DE NEW YORK, on a pu voir sur les écrans de cinéma français : LE GLADIATEUR DU FUTUR de Joe d'Amato, LES NOUVEAUX BARBARES d'Enzo Castellari, LE CHEVALIER DU MONDE PERDU de David Worth (production italienne réalisée par un américain), LES EXTERMINATEURS DE L'AN 3000 de Giulano Carnimeo, LES GUERRIERS DU BRONX 2, toujours de Castellari, et TEXAS 2020, à nouveau d'Amato !
Sergio Martino est un réalisateur qui a commencé à uvrer à ce poste à la toute fin des années 1960. Il fait alors preuve d'une qualité indispensable à tout bon artisan du cinéma italien : la polyvalence ! Il tourne ainsi dans tous les styles, en suivant les modes du moment : mondo (L'AMERIQUE A NU), western (MANNAJA, L'HOMME A LA HACHE), comédie polissonne (LES ZIZIS BALADEURS, avec Edwige fenech et Barbara Bouchet), giallo (LA QUEUE DU SCORPION)... Ces deux titres les plus fameux en France relèvent du domaine de l'aventure exotique : LE CONTINENT DES HOMMES-POISSONS, dans l'esprit des romans de H.G. Wells et Jules Verne, et LA MONTAGNE DU DIEU CANNIBALE, dans un style nettement plus horrifique. Après 2019, APRÈS LA CHUTE DE NEW YORK, il reviendra encore à la science-fiction avec ATOMIC CYBORG, louchant cette fois vers le TERMINATOR de Cameron.
Le rôle principal de 2019, APRÈS LA CHUTE DE NEW YORK est tenu par Michael Sopkiw, dont c'était le premier rôle, et qui avait auparavant fait le mannequin pour payer ses études en art dramatique. La suite de sa carrière s'inscrit définitivement dans une tradition Bis purement latine : APOCALYPSE DANS L'OCEAN ROUGE de Lamberto Bava, PRISONNIÈRES DE LA VALLÉE DES DINOSAURES de Michele Massimo Tarantini et BLASTFIGHTER, L'EXÉCUTEUR, à nouveau de Lamberto Bava !
A ses côtés, on trouve des comédiens dont les filmographies forcent, elles aussi, le respect. Il y a le bien connu George Eastman (ANTHROPHAGOUS, CALIGULA, LA VÉRITABLE HISTOIRE, LE GLADIATEUR DU FUTUR... pour ne citer que des titres réalisés par Joe d'Amato). Mais on trouve aussi d'autres acteurs aux CV bien remplis et aux traits familiers : Edmund Purdom, Romano Puppo et Al Yamanouchi, notamment.
2019, APRÈS LA CHUTE DE NEW YORK s'inspire en priorité de NEW YORK 1997. Certes, une petite séquence de poursuite automobile, placée au début du film, s'inscrit dans la tradition de MAD MAX 2, mais rapidement, l'histoire s'installe confortablement dans les rails du scénario écrit par John Carpenter. Un guerrier du futur, légèrement anarchiste, est capturé par une organisation militaire, installée en Alaska, qui le force à exécuter une mission périlleuse : s'introduire dans les ruines de New York, y découvrir la dernière femme fertile de l'humanité, et la ramener à eux. Ils comptent en effet l'envoyer sur Alpha du Centaure à bord d'un vaisseau spatial, afin de créer une nouvelle civilisation humaine loin de la Terre contaminée. Parsifal va donc s'introduire dans la cité, accompagné par deux agents de la Fédération, et affronter toutes formes de gangs et de tribus qui se partagent Manhattan : chasseurs de rats, nains, homme-singes, société futuriste des Euraks...
Tout cela n'est pas très original, et la réalisation manque un peu de rigueur. Les interprètes semblent assez à côté de leurs pompes, impression encore aggravée par une post-synchro anglaise prêtant souvent à sourire (et plus si affinités !). On apprécie néanmoins quelques maquettes soignées, un rythme relativement soutenu, des décors variés et quelques séquences d'action qui, sans être grandioses, se laissent regarder. Il n'en reste pas moins qu'il est tout de même permis de se lasser rapidement de ces péripéties peu palpitantes. La dernière demi-heure de 2019, APRÈS LA CHUTE DE NEW YORK est la partie la plus intéressante du métrage, qui se décide enfin à exploiter la seule originalité de son scénario, c'est-à-dire le problème de la survie de l'humanité dans un univers où les femmes sont devenues stériles. On trouve ainsi de belles séquences, d'une tendresse assez inattendue pour un film relevant du "post-nuke", un genre plutôt "macho", notamment entre Parsifal et Giara, ou en ce qui concerne le personnage de Big Ape. 2019, APRÈS LA CHUTE DE NEW YORK prend alors un ton mêlant conte philosophique et féerie, et propose un final bien éloigné du cynisme grinçant d'un MAD MAX ou d'un NEW YORK 1997.
L'image proposée
sur ce DVD est une belle réussite. Certes, on remarque quelles
petites tâches, et l'image marque une curieuse petite pause
à deux reprises dans le film. Rien de bien grave néanmoins.
On a affaire à une copie superbe, et le transfert propose des
contrastes, des couleurs et une luminosité impeccables. La
compression est pratiquement indécelable. C'est une belle réussite.
Si la jaquette annonce un format 2.35, le film est proposé
en 1.85, ce qui est, bel et bien, le format d'origine.
Sur ce DVD, on ne
trouve que la bande-son anglaise, en deux versions : mono ou Dolby
Digital 5.1. Le travail de remix n'est pas très probant. Les
éléments originaux doivent sans doute être dans
un état de conservation assez médiocre, car on entend
assez régulièrement de bruyants parasites, et les dialogues
ne sont pas toujours très intelligibles.
On remarque d'abord que le film s'ouvre sur une petite présentation faite par Michael Sopkiw. D'ailleurs un bonus caché, se trouvant dans le menu des suppléments, consiste en une prise alternative de cette présentation au cours de laquelle Sopkiw s'emmêle les pinceaux. Une section Art Gallery fait défiler un poster américain du film ainsi qu'une série de grandes lobby cards italiennes. La bande-annonce semble être un assemblage récent d'extraits du film : on a franchement du mal à croire qu'il s'agisse vraiment du trailer d'époque présenté en salles, comme le prétend le menu du DVD et la jaquette. Enfin, on trouve une interview très sympathique de Sergio Martino (en italien sous-titré en anglais), dans laquelle il parle avec un enthousiasme certain, mais aussi avec une nostalgie palpable, de l'âge d'or du cinéma populaire italien et de son déclin. Les interviews de George Eastman (en italien sous-titré en anglais) et d'Al Yamanouchi (en anglais), bien plus courtes, sont déjà nettement moins intéressantes.
Enfin... le fameux commentaire audio, qui a fait du premier tirage de ce DVD un beau collector ! En effet, suite à de nombreuses plaintes à son sujet, l'éditeur a décidé de retirer de la vente le premier pressage de ce DVD et de le remplacer par un nouveau tirage qui n'incluera plus ce "bonus". Ce commentaire audio a été enregistré par l'acteur Michael Sopkiw, accompagné de Dolph Chiarino, responsable de ce DVD, et David Zuzelo : ces deux personnages s'auto-proclament "historiens du cinéma post-apocalyptique" ! Un de reproches qui revient le plus souvent à propos de ce commentaire est l'emploi de formules homophobes. On entend à un moment fuser un "It's gay" ("C'est gay !") dans un brouhaha de voix tel qu'il m'a paru difficile de capter le contexte de cette phrase. Par contre, plus loin dans le film, l'un des "historiens" proclame qu'ils ont eu, à un moment, l'intention de faire un petit documentaire dans lequel ils filmeraient Sopkiw sur certains sites du tournage de 2019, APRÈS LA CHUTE DE NEW YORK ; mais, ils y ont renoncé parce qu'ils ont vu de tels bonus sur d'autres DVD et que, en pratique, le résultat est minable ; ce qui donne la formule argotique anglo-saxonne : "It's homo" ("c'est homo"), formule fortement péjorative revenant à dire "C'est nul"... L'historien déclare tout cela sur le ton de la plaisanterie, mais Sopkiw paraît éberlué et choqué par l'emploi de cette formule ("It's... what ?" : "C'est... Quoi ?").
En fait, le groupe dont se moque le plus le commentaire est... celui des français ! A propos de la belle Valentine Monnier, Sopkiw raconte qu'elle disait se trouver très laide, et il conclut : "You know, she's french...", sous-entendant par là, sans être vraiment méchant, qu'elle est plutôt coquette. Nos deux "historiens" vont ensuite appuyer lourdement là-dessus assez régulièrement, à plusieurs reprises. Là encore, ils vont finir par déclencher la désapprobation de Sopkiw : en effet,à propos de Monnier, ils emploieront la formule, en rigolant, "...malgré qu'elle ait l'handicap d'être française" ! Sopkiw, semblant trouver que la plaisanterie va trop loin, rétorque alors sérieusement qu'il ne considère pas qu'être français est un handicap.
Mais, en fait, ce qui a le plus fait couler d'encre, ce ne sont certainement pas les commentaires considérés par certains comme racistes ou homophobes. C'est surtout la prise à parti de certaines personnes et sites internet. Nos historiens s'en prennent à des célébrités de la presse cinématographique anglo-saxonne ainsi qu'aux membres de certains forums anglophones dédiés au cinéma Bis européen et aux DVD fantastique (DVD Maniacs et Mobius Home Video Forum). Certains noms de forumers sont accompagnés d'épithètes insultants. D'autre part, les commentateurs se montrent aussi assez snobs, se considérant, par opposition aux visiteurs de ces forums, comme des "vrais" fans de cinéma "Eurocult". L'affaire a encore rebondi plus tard, quand Chiarino a publié, sur un site de vente de vidéos et DVD, un texte où il s'en prend encore plus violemment à plusieurs autres fans de cinéma Bis (ce texte a été retiré depuis).
Il faut encore ajouter à cela que le contenu de ce commentaire n'est pas très informatif ; nos "historiens" donnent plutôt l'impression d'être une paire d'ados attardés se lançant des blagues à tour-de-bras, et se prétendant de "meilleurs" fans que les autres, alors qu'ils passent tout le commentaire à dénigrer (parfois de façon amusante) ce film qu'ils disent adorer contre le reste du monde ! Si la plupart des propos relevés auraient à peine leur place sur un forum de discussion, on peut effectivement se dire qu'ils n'ont RIEN à faire sur un commentaire audio. Tout cela sent le règlement de compte aigri et mesquin, et nos deux historiens semblent sérieusement manquer de maturité et de recul par rapport à leur passion pour le cinéma. Conclusion : une belle tempête dans un verre d'eau et un petit coup de pub pour Shriek Show...
2019, APRÈS LA CHUTE DE NEW YORK est un sympathique film de science-fiction post-apocalyptique, souffrant de certains défauts évidents (rythme, interprétation, direction artistique...), mais que sa modestie et l'originalité de sa dernière demi-heure sauve en partie.