A la fin du XIXème siècle, les rues du quartier de Whitechapel
à Londres sont le théâtre de meurtres atroces perpétrés
sur des prostituées. L'inspecteur Abberline prend en charge l'enquête.
Bientôt le tueur insaisissable sera surnommé Jack l'éventreur
par la presse !
Avec un tableau de chasse assez faible, si on le compare à tous les tueurs en série ayant uvré depuis, Jack l'Eventreur est devenu rapidement un personnage mythique. Aidé en cela par une presse racoleuse ainsi que par l'identité du tueur qui reste encore à ce jour mystérieuse. Avec une telle renommée, le cinéma n'allait pas laisser passer le tueur mythique sans lui rendre de nombreux hommages. Et puisque le tueur n'a jamais été retrouvé, à chacun de proposer sa version, jusqu'aux solutions les plus improbables comme celle de DOCTEUR JEKYLL AND SISTER HYDE. Plusieurs dizaines de films d'horreur utilisent le tueur de façon plus ou moins rocambolesque. Reste le décor, qui semble quasiment immuable, c'est à dire les rues sombres et sordides de Whitechapel. Il est aussi amusant de constater que l'une des répliques du tueur dans FROM HELL fait référence à la naissance du XXème siècle alors que dans le film de Nicholas Meyer, C'ETAIT DEMAIN, celui-ci s'y trouvait particulièrement à sa place après un voyage spatio-temporel.
FROM HELL est un pavé de plus de cinq cent pages sous forme de bande dessinée. Ecrit par Alan Moore, auquel il aura fallu une dizaine d'années pour emmagasiner toutes sortes d'informations sur le sujet, et griffonné par Eddie Campbell qui se sera lui aussi documenté sur le Londres de l'époque Victorienne. Un énorme succès dessiné qui obtiendra diverses récompenses (Harvey Award, Eisner Award ou le Prix de la Critique à Angoulème en 2001). Son adaptation cinématographique créera de nombreuses déceptions auprès de ceux qui s'attendaient à retrouver intacte l'expérience de la version dessinée. Mais à vrai dire, il était impossible de retranscrire à l'écran la densité des pages du FROM HELL de Alan Moore. Ce dernier n'a d'ailleurs pas essayé de s'imposer durant la création du film en laissant une totale liberté aux frères Hughes.
Finalement, FROM HELL est d'une facture assez classique puisque l'on suit l'inspecteur en charge de l'enquête sur les traces de celui que l'on a baptisé Jack l'Eventreur. Mais la solution du mystère n'a rien de bien neuf pour quiconque aurait déjà vu les derniers films mettant en vedette le tueur de Whitechapel et plus particulièrement MEURTRE PAR DECRET de Bob Clark ainsi que la mini-série télévisée, JACK L'EVENTREUR, où Michael Caine enquête sur les meurtres atroces. Rien de bien neuf à l'horizon alors que d'un point de vue esthétique, tout le décorum refait son apparition. Surmonté d'un haut de forme et camouflé par une cape noire, le tueur évolue dans le brouillard londonien pour y décimer quelques filles de "mauvaise vie". De là peut naître une frustration ou une impression de déjà vu ! Le talent des frères Hughes et la reconstitution permettent tout de même d'obtenir un film très efficace.
Les frères Hughes, Allen et Albert de leurs prénoms, sont indissociables ! Des éclaircissements sur leur façon de travailler nous sont d'ailleurs donnés dans l'une des interviews des deux réalisateurs. Chacun ayant sa spécialité et ils semblent pourtant fonctionner en binôme ce qui s'explique sûrement par leur lien gémellaire. Mais avant d'en arriver à FROM HELL, ils ont commencé à se faire la main sur des courts métrages depuis leur adolescence. A vingt ans, ils signent MENACE II SOCIETY et deux ans plus tard balancent un incroyable DEAD PRESIDENTS, sorte de version Black et bien plus engagée de VOYAGE AU BOUT DE L'ENFER qui ne connaîtra de façon injuste qu'une sortie directe en vidéo sur le territoire français et sous le titre GENERATION SACRIFIEE ! Pas plus de chance pour leur documentaire AMERICAN PIMP FROM HELL sera donc leur deuxième film sur quatre à connaître la chance d'une sortie en salles dans notre pays.
En plus d'être des
réalisateurs efficaces, les frères Hughes se sont intéressés
à l'histoire de Jack l'Eventreur bien avant de se retrouver derrière
les caméras de FROM HELL. Lorsqu'ils font la connaissance
de Johnny Depp
au milieu des années 90, ils découvrent que l'acteur est
lui aussi fasciné par le tueur de Whitechapel. Les années
passent et lorsqu'on leur propose de réaliser FROM HELL,
ils ne se font pas prier et embarquent sans difficulté Johnny
Depp. Les deux frères entament des recherches méticuleuses
et sérieuses sur l'affaire de Jack l'éventreur et se mettent
en tête de reproduire les meurtres et les situations de façon
fidèle mais pas forcément exacte pour coller avec l'ambiance
ainsi que le livre. Le film fait aussi l'objet d'une reconstitution
fastueuse d'un point de vue graphique. Ainsi, le quartier de Whitechapel
s'est vu reconstruit à Prague par près de deux cents artisans
tchèques aidés de peintres britanniques pour parfaire
la touche anglaise des édifices. Les vues d'ensemble sont retouchées
grâce au numérique. Le souci du détail est poussé
à son comble, comme vous pourrez le voir dans certains passages
des bonus, pour essayer d'obtenir une certaine véracité
au sein de l'intrigue romancée de FROM HELL.
La FOX peut être fière de son DVD. L'image est en tous points exemplaire et à aucun moment le transfert vidéo n'est pris en défaut. En projection sur un écran de taille convenable, le spectacle est total ! Renforcé par deux pistes sonores exemplaires et bourrées d'effets percutants en Dolby Digital 5.1 . Avec, en ce qui nous concerne, une nette préférence pour la véracité de la version anglaise sous-titrée en français.
Le film est accompagné d'un commentaire audio riche de nombreuses informations délivrées par les frères Hughes mais aussi Robbie Coltrane, le scénariste et le directeur de la photographie. Pour éviter les défauts des commentaires audio et obtenir ainsi une piste sans arrêt informative, c'est un montage des commentaires audio de chacun qu'il nous est donné d'écouter. De ce fait, vous n'aurez que peu de blanc et surtout le maximum d'informations pertinentes !
Le commentaire audio ne s'arrête pas là puisque Albert Hughes s'adonne une nouvelle fois à l'exercice sur les scènes coupées. Cela nous permet de comprendre pourquoi telle ou telle séquence s'est vue retirer du métrage final. Ce sont d'ailleurs une vingtaine de scènes coupées qui nous sont présentées dont l'une d'elles est une fin alternative où Abberline se retrouve dans une fumerie d'opium à Shangaï !
Les suppléments de FROM HELL sont éclatés sur deux disques. Justement, sur le second DVD, vous trouverez l'un des plus passionnants de tous ! Un petit documentaire où il nous est fait l'historique des meurtres ainsi que les diverses hypothèses concernant l'identité du tueur. Le tout est appuyé de documents d'époque et d'interventions d'un véritable spécialiste de la question.
Viennent ensuite des segments vidéos. L'un d'eux donne la parole aux réalisateurs pour exprimer leur point de vue sur la bande dessinée et son adaptation à l'écran. Ce qui amène à pointer sur les différences et les recoupements entre la version cinématographique et celle couchée sur papier. Une autre de ces vidéos nous emmène à Prague pour nous confirmer la quasi exactitude de la reproduction des décors. Suit une visite des décors par les frères Hughes pour une troisième vidéo où l'on nous présente au passage les faux cadavres. Une quatrième vidéo s'éloigne du film pour nous dresser l'historique de l'absinthe, ce qui s'avère bien peu passionnant à l'arrivée.
Il en sera de même en ce qui concerne le documentaire promotionnel où Heather Graham se promène dans une tenue anachronique par rapport aux décors pour nous démontrer toutes les qualités de FROM HELL. De l'auto-promotion, donc !
FROM HELL n'innove pas en ce qui concerne le mythe de Jack l'Eventreur. De quoi éprouver une certaine déception lors de la première vision qui s'estompe lors des suivantes... La réalisation des frères Hughes ainsi que la reconstitution des événements de Whitechapel placent FROM HELL entre le film d'horreur et le métrage historique très romancé ! Une belle réussite qui ne devrait pas plaire aux lecteurs assidus de la version dessinée. L'édition DVD est de très grande qualité et l'on ne se plaindra à vrai dire que de ne pas y retrouver les bandes-annonces du film, à défaut d'autres promotionnelles pour des disques du même éditeur en ouverture du premier DVD.