On ne va pas chroniquer à nouveau le chef-d'œuvre de George A. Romero, nous nous sommes déjà prêtés à l'exercice pour l'édition anglaise du film. Nous allons plutôt développer ici la question du montage de DAWN OF THE DEAD puisque le DVD hollandais a pris l'excellente initiative de nous présenter les deux version existantes du film (si l'on en excepte une troisième mouture sortie dans les salles américaines). DAWN résultant de l'association de Romero et de Dario Argento à la production, chacun s'est octroyé un montage final différent. La version Romero, appelée "Director's cut", ne sera pourtant pas exploitée aux USA, tandis que la version Argento tourne en Europe (c'est cette dernière version qui fut exploitée chez nous). Pour les Etats-Unis, c'est un montage raccourci de la version "Director's Cut" qui sera diffusé dans les salles pour une simple raison de durée.
Sous les ciseaux de Dario Argento, DAWN OF THE DEAD (retitré ZOMBIE) se retrouve réduit de 22 minutes et passe ainsi de 139 à 117 minutes. Mais n'allez pas croire qu'il s'agit de coupes sombres et arbitraires. Le montage européen est un remontage complet, coupant certains plans au passage, et en rajoutant quelques fois d'autres afin de servir la même histoire. Et si au final DAWN OF THE DEAD et ZOMBIE diffèrent tant, c'est tout simplement parce que les deux partis créatifs ont choisi de mettre en avant un aspect différent du film au montage : Romero rend plus compte d'un film d'horreur classique arrosé à l'ironie sauvage, tandis qu'Argento insiste plus sur le formidable mélange (et détonant pour l'époque) d'actions et d'horreur viscérale.
Si l'on compare les deux versions, on peut tout de suite se rendre compte que le montage de Romero, bien que très brillant, est moins parfait que celui d'Argento. Romero hésite à trop serrer ses plans, et est quelques fois un peu trop classique et explicite dans son montage (les scènes commencent quasiment toutes avec un plan large). Argento, quant à lui, a une vision plus moderne et s'abandonne plus facilement dans le montage rapide et sauvage, qui donnera ses lettres de noblesse aux fusillades homériques du film. On perd malheureusement au change beaucoup de détails qui avaient leur importance. Romero s'amusait à définir ses personnages à l'aide de nombreux petits plans lourds de sens que le montage européen a quasiment éliminés. Dommage.
Outre les retouches images et rythmiques, Argento opère un autre changement de taille en supprimant la musique originale (constituée essentiellement de music bank) pour la remplacer intégralement par le score désormais célèbre des Goblin. Là encore on peut saluer l'initiative, car loin de dénaturer le film de Romero, la nouvelle musique va terriblement booster le métrage. Percussions folles, chœurs d'outre tombes, accords de synthé tranchants, comment oublier l'une des bandes originales les plus réussies du genre. Elle apporte encore une fois une personnalité supplémentaire à DAWN OF THE DEAD, et remplace avec bonheur une musique originale largement plus inégale (on pouvait même reconnaître au détour de l'assaut des pillards la musique du générique du MONTHY PYTHON SACRE GRAAL).
Pour connaître les différences exactes entre les deux montages, reportez-vous à notre dossier...
Le DVD hollandais a donc l'excellente idée de proposer sur deux disques les deux montages du film. Si le Director's cut est d'une qualité passable mais honnête, la version européenne n'est pas logée à la même enseigne. Présentée plein cadre avec un master plutôt abîmé, l'éditeur n'y prête vraisemblablement pas la même attention. Faisant plus office de gros bonus, on regrettera donc la non-homogénéité qualitative des deux versions. Au menu des suppléments, on peut trouver toute une ribambelle de bandes annonces (dont des spots radio et des trailers de NIGHT OF THE LIVING DEAD et DAY OF THE DEAD). Une petite section "gallery" est aussi au rendez-vous et a le mérite de présenter, outre les classiques photos du film, une série d'affiches internationales ou alternatives.
Dawn Of The Dead |
Zombie |
Mais on appréciera surtout la présence du documentaire titré DOCUMENT OF THE DEAD en version raccourcie. Entièrement centré autour du personnage de Romero, le documentaire revient abondamment sur le style du metteur en scène via de nombreux extraits de ses films précédents (essentiellement MARTIN). Bien entendu, il donne aussi la parole aux différents protagonistes du film et nous avons même droit à des images du tournage. Le documentaire y va allègrement de son lot d'anecdotes rigolotes comme celle des guirlandes de Noël : tournant de nuit dans un vrai centre commercial, l'équipe du film devait enlever toutes les décorations de Noël avant chaque nuit de tournage pour tout remettre au lever du jour, et ce tous les jours pendant les mois de fêtes.
Malgré tout, on reste un peu sur sa fin avec ce DOCUMENT OF THE DEAD. Tout simplement parce qu'il fait plus office de portrait d'un réalisateur orchestre au travail plutôt que de véritable documentaire sur un film phare. On passe beaucoup trop de temps sur les extraits de MARTIN ou de NIGHT OF THE LIVING DEAD, et ce afin de masquer un manque de matière évident (l'équipe du documentaire n'est restée sur le tournage de DAWN... qu'un seul week-end). On ne parlera donc pas ici des différentes versions du film, ni de son impact retentissant. Mais soyons honnêtes, les 60 minutes passent quand même très vite et sont très intéressantes, malgré le fait que l'on reste persuadé que le documentaire ultime sur DAWN OF THE DEAD reste encore à faire.
Le DVD hollandais ne nous propose pas encore l'édition définitive de DAWN OF THE DEAD bien que l'on commence à s'en rapprocher sérieusement. On se montrera pleinement satisfait lorsqu'un éditeur proposera enfin une double édition du film avec les deux versions dans des transferts impeccables. Que chacun puisse bénéficier de sa version préférée, tout en savourant la seconde comme une vision alternative d'un chef-d'œuvre faisant encore aujourd'hui figure de véritable ovni cinématographique. Ce n'est maintenant plus qu'une question de temps, avec l'arrivée d'une édition française nous donnant le montage européen. Au pire pour les plus patients, il faudra attendre courant 2003 une édition américaine chez Anchor Bay de tous les diables avec les trois versions du film et bardée de suppléments. Ca va être dur d'attendre !