Po-Chih Leong est un réalisateur né et formé en Grande-Bretagne, qui a surtout travaillé à Hong Kong. Durant vingt ans, il y mène une carrière régulière de metteur en scène. A la fin des années quatre-vingt-dix, dans la foulée de la rétrocession de Hong Kong à la Chine en 1997, il commence une nouvelle carrière en Occident, avec notamment le film britannique LA SAGESSE DES CROCODILES de 1998.
Celui-ci met en vedette Jude Law, vraiment révélé l'année précédente au gré de titres comme MINUIT DANS LE JARDIN DU BIEN ET DU MAL de Clint Eastwood, OSCAR WILDE de Brian Gilbert et BIENVENUE À GATTACA, film de science-fiction d'Andrew Niccol. 1999 confirmera son ascension avec EXISTENZ de David Cronenberg dont il tient le rôle principal et surtout LE TALENTUEUX MR RIPLEY qui assoit son image de séducteur british. À ses côtés, nous trouvons Elina Löwensohn, actrice américaine apparue dans les films indépendants de Hal Hartley au début des années quatre-vingt-dix, avant d'entamer une carrière sous le signe du cinéma indépendant européen, parfois insolite et souvent français, par exemple récemment dans des films de Bertrand Bonello (LA BÊTE) ou surtout de Bertrand Mandico dont elle est l'égérie (LES GARÇONS SAUVAGES).
Steven Grlscz, un séducteur mystérieux, se trouve repéré par la police après la mort suspecte d'une de ses ex petites amies, retrouvée noyée dans la mer. Il rencontre alors Anne, une jeune femme dont il s'éprend...
Les années quatre-vingt-dix mettent indéniablement en vedette la culture gothique et les vampires, en particulier au cinéma au gré de grands succès comme BRAM STOKER'S DRACULA et ENTRETIEN AVEC UN VAMPIRE. Dans leur foulée apparaissent des films à budgets modestes, proposant une relecture de cette mythologie plus contemporaine et plus tournée vers le cinéma d'auteurs.
Ainsi, NADJA, produit par David Lynch, met déjà en vedette Elina Löwensohn dans le rôle de la fille d'un Dracula incarné par Peter Fonda. En 1995, Abel Ferrara signe THE ADDICTION avec Christopher Walken, film New-yorkais traçant des parallèles entre toxicomanie et vampirisme. En France, Jean Rollin revient au film de vampires, sa spécialité, pour LES DEUX ORPHELINES VAMPIRES de 1997, un de ses métrages les plus littéraires.
LA SAGESSE DES CROCODILES s'inscrit dans ce mouvement et propose une acclimatation des vampires au goût du jour. Dans ce film, Po-Chih Leong cultive un esthétisme raffinée, rappelant la signature visuelle de métrages des années quatre-vingts comme ceux de David Lynch, Peter Greenaway ou Ridley Scott.
Malheureusement, LA SAGESSE DES CROCODILES manque de force. Durant la première heure, les deux amants échangent de lourds bavardages "spirituels". De temps en temps, une touche d'humour bienvenue vient relever tout ça. Mais le dernier acte du métrage s'avère un supplice.
La lente agonie de Grlscz se veut pathétique et touchante. Mais l'histoire d'amour est mal rendue et nous ne croyons pas à cette passion, plombée par une interprétation terne.
Nous ne croyons pas non plus à ce vampire moderne, dandy romantique et ironique. Résultat : nous nous ennuyons ferme devant un final interminable et ne sentons aucune sympathie pour aucun personnage.
Pourtant, Po-Chih Leong fait de louables tentatives pour créer une ambiance originale. Il compose quelques belles images qui pourraient venir d'un Lynch. De temps en temps, Jude Law se décrispe et joue convenablement quelques scènes drôles (avec les policiers interprétés par Jack Davenport et Timothy Spall).
Mais, finalement, LA SAGESSE DES CROCODILES n'arrive nulle part et ne suscite qu'un ennui profond.