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Critique du film
RING 1998

RINGU 

«Ring» est d'abord un roman à succès sorti en 1991, écrit par le Japonais Kôji Suzuki. Il rédige ensuite d'autres ouvrages consacrés à cette histoire et la télévision japonaise propose rapidement un téléfilm et une série dérivés de ces roman. Enfin, Hideo Nakata se voit confier la réalisation d'une adaptation cinématographique de RING.

Ce réalisateur travaille auparavant pour la vidéo, sur des œuvres érotiques. Il tourne aussi sur une série de courts-métrages de terreur pour la télévision japonaise. Puis il fait le film fantastique THE GHOST ACTRESS de 1996, relatant une histoire de fantômes dans le domaine de la création cinématographique, avant de se lancer dans RING.

Parmi les adolescents japonais, une rumeur raconte que les personnes qui visionnent une certaine cassette vidéo décèdent mystérieusement exactement une semaine après... Une journaliste mène l'enquête.

RING raconte une histoire de fantômes, genre traditionnel dans le cinéma fantastique japonais. Durant l'après-guerre, cette mode devient vivace avec le succès du très beau CONTES DE LA LUNE VAGUE APRÈS LA PLUIE de Kenji Mizoguchi, dans lequel un potier trop ambitieux offre ses services à une aristocrate spectrale. L'Occident découvre à cette période le cinéma japonais, en particulier grâce à la révélation du RASHOMON d'Akira Kurosawa (Lion d'Or au Festival de Venise en 1951), qui donne lui aussi un rôle important à un fantôme.

L'excellent accueil reçu par CONTES DE LA LUNE VAGUE APRÈS LA PLUIE entraîne une mode du film de fantômes au Japon, mode qui perdure une bonne décennie. Arrivent ainsi des classiques majeurs du cinéma fantastique mondial comme KWAIDAN de 1964, de Masaki Kobayashi, fastueux film à sketchs racontant d'étranges histoires de moines, de samouraïs et de spectres. Ou encore KURONEKO de Kaneto Shindo, dans lequel des femmes-fantômes à la forme féline se vengent de Samouraïs au gré d'images à la beauté hypnotique. Le genre s'essouffle tout de même à la fin des années soixante.

RING adapte ce genre à notre époque contemporaine. Un fantôme y persécute les vivants en s'emparant de technologies modernes comme le téléphone, la télévision ou le magnétoscope. Rappelons que le DVD, technologie qui va frapper d'obsolescence le magnétoscope et la cassette vidéo, est lancé mondialement en 1998, la même année que la sortie de ce film RING !

Les objets du quotidien, dont l'aspect industriel et technologique exclut toute menace magique, deviennent porteurs de mort et de terreur. Ce qui rappelle POLTERGEIST de Tobe Hooper, qui renouvelait le film de fantômes en 1982, en l'adaptant à un univers quotidien moderne.

Certaines scènes de RING reposent sur le visionnage de la vidéo maudite. Elles utilisent de manière angoissante la présence du téléviseur, le fourmillement d'un écran couvert de parasites et le grain particulier d'une vieille VHS. Elles rappellent une séquence fameuse de POLTERGEIST, dans laquelle la petite Anne est assaillie par des spectres surgissant d'une télévision. RING nous rappelle aussi dans ces moments les hallucinations délirantes du VIDEODROME de David Cronenberg.

Le pouvoir maléfique du fantôme de RING influence aussi les images enregistrées par un appareil photographique. Et là, nous nous souvenons de LA MALÉDICTION de Richard Donner, film de 1976 dans lequel d'étranges anomalies sur des images photographiques annoncent de funestes événements.

RING bénéficie d'une réalisation rigoureuse et soignée. Hideo Nakata utilise habilement des procédés rappelant les meilleurs réalisateurs du genre. Nous pensons ainsi à LA NUIT DES MASQUES de John Carpenter, à LA MAISON DU DIABLE de Robert Wise et surtout LA FÉLINE et les autres films d'horreur du grand Jacques Tourneur.

Ainsi, RING fait peur en combinant un découpage d'une grande précision à une bande-son travaillée. Film à petit budget, il ne recourt pas à des débordements sanglants, à des maquillages impressionnants ou à des effets spéciaux.

Le récit de RING repose sur l'idée de l'artefact maléfique qu'il faut transmettre à autrui sous peine d'être éliminé par une entité malfaisante. Un concept déjà présent dans le classique ésotérique RENDEZ-VOUS AVEC LA PEUR de 1957, à nouveau un titre signé Jacques Tourneur. La transmission d'un parchemin runique y désigne un individu comme la cible d'un démon tueur. La proie ne peut survivre qu'en refilant ce manuscrit à une autre personne, qui devient la nouvelle cible de l'entité tueuse.

RING propose des visions fantastiques et morbides très réussies. Le film étrange enregistré sur la cassette rappelle les œuvres les plus insolites de Bunuel (UN CHIEN ANDALOU) ou de David Lynch (ERASERHEAD). Les mouvements fantastiques des esprits sont obtenus en passant des plans à l'envers (comme dans la Chambre Rouge de TWIN PEAKS : FIRE WALK WITH ME de David Lynch, ou dans LE TESTAMENT D'ORPHÉE de Jean Cocteau).

Après une première partie impressionnante, originale et exploitant astucieusement l'idée de la cassette meurtrière, RING part dans une histoire de fantômes et de pouvoirs surnaturels plus conventionnelle, bien qu'intéressante. Sens de l'honneur et rumeurs médiatiques mal intentionnées nouent un drame atroce. Le rythme rigoureux finit par paraître lent et raide, tandis que les explications bavardes deviennent envahissantes. Pourtant, la fin propose un retournement inattendu, annonciateur d'une suite passionnante.

RING n'est pas une œuvre révolutionnaire, mais il s'agit tout de même d'un film d'horreur réussi, à la réalisation très maîtrisée, contenant des idées originales et créant d'authentiques moments d'angoisse.

RING connaît un grand succès au Japon, ce qui entraîne la réalisation immédiate d'un RING 2 par le même réalisateur, puis d'une préquelle de Norio Tsuruta : RING 0. Cette série de films reste longtemps très populaire au Japon et déclenche une vague de remakes pirates dans toute l'Asie.

En Europe et aux USA, RING se taille une enviable réputation dans les festivals où il est projeté. En France, il se voit distribué en salles en 2001 tandis qu'aux USA, il ne sort en vidéo qu'en 2005, la même année que son remake hollywoodien, l'intéressant THE RING de Gore Verbinski. Ce dernier est un succès international.

L'onde de choc provoquée par RING est considérable, lançant une mode du film de fantômes asiatiques, qui donne lieu à d'autres titre remarqués, comme le fascinant KAIRO de Kiyoshi Kurosawa, dédié à une épidémie de suicides, THE GRUDGE de Takashi Shimizu et son enfant-spectre, ou LA MORT EN LIGNE de Takashi Miike et sa malédiction téléphonique.

RING accompagne le retour du film de fantômes à un niveau international, avec notamment des succès mondiaux comme SIXIÈME SENS de M. Night Shyamalan en 1999, ou LES AUTRES d'Alejandro Amenabar. Après la fuite du public vers les séries télévisées de Chris CarterAUX FRONTIÈRES DU RÉEL») ou la dérision facile des SCREAM, le fantastique et la peur sont de nouveau traités avec sérieux et ambition. Et le public répond présent.

La vague de films de fantômes venus d'Asie s'essouffle pourtant au fil des années 2000. Elle se voit bousculée par le retour d'une horreur violente et explicite au gré de titres comme le remake de MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE par Marcus Nispel, ou encore par des films de torture ultra-violents tels que SAW et HOSTEL.

Pourtant, l'ombre du fantôme Sadako plane encore sur des films reprenant l'inquiétante idée de la malédiction contagieuse. Nous pensons à IT FOLLOWS de David Robert Mitchell, et son maléfice sexuellement transmissible. Et surtout au triomphe commercial du SMILE de Parker Finn, conte d'horreur de 2022 sur fond de stress post-traumatique, dont le récit et l'exécution doivent beaucoup au souvenir du RING initial de Hideo Nakata.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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