Header Critique : KILLER TONGUE (LA LENGUA ASESINA)

Critique du film
KILLER TONGUE 1996

LA LENGUA ASESINA 

KILLER TONGUE est le premier long-métrage réalisé par l'espagnol Alberto Sciamma. Il a œuvré auparavant dans les domaines du clip et de la publicité, notamment en Grande-Bretagne. Il monte ce projet comme une coproduction entre l'Espagne (film tourné en extérieur et en studio dans ce pays) et l'Angleterre (la langue du tournage est l'anglais et le casting est en grande partie anglo-saxon).

Parmi les acteurs, nous reconnaissons trois comédiens connus des amateurs de cinéma d'épouvante : Robert Englund (Freddy dans la série amorcée par LES GRIFFES DE LA NUIT), Doug Bradley (Pinhead dans la série commencée par HELLRAISER) et Melinda Clarke (LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS 3).

Après un casse réussi, Johnny et son amie Candy s'enfuient avec le butin, laissant bredouille leurs deux complices. Peu de temps après, Johnny est arrêté par la police et envoyé en prison où il subit les brimades du chef Screw, un gardien psychopathe. Candy se réfugie dans un couvent et devient nonne. Quand approche la libération de Johnny, elle abandonne la vocation religieuse et se réfugie dans une maison isolée en plein désert.

Un étrange météore s'écrase à proximité de cette planque et Candy se métamorphose malgré elle en mutante. Elle se trouve désormais affublée d'une langue démesurée qui se nourrit de chair humaine et a sa propre personnalité ! Qui plus est, les quatre caniches de la jeune fille se transforment en Drag Queens ! Pendant ce temps, au pénitencier, Screw complote pour empêcher la libération de Johnny...

A première vue, KILLER TONGUE s'inspire de films de science-fiction des années cinquante. Un météore s'écrase sur Terre et se révèle un véhicule apportant une forme de vie extra-terrestre. Nous pensons bien sûr à des classiques comme LA GUERRE DES MONDES de Byron Haskin ou LE MÉTÉORE DE LA NUIT de Jack Arnold.

Pourtant, son script chaotique mélange d'autres genres en déroulant plusieurs récits parallèles. Ainsi, nous trouvons des références au Film Noir (tout ce qui tourne autour du casse et des deux complices trahis), au film de prison (les aventures de Johnny), ou au western (pour le choix des décors naturels, qui sont ceux où ont été tournés de nombreux westerns italiens dans les années soixante).

Tout ces genres sont traités sur le ton de la comédie noire et marqués du sceau de l'excès, de l'agressivité visuelle et de la vulgarité revendiquée. Les aventures de cette jeune fille pulpeuse et de sa langue longue de plusieurs mètres évoquent des influences aussi peu orthodoxes que Russ Meyer (FASTER, PUSSYCAT! KILL! KILL!) ou John Waters (PINK FLAMINGOS). Les amateurs de bon goût sont invités à passer leur chemin !

Inspiré aussi par les provocations colorées d'un Almodovar dont l'influence est alors primordiale en Espagne, KILLER TONGUE rappelle encore les comédies noires de cinéma fantastique que vient de réaliser Alex de la Iglesia, un autre Espagnol, avec ACTION MUTANTE et LE JOUR DE LA BÊTE. Ce film se rapproche aussi d'un courant d’œuvres "de genres" de la même période, frisant la parodie et induisant une distance, parfois excessive et condescendante, quant aux films plus classiques de ces courants : citons ainsi le très influent PULP FICTION de Quentin Tarantino, le film de vampires UNE NUIT EN ENFER de Robert Rodriguez ou le slasher SCREAM.

Par dessus tout cela, nous trouvons de nombreux effets Gore explicites. Les corps explosent. Au cours d'un baiser très profond, la langue géante traverse de part en part le crâne d'un personnage, pour aller ensuite broyer le sexe d'un autre situé derrière ! Cela étonne pour une production britannique, pays alors prude en la matière.

Nous relevons d'autres moments d'anthologie, comme le voyage en caméra subjective de la langue géante, rentrant par la bouche d'un homme pour traverser tout son système digestif avant de ressortir par son anus ! Impossible, dans ces moments-là, de ne pas penser aux délires anthologiques d’œuvres sanglantes de la décennie précédente, comme EVIL DEAD 2 de Sam Raimi, BAD TASTE de Peter Jackson ou surtout ELMER, LE REMUE-MÉNINGES de Frank Henenlotter (dont le parasite mangeur de cerveaux a pu inspirer cette langue tueuse).

KILLER TONGUE fonctionne donc bien dans son genre. Les acteurs sont très bien choisis, notamment Melinda Clarke (dont la plastique spectaculaire est remarquablement mise en valeur) et surtout Robert Englund, qui nous régale par son interprétation d'un maton ultra-pervers. Le récit est imprévisible et se permet des rebondissements nerveux et surprenants. La qualité des effets spéciaux, la bonne santé avec laquelle le film se vautre dans le mauvais goût et le vent de folie qui souffle alors en font une expérience tout à fait sympathique.

Toutefois, à force d'accumuler des séquences parfois lourdes, KILLER TONGUE peut lasser. Certains gags ne sont pas drôles ou donnent une impression de provocation puérile. Le spectateur se perd parfois dans une narration confuse à force de se vouloir frénétique.

Quoi qu'il en soit, les cent minutes de KILLER TONGUE passent très vite. Alberto Sciamma réussit un film qui n'ennuie presque jamais et, en tout cas, surprend toujours.

Ce délire horrifico-sexy passe inaperçu à sa sortie en salles. Néanmoins, il acquiert avec le temps une petite réputation chez les amateurs de cinéma horrifique. Sciamma tournera ensuite ANAZAPTA, un thriller médiéval hélas décevant.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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