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Critique du film
SHOCKER 1989

 

En 1989, Wes Craven vient de sortir L'EMPRISE DES TÉNÈBRES, excellent thriller vaudou produit par Universal et bien accueilli par le public américain. Craven signe ensuite avec la petite compagnie Alive Films pour deux films. Cette firme avait peu avant conclu un accord semblable avec John Carpenter, qui a réalisé pour eux PRINCE DES TÉNÈBRES et INVASION LOS ANGELES.

Dans le cadre de cet accord, Craven envisage un troisième volet de la saga de LA COLLINE A DES YEUX, mais cette idée est abandonnée. Universal, qui distribue les films Alive, demande un nouveau tueur dans la lignée de Freddy Krueger (apparu pour la première fois dans LES GRIFFES DE LA NUIT de Wes Craven, cinq ans plus tôt).

Le réalisateur s'exécute avec SHOCKER, mettant en scène Harold Pinker, un réparateur de téléviseurs porté sur la magie noire et Serial Killer. Mitch Pileggi (Skinner dans la série TV « AUX FRONTIÈRES DU RÉEL ») hérite de ce rôle haut en couleurs, tandis que Peter Berg incarne l'adolescent qui l'affronte. Nous reverrons Peter Berg par exemple dans le Film Noir LAST SEDUCTION de John Dahl, puis il passera à la réalisation à la fin des années quatre-vingt-dix avec un certain succès (HANCOCK, BATTLESHIP).

A leurs côtés, nous trouvons Michael Murphy (BREWSTER MCCLOUD de Robert Altman, MANHATTAN de Woody Allen) ou, dans un rôle très court, Heather Langenkamp (LES GRIFFES DE LA NUIT).

Horace Pinker est un Serial Killer ne s'en prenant qu'à des familles. Les  forces de l'ordre peinent à le démasquer. Jonathan Parker, lycéen et fils d'un lieutenant de police, semble connecté par télépathie au maniaque. Quand celui-ci tue les frères et la mère de Jonathan, celui-ci assiste à la scène en rêve. Incrédule au départ, la police utilise son don pour piéger le tueur.

Pinker est condamné à la chaise électrique et exécuté. La décharge mortelle tue son corps, mais son esprit survit sous forme d'un courant électrique. Il passe d'abord de corps en corps, possédant des personnes contre leur gré. Puis, il circule à travers le réseau télévisé et se déplace en toute liberté, à la vitesse d'un signal vidéo. Jonathan Parker va tenter de le neutraliser...

A travers cette histoire, Craven fournit comme prévu un récit impliquant de nombreux rapprochements avec LES GRIFFES DE LA NUIT. Le générique présente les mains de Horace Pinker bricolant une vieille télévision dans un atelier insalubre, de la même façon que Freddy confectionnait son fameux gant. Tueur marginal et grossier, il s'en prend à des familles paisibles et au mode de vie bourgeois. Sa mort physique marque le début de sa vengeance. Le domaine du rêve joue un rôle important et les meurtres mêlent une âpreté typique des films de Craven et des bizarreries.

Le début de SHOCKER est la partie évoquant le plus LES GRIFFES DE LA NUIT. Plongé en grande partie dans une obscurité bleutée, il laisse planer du mystère quant au personnage de Pinker, brute obscène et crasseuse, admirablement campée par Mitch Pileggi. Ses exactions sont d'une violence "efficace", voire choquante (la découverte du corps de la petite amie de Jonathan est impressionnante).

Réalisme et scènes oniriques se mêlent avec ambiguïté, déstabilisant aussi bien les personnages que le spectateur. L'exécution capitale de l'irrécupérable assassin est un moment très réussi, notamment dans son installation d'une forte appréhension avant l'arrivée du tueur. Lui-même est pourtant peu ému par sa propre mise à mort.

Un autre passage réussi de SHOCKER est son dénouement délirant au cours duquel Pinker, devenu un signal vidéo, circule à travers des émissions télévisées, rentre et sort dans la réalité à travers les écrans domestiques. Alors que Freddy régnait sur les cauchemars, Pinker rode dans les images animées. Il entraîne Jonathan dans un univers chaotique dont s'abreuvait alors la société américaine : jeux idiots, télévangélistes, séries mièvres, images de guerre, sports violents... Ce morceau de bravoure, résultat d'un admirable travail sur les trucages et le montage, constitue le clou de SHOCKER et trouve un ton original, permettant de dépasser le statut de simple copie des GRIFFES DE LA NUIT.

Hélas, entre une première partie intrigante et un dénouement réussi, nous subissons une heure de métrage longuette et moins intéressante. Pinker se déplace de corps en corps à la manière du parasite extraterrestre de HIDDEN sorti deux ans avant. Ici, le résultat manque d'originalité. Nous perdons le jeu efficace de Mitch Pileggi et subissons des séquences plates, voire imprégnées d'un burlesque déplacé (quand Pinker prend possession d'une fillette).

Nous regrettons des passages à la limite du grotesque, comme les apparitions fleur-bleue du fantôme d'Alison, ou les réunions entre footballeurs. SHOCKER se disperse entre des intrigues débiles, trop lentes, et des personnages peu attachants. Nous restons dubitatifs, alors que SHOCKER a été réalisé et écrit par Wes Craven, qui venait de proposer un an auparavant la formidable EMPRISE DES TÉNÈBRES.

SHOCKER est donc un faux-pas dans sa carrière. Il connaîtra un succès mitigé, en tout cas loin de ceux que rencontrent alors les Freddy de la firme New Line et inférieur à celui de L'EMPRISE DES TÉNÈBRES.

Heureusement, le long-métrage suivant de Wes Craven, LE SOUS-SOL DE LA PEUR de 1991 (toujours pour la firme Alive), sera autrement plus satisfaisant. L'idée de créer une série autour du personnage de Pinker sera abandonnée, et SHOCKER n'aura pas de suite.

En pleine mode des films de Serial Killer amorcée dans les années quatre-vingt-dix par LE SILENCE DES AGNEAUX et SEVEN, nous verrons apparaître le film LE TÉMOIN DU MAL, thriller médiocre avec Denzel Washington, proposant une histoire très proche de (pour ne pas dire copiée sur) SHOCKER : au moment de son exécution, un Serial Killer s'échappe de son enveloppe corporelle pour devenir un esprit qui va posséder successivement plusieurs personnes.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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