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Critique du film
LA ABUELA 2021

 

Le réalisateur espagnol Paco Plaza émerge en 2002 avec son premier film, LES ENFANTS D'ABRAHAM, œuvre fantastique très réussie d'après Ramsey Campbell. Il s'inscrit dans une nouvelle génération de metteurs en scène inspirés par l'étrange, comme Alex de la Iglesia, Alejandro Amenabar, Jaume Balaguero ou encore le Mexicain Guillermo del Toro, qui signe en Espagne ses classiques L'ÉCHINE DU DIABLE et LE LABYRINTHE DE PAN.

En 2004, Paco Plaza propose l'intéressant L'ENFER DES LOUPS, mélange de film historique et d'horreur avec Julian Sands. Le succès vient en 2007 avec [REC], co-réalisé avec Jaume Balaguero. Ce found footage percutant arrive en pleine mode des contaminés et autres zombies bondissants. Le succès est tel qu'un [REC] 2 arrive dans la foulée, à nouveau tourné à quatre mains. Paco Plaza réalise seul [REC] GENESIS, très raté, vaine tentative de donner dans la pochade gore.

En 2017, il revient avec VERÓNICA, qui se sort honorablement de l'exercice ingrat du film d'exorcisme. En 2019, il s'écarte du fantastique avec le thriller ŒIL POUR ŒIL, avant d'y revenir avec ABUELA, sorti sur les écrans espagnols en 2021. Le scénario est écrit par Carlos Vermut, autre réalisateur espagnol, remarqué en 2015 pour le thriller LA NINA DE FUEGO.

ABUELA est pratiquement un huis-clos entre deux personnages, une jeune femme Susana et sa grand-mère Pilar. Cette dernière est interprétée par Vera Valdez, mannequin brésilien ayant connu une vie mouvementée dans les années soixante. Susana est incarnée par Almuneda Amor, jeune comédienne que nous retrouverons dans le prochain film de Paco Plaza, actuellement en tournage.

Susana, mannequin à Paris, retourne en urgence à Madrid lorsqu'elle apprend que sa grand-mère Pilar, qui est sa seule famille, a subi une attaque cérébrale. Pilar survit, mais souffre désormais d'Alzheimer. Susana veut qu'elle reste dans son appartement et décide de prendre soin d'elle. Elle n'a pas idée des épreuves qui l'attendent...

ABUELA enferme ses deux personnages au cœur d'un immeuble madrilène, dans un bel appartement ancien peuplé de mystères et de souvenirs. Mais Susana se retrouve en fait seule, seule avec l'absence de Pilar. En effet, cette dernière est victime de la maladie d'Alzheimer, et s'est retirée au fond d'elle-même, hors d'atteinte des autres. Susana devient une aidante, dévouée à la vieille dame, apprenant seule à s'occuper d'elle, gérant ses soins les plus intimes et ses réactions imprévisibles.

Au-delà de cette dimension déjà difficile, Susana ressent des angoisses, fait des cauchemars et a des visions étranges. Son isolement, l'éloignement de ses amis, son sacrifice permanent l'usent, atteignant en particulier sa santé mentale.

ABUELA prolonge alors la trilogie des villes de Roman Polanski, série de huis-clos constituée par REPULSION, LE LOCATAIRE et ROSEMARY'S BABY. C'est en particulier avec ce dernier qu'ABUELA entretient des liens évidents. Susana en vient à douter de sa propre santé mentale, se retrouvant confrontée à d'étranges souvenirs d'enfance bizarrement refoulés. Le métrage cultive l’ambiguïté, comme dans les trois métrages de Roman Polanski : quand sommes-nous dans le fantastique, quand sommes-nous dans la perception schizophrène de la réalité par une jeune femme à l'équilibre chancelant ?

ABUELA est fait avec soin, bénéficie d'une belle photographie sur pellicule 35mm, à la texture riche et aux clair-obscurs travaillés. Il est servi par la très bonne interprétation de ses deux actrices principales et propose un fantastique élégant, soigné, réfléchi, approchant le sujet réaliste et grave du grand âge de façon pertinente. Il l'imprègne d'insolite et d'une poésie inattendue, construisant patiemment son atmosphère.

ABUELA n'est pourtant pas une complète réussite. Il prend trop de temps à se mettre en place, à décrire le quotidien compliqué de Susana en tant qu'aidante. Les éléments fantastiques et horrifiants se font attendre. L'épouvante se montre timide dans les premiers temps, recourant à des séquences parfois conventionnelles.

Mais plus il avance vers son dénouement, plus ABUELA devient étrange et original, dérangeant et glaçant, construisant un conte cruel sur la vieillesse et la laideur, sur la jeunesse et la beauté. ABUELA ressort alors comme un film élégant et intéressant.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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