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Critique du film
MEDUSA 2021

 

Après plusieurs courts-métrages, la Brésilienne Anita Rocha da Silveira signe son premier film MATE-ME POR FAVOR en 2015, lequel mélange horreur et cinéma d'auteur. Elle poursuit cette voie avec son titre suivant, MEDUSA, sorti en France en 2022. Cette réalisatrice s'inscrit dans un courant récent dans son pays qu'illustrent des métrages comme LES BONNES MANIÈRES de Juliana Rojas et Marco Dutra, avec son histoire de loup-garou, ou BACURAU de Juliano Dornelles et Kleber Mendonça Filho, dans lequel Udo Kier se livre à une chasse à l'homme brutale aux abords d'un village.

Le révérend Guilherme subjugue par ses discours une partie de la population d'une ville. Il met ses ouailles au service de ses ambitions politiques et de ses idées fascisantes. Les jeunes de son mouvement s'organisent en milices et se chargent de faire respecter les « bonnes mœurs ». Les jeunes filles harcèlent ainsi les femmes qu'elles soupçonnent d'avoir des mœurs « légères »...

Ces furies rodent masquées la nuit et s'en prennent à leurs proies préalablement repérées. Elles les insultent, les battent, leur extorquent sous la menace des confessions grotesques, qu'elles filment et postent sur internet. Le film s'ouvre sur une de ces agressions, dont la forme évoque les traques nocturnes des GUERRIERS DE LA NUIT et emploie les coloris expressionnistes de Dario Argento ou Mario Bava, sur fond de pulsations musicales synthétiques.

La situation ainsi mise en place dans MEDUSA évoque surtout AMERICAN NIGHTMARE et ses suites. Nous sommes dans une dystopie totalitaire. Les agressions sont tolérées et pratiquées contre des individus considérés comme des nuisances à la société, par exemple des femmes à la sexualité libérée ou des homosexuelles. Sous prétexte d'établir et de maintenir un ordre social totalitaire et intolérant, ces bandes déchaînent dans les rues l'anarchie de l'ultra-violence et de l'arbitraire.

Cette violence est sollicitée et manipulée par le révérend Guilherme, un évangéliste aux visées politiques, figure inspirée par des personnalités ayant émergé autour du président brésilien d'extrême-droite Jair Bolsonaro. Les milices violentes improvisées que l'évangéliste met en place recoupent la question des groupes paramilitaires qui, dans des grandes villes comme Rio, se livrent à toute sortes d'extorsions violentes, sous prétexte de rétablir l'ordre dans  la rue.

Candidat à des élections, le révérend Guilherme s'avère un démagogue populiste, utilisant les médias abêtissants d'Internet (comme Youtube et Instagram) pour propager son influence. Il décourage les lectures informatives, notamment celles les journaux, au prétexte qu'elles proviennent d'une « élite » encourageant la débauche.

MEDUSA suit le parcours de Mariana, jeune fille adoptant les préceptes de cet évangéliste et pratiquant des lynchages de rue. Une de ces agressions tourne mal et elle se retrouve défigurée. Ce qui la met à l'écart dans son groupe, les jeunes femmes n'y existant que par leur apparence aussi lisse et conformiste que possible. Elle part alors en quête de Melissa, une actrice qui aurait été elle aussi défigurée, par le feu, au cours d'une de ces agressions moralistes. Mariana compte la retrouver en se faisant embaucher dans un hôpital pour comateux et grands blessés. Son but est dans un premier temps de ramener une photo de la brûlée à ses amies. Mais elle fait des découvertes insolites sur cette clinique et sur elle-même...

A travers Mariana et ses copines fanatiques, MEDUSA s'intéresse à la question des opprimés qui soutiennent le système dont ils sont victimes. Ici, nous avons des jeunes femmes plongées dans une mentalité les désignant comme dangereuses, comme des émanations d'Eve la pécheresse, la tentatrice. Cette perception les renvoie à de nombreux stéréotypes féminins négatifs et leur impose un mode de vie (virginité jusqu'au mariage puis femme au foyer) les limitant à un moule prédéfini. A savoir celui d'une figure féminine composée de toutes pièces dans l'intérêt des hommes qu'elles vont épouser, ce qui n'est pas sans rappeler LES FEMMES DE STEPFORD.

Dans sa quête de Melissa, Mariana découvre une autre voie, s'ouvre à sa sensualité, à sa féminité, à son individualité enfin. Elle brise les masques et les apparences et se rattache à des créatures féminines du bestiaire monstrueux, comme la Méduse pétrifiante, la Sirène à la voix surnaturelle ou la Banshee hurlante.

MEDUSA est un film réfléchi, porteur d'un regard personnel au féminisme affirmé, construisant une dystopie pertinente en s'inspirant de l'actualité brésilienne. Hélas, au-delà de ses idées intéressantes, il souffre d'une structure et d'une écriture les desservant. Après un début intrigant, décrivant sa bande de saintes-nitouches ultra-violentes, et avant son dénouement cathartique, MEDUSA avance bien lentement. Il propose des séquences redondantes, particulièrement dans l'hôpital où les moments esthétiques insolites tournent à l'auto-fascination satisfaites. De même, les multiples démonstrations martiales de la milice masculine ou les prêches de l'évangéliste participent à un sentiment de répétition et d'ennui.

Jonglant avec les genres, alternant thriller, séquences musicales et cinéma fantastique, MEDUSA a pour lui une réflexion intéressante. Il propose une forme cinématographique soigné. Il est bien interprété, en particulier par Mariana Oliveira dans le rôle de Mariana, personnage évoluant tout au long du métrage. Mais ce métrage souffre d'une durée déraisonnable de plus de deux heures, mal justifiée, rallongeant la sauce plus qu'à son tour. Il aurait gagné à se concentrer sur son rythme et travailler la concision de son récit.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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