Sorti en 1974, LES SEPT VAMPIRES D'OR est le dernier des sept films produits par la Hammer mettant en scène le comte Dracula. Le premier d'entre eux étant le classique LE CAUCHEMAR DE DRACULA de 1958.
LES SEPT VAMPIRES D'OR sort juste après DRACULA VIT TOUJOURS À LONDRES d'Alan Gibson, lequel met en scène épouvante et espionnage contemporain avec un budget hélas trop limité. Christopher Lee trouve le résultat si mauvais qu'il s'engage à ne plus jamais tenir le rôle de Dracula (qu'il a déjà incarné six fois de suite pour la Hammer) à moins de se voir proposer un scénario vraiment intéressant.
Il tient parole et LES SEPT VAMPIRES D'OR est le seul métrage où la Hammer recourt à un autre comédien pour incarner Dracula. C'est John Forbes-Robertson qui hérite du rôle. Bien qu'on ne le voit presque pas (Dracula empruntant le plus souvent l'apparence d'un prêtre chinois), il n'est guère convaincant. Il est de plus affligé d'un lourd maquillage (peu réussi), peut-être pour tenter de le faire ressembler à Christopher Lee.
A ses côtés, nous retrouvons Peter Cushing, star historique de la Hammer, dans le rôle de Van Helsing, personnage qu'il a déjà incarné à plusieurs reprises pour cette firme (dans LE CAUCHEMAR DE DRACULA et LES MAÎTRESSES DE DRACULA notamment). Abattu par le décès de son épouse en 1971, Cushing se jette à corps perdu dans le travail et tourne énormément au début de cette décennie (vingt films de 1971 à 1974 !). Notamment dans des productions Hammer (LES SÉVICES DE DRACULA, FRANKENSTEIN ET LE MONSTRE DE L'ENFER) ou dans des œuvres de sa concurrente l'Amicus (ASYLUM, FRISSONS D'OUTRE-TOMBE)...
LES SEPT VAMPIRES D'OR a la particularité d'être une coproduction entre la Grande-Bretagne et Hong Kong. On y rencontre ainsi David Chiang, grande vedette du cinéma d'action asiatique. La réalisation des SEPT VAMPIRES D'OR est confiée à Roy Ward Baker, qui tourne au cours de cette période plusieurs films pour la Hammer (LES MONSTRES DE L'ESPACE mettant en scène le professeur Quatermass, LES CICATRICES DE DRACULA avec Christopher Lee) et pour l'Amicus (ASYLUM, LE CAVEAU DE LA TERREUR).
LES SEPT VAMPIRES D'OR est donc une collaboration entre la Hammer, firme maîtresse de l'épouvante britannique dans les années soixante, et Shaw Brothers, véritable empire dominant alors le cinéma de Hong Kong. Et à ce moment, les films d'art martiaux deviennent fort à la mode dans le monde entier, notamment grâce aux succès des films avec Bruce Lee comme LA FUREUR DU DRAGON de 1972 ou OPÉRATION DRAGON de 1973.
D'autre part, depuis la fin des années soixante, une très importante quantité de films de vampires est produite, qui lorgne de plus en plus vers le cinéma d'exploitation. Le français Jean Rollin mêle érotisme et suceurs de sang (LE VIOL DU VAMPIRE, LA VAMPIRE NUE). La blaxploitation américaine s'empare de Dracula avec BLACULA, LE VAMPIRE NOIR. Le cinéma érotique et porno fait un sort au même personnage (DRACULA, CE VIEUX COCHON). Le fameux archivampire affronte à plusieurs reprises le catcheur mexicain Santo (SANTO ET LE TRÉSOR DE DRACULA par exemple). Le mythe est livré à la parodie avec LE BAL DES VAMPIRES de Polanski ou à un traitement décadent dans DU SANG POUR DRACULA produit par Andy Warhol. Les films à tout petit budget se multiplient (DRACULA VS. FRANKENSTEIN d'Al Adamson, DRACULA, PRISONNIER DE FRANKENSTEIN de Jesus Franco).
Bref, le vampire reste une valeur sûre. Même si les deux derniers Dracula de la Hammer (DRACULA 73 et DRACULA VIT TOUJOURS À LONDRES) ont connu des échecs commerciaux, la firme retente le coup. Cette association Shaw Brothers - Hammer mène à un étrange hybride entre le cinéma d'arts martiaux et le film de vampires. Il est entièrement tourné à Hong Kong et ses séquences d'action sont supervisées par des techniciens de cette île.
Ce n'est pourtant pas la première fois que la Hammer mêle extrême-orient et épouvante. Ainsi dans L'EMPREINTE DU DRAGON ROUGE, Christopher Lee incarnait le chef d'une secte d'assassins sévissant à Hong Kong. Mais nous étions dans la tradition du terrible docteur Fu Manchu, et certainement pas dans le registre du cinéma d'arts martiaux.
Pour cette rencontre entre deux genres très différents, Don Houghton (déjà responsable des scripts de DRACULA 73 et de DRACULA VIT TOUJOURS À LONDRES) se charge d'écrire un scénario délirant.
En 1804, un prêtre chinois dénommé Kah se rend en Transylvanie pour que Dracula l'aide dans ses maléfiques besognes. Dracula s'empare du corps de l'infortuné pèlerin et se rend en Chine. Il s'y installe dans une sinistre pagode et prend le commandement de sept puissants vampires asiatiques. Durant un siècle, ils sèment la terreur dans un village des environs, enlevant les jeunes paysannes et se repaissant de leur sang virginal.
En 1904, le chasseur de vampires européen Van Helsing voyage dans cette contrée pour convaincre des universitaires locaux de l'aider à détruire des vampires. Personne ne l'écoute, sauf Hsi Ching, jeune homme venant du village terrorisé. Il demande à Van Helsing de l'accompagner pour terrasser les redoutables vampires. Ils seront aidés par les six frères et la sœur de Hsi Ching, tous maîtres des arts martiaux...
Évidemment, tout cela fourmille d'incohérences. Par exemple, Dracula est resté terré en Chine cent ans. Et Van Helsing (qui n'est pas immortel) affirme l'avoir affronté en Europe : serait-il plus que centenaire ? Dracula aurait-il fait des allers-retours Pékin-Bucarest ?
Tout cela n'est qu'un scénario prétexte à mélanger horreur, sabre et kung fu. Quelques détournements du mythe des vampires sont savoureux. Les vampires chinois ne craignent pas les crucifix, mais les statues de Bouddha les terrifient ! Nous nageons en plein cinéma d'exploitation, avec beaucoup d'arts martiaux, de sang, et même pas mal d'érotisme.
LES SEPT VAMPIRES D'OR souffre tout de même de personnages fades. Drôles d'idées que d'avoir affublé Van Helsing d'un fils (interprété avec nonchalance par Robin Stewart), ou de le faire partir à la chasse aux vampires avec une mécène sexy interprétée par Julie Ege ! Le cœur du métrage louche vers un classique film d'aventures, mais tout ce passage manque de rythme et de nerfs. Certaines séquences d'action arrivent comme des cheveux dans un potage pékinois (l'attaque des brigands au début du voyage) !
Pourtant, LES SEPT VAMPIRES D'OR n'est pas dénué de qualités. Son scénario n'est pas cohérent, mais il est riche en péripéties fantaisistes. Les décors de la pagode de Dracula sont somptueux, que ce soit l'extérieur, équivalent oriental du lugubre château de Dracula, ou l'étonnant sanctuaire dans lequel l'archivampire persécute ses victimes. Le flash-back racontant l'aventure du grand-père de Hsi Ching est d'une beauté à couper le souffle. Des vampires chevauchent dans la nuit, sabres d'or au clair, menant une armée de morts-vivants fraîchement sortis de terre (le succès de LA NUIT DES MORTS-VIVANTS est passé par ici !). Le final (Dracula et ses troupes attaquant le village fortifié) est aussi fort spectaculaire et réussi.
LES SEPT VAMPIRES D'OR semble bénéficier de moyens bien plus confortables que, par exemple, DRACULA VIT TOUJOURS À LONDRES. Nous avons de nombreuses cascades, des grands décors, beaucoup de figurants... Les Bowie propose de très nombreux effets sanglants et des maquillages de morts-vivants macabres à souhait. Le compositeur James Bernard, autre maillon essentiel de l'équipe Hammer, écrit une très bonne musique qui fonctionne extrêmement bien avec les combats d'arts martiaux, leur donnant une dimension horrifique et une tension bienvenues.
Si LES SEPT VAMPIRES D'OR n'a pas la rigueur et l'impact des meilleurs films de la Hammer, il n'en reste pas moins un bon divertissement fantastique, bourré d'inventions et de péripéties surprenantes. Pourtant, ce film est bien souvent considéré comme symptomatique de la décadence de l'âge d'or du cinéma fantastique britannique des années soixante. Il faut dire qu'il cumule beaucoup de "dernier" en ce qui concerne la Hammer classique au cinéma : dernier film de vampires, dernier Dracula, dernière composition de James Bernard, dernier film gothique, dernière œuvre avec Peter Cushing...
Rappelons au passage que cet acteur rencontre peu de temps après une énorme renommée en jouant Moff Tarkin, le sinistre commandant de l’Étoile de la Mort, dans LA GUERRE DES ÉTOILES de George Lucas. La Hammer va encore tourner quelques longs métrages (dont le film d'action UN DÉNOMMÉ MISTER SHATTER de Michael Carreras en 1974, seconde et dernière coproduction Hammer - Shaw Brothers) avant de cesser toute activité pour le cinéma après UNE FILLE POUR LE DIABLE en 1976.
Suite à LES SEPT VAMPIRES D'OR, la Hammer annonce divers projets censés relancer le cycle des Dracula : KALI, THE DEVIL BRIDE OF DRACULA réalisé par Terence Fisher, THE DRACULA ODYSSEY, DRACULA, THE BEGINNING, DRACULA... WHO ?... En fin de compte, aucun d'entre eux n'est tourné. Pourtant, LES SEPT VAMPIRES D'OR ne reste pas sans descendance. Grâce à cet essai, Hong Kong s'intéresse aux films de vampires avec, par exemple, la série de films commencée par MR. VAMPIRE en 1985. Plus surprenant, le film américain BLADE de Stephen Norrington met en scène un super-héros vampire pratiquant les arts martiaux. Annonçant l'engouement de Hollywood pour le cinéma d'action de Hong Kong à la fin des années quatre-vingt-dix, cette œuvre présente ce personnage né dans les bandes dessinées Marvel et apparu pour la première fois dans un Comics dédié... au comte Dracula : «Tomb of Dracula» !