Øystein Aarseth (Rory Culkin), se fait appeler Euronymous : un musicien leader du groupe de Black metal norvégien Mayhem. A la recherche de forme extrême d’expression musicale, il se met en quête d’un chanteur capable de se fondre dans son style. Il tombe alors par hasard sur Kristian « Varg » Vikernes (Emory Cohen), homme seul d’un groupe nommé Burzum. Qui va graduellement entrainer le groupe sur des actes de haine, meurtres et autres incendies d’églises. Tout en entamant une guerre d’influence avec Euronymous.
Les biopics… vaste sujet qui crispent à la fois les fans des sujets traités dans les films et qui, dans des thèmes de niche, ont tendance à quelque peu désintéresser le grand public. Il s’agit globalement du souci que soulève LORDS OF CHAOS, relatant l’affaire du meurtre d’Euronymous, le leader du groupe de black metal norvégien Mayhem. Le générique annonce clairement la couleur. le film est inspiré des vérités et mensonges et d’éléments qui sont arrivés. Ce n’est donc pas un documentaire - mais bel et bien un film de fiction. Toujours important de préciser en amont qu’il s’agit de la vision / interprétation d’un artiste sur un fait réel.
Le réalisateur Jonas Åkerlund, ancien batteur d’ailleurs d’un groupe de métal suédois nommé Bathory, a bâti une solide réputation de vidéaste, avec un peu plus d’une centaine de clips à son actif pour les artistes parmi les plus connus, de Madonna à Duran Duran en passant par Mika et Rammstein. Et a même touché quelque peu au cinéma, avec plus ou moins de bonheur, dont le raté LES CAVALIERS DE L'APOCALYPSE. Ici, il revient quelque peu à un sujet qu’il connait.
LORDS OF CHAOS a connu une destinée quelque peu compliquée, avec des sorties cinéma tronquées, voire absentes comme en France. Il s’agit d’UFO Distribution qui se charge de la sortie Blu Ray française, en octobre 2019.
Par le truchement d’une voix off d’Euronymous, qui va donc raconter son histoire à rebours, le réalisateur fait un curieux choix de narration. A la fois une tentative d’immersion dans la Norvège de la fin des années 80 (tout est joli, mais tout est chiant, en gros), un bref explicatif d’origine sociale des jeunes impliqués - ceci de manière extrêmement sommaire. Afin de démarrer au plus vite sur le leadership de son narrateur et les virages pris par la volonté de faire la musique la plus noire possible - créer un nouveau genre « le vrai et seul groupe de black metal de Norvège », crachant au passage sur les groupes suédois… amusant, car Åkerlund faisant partie de la mouvance suédoise visée. Il se sert d’ailleurs royalement, puisque plusieurs morceaux de Bathory seront entendus au long du film.
Si la musique apparait bien présente dans le premier tiers du long-métrage, avec la recherche du chanteur phare, les premiers concerts en enregistrements, elle passe clairement au second plan par la suite. Fatalement, les oreilles peu aiguisées aux rites et rythmes du Black metal de la scène norvégienne des années 90 vont saigner et être déstabilisées. Mais Jonas Åkerlund tente de minimiser l’impact auditif en concentrant sciemment son fil conducteur sur la quasi-guerre psychologique que Varg Vikernes et Euronymous vont se livrer. Un sentiment assez curieux prédomine alors : celui d’assister à un thriller adulescent parsemé d’éclairs de violence gore. Une guerre d’influence psychologique, virant à une version hardcore du BON FILS. Culkin réussit une performance désincarnée à la fois hautaine et perdue, contrebalancé par Emory Cohen tout en timidité initiale versant dans le fanatisme le plus absolu.
Car le film ne lésine en aucune manière sur des scènes particulièrement tranchantes, au propre comme au figuré. Veines coupées, gorge tranchées, coups de poignards à répétition… on se croirait littéralement dans un SCREAM version métal. Et la caméra d’appuyer sur les détails, donnant accès par ailleurs à de très réalistes effets spéciaux. On sent que l’auteur tente de joindre des éléments viscéraux, entre la frange extrême du métal scandinave et des effets désastreux que cela entraina. Qu’il s’agisse du suicide longuement filmé, du brutal meurtre d’un gay piégé par Faust (Valter Skarsgård, oui, encore un autre rejeton de Stellan Skarsgård), ou de l’assassinat d’Øystein Aarseth.
Aucune glorification ou glamourisation quelconque des actes et personnalités de chacun - des portraits relativement bruts dans leurs dérives, notamment Vikernes dont Emory Cohen traduit assez finement le glissement du début à la fin du film. Entre des artistes perdus dans leurs délires, certains se retirant prudemment, voyant que la musique n’est pas forcément la seule motivation. En fait, le ton semble dériver parfois presque vers la satire, volontaire ou non. Un sens de l’humour qui guide certains éléments, sortant parfois le film des rails. Un mix d’images documentaires, d’arrêts sur images, de traitement à la vidéoclip et de fiction. Un réel soin du détail, qu’il s’agisse des décors ou de petits éléments (comme le 33T de Tangerine Dream écouté par Euronymous à la fin, indiquant peut-être une nouvelle direction stoppée net ?)
Ce qui n’empêche pas un ton lugubre et macabre de régner tout du long. SI bien que l’impression finale qui se dégage reste un mouvement musical alternatif comme toile de fond d’un thriller sanglant, avec des fulgurances cinématiques évidentes - alliées à des ruptures de tons assez curieuses. Cela rend le film, tourné quasi intégralement à Budapest, assez bancal sur presque deux heures, mais avec une indéniable personnalité.
Le Blu Ray arrive chez UFO Distribution sur un BD 50, en 1080p, au format 1.85:1, d’une durée complète de 117mn35 (générique UFO compris) Un menu animé donne accès aux versions sonores, sobrement nommées 2.0 et 5.1, aux 12 chapitres, lancement du film et à l’interview du réalisateur.
Video: une copie agréable à l'oeil, sans pour autant gagner l'Everest de la précision dans les détails. Certainement d'une part du fait des éléments utilisés, mais le traitement des détails s'avère surtout marquant dans les gros plans. Les scènes sanglantes sont bien positionnées en ce sens, donc le spectateur profite à plein régime de la partie horrifique pour la HD. Le rouge éclate et les verts (notamment dans la salle de répétiion) ressort valeureusement. Les plans extérieurs et américains demeurent moins précis, par contre - voir à 10mn34, la séquence nocturne, où les contrastes sont quelque peu problématiques et le snoirs bouchés. Ou encore le plan visage de Rory Culkin où il est impossible de voir les détails de la chevelure. Des éléments qui se retrouvent le long du film. Ajouté à cela un débit irrégulier et pointant en moyenne à un maigre 20/21 Mbps, le rendu global reste moyen.
Concernant les pistes audio, une relative déception. pour un Blu Ray. Nous n’aurons droit qu’a des pistes audio compressées en Dolby Digital 2.0 et 5.1 anglais, avec sous-titres français. Pourquoi donc ne pas proposer ce que la technologie puisse offrir de mieux pour un tel format et choisir des pistes sonores bonnes pour des DVD? Mystère. d’autant que le film, axé sur le médium musical de prime intérêt, y perd considérablement. L’ensemble manque clairement d’ampleur et de finesse audiophile. Le 2.0 est très brut de décoffrage. C’est d’autant plus dommage que certaines autres éditions Blu ray à travers le monde (dont l’édition Arrow au Royaume-Uni ou chez Nordisk en Norvège) utilisent des pistes DTS HD MA 5.1 non compressées. Ici, ça fait le job, les dialogues sont limpides, les effets sonores également - mais un poil frustrant sur ce que cela aurait du être, aussi pour la composition originale de Sigur Rós.
Il vaut mieux de ce fait se diriger vers la piste Dolby Digital 5.1, la plus riche - avec des basses parfois proéminentes. On sent le soin apporté au mixage sonore, les canaux se répartissant relativement clairement en fonction de l'action. Bonne sollicitation des canaux arrière, des sons adaptés et des dialogues largement audibles. Les scènes horrifiques prennent d'ailleurs tout leur sens avec ce mixage - alors que le 2.0 manque singulièrement de punch.
Au rayon supplément, un entretien captivant avec Jonas Åkerlund, nommé BLOOD FIRE DEATH (en version anglaise avec stf). Il replace son carrière dans le contexte de l’histoire du film. Ses débuts avec le groupe Bathory, sa jonction avec l’homme d’image qu’il est devenu. Mais surtout du contexte entre les souvenirs des événements réels et ce qui a été injecté dans le film. Un travail de recherche, d’accès aux documents de la police par rapport au livre. Et une surprise : le soutien de Ridley Scott! Car par manque de budget, il était impossible de trouver du bois pour les scènes d’églises en feu (hors miniatures). BLADE RUNNER 2049 ayant été tourné à Budapest, il y eut donc la possibilité d’utiliser le reste des décors pour effectuer les moments d’incendies! Très bonne mise en perspective de la part du réalisateur. Rien d’autre, hélas, surtout comparé à l’édition anglaise qui regorgeait d’entretiens à la fois avec acteurs et intervenants directs de l’histoire. Même pas une bande annonce à se mettre sous la dent ici.
LORDS OF CHAOS possède indéniablement de l'énergie, un visuel travaillé et deux interprètes principaux qui dégagent judicieusement des personnalités bien campées. Le metteur en scène tombe parfois dans le piège de l'exploitation à outrance des scènes de violences, très (trop?) appuyées - pour livrer une vision que les amateurs pourront trouver contestable sur le fond (il s'agit d'une fiction, répétons-le), mais à la forme parfois audacieuse. Dommage que l'édition française soit trop légère en terme de contenu et de rendu.