Obligé de s’arrêter dans un château suite à une route barrée, un groupe de 7 personnes se retrouve prisonnier du lieu. Une jeune femme nommée Hilse (Erika Blanc) arrive au beau milieu de ce petit monde et ne tarde pas à révéler sa vraie nature de succube.
Une bien étrange production belgo-italienne qui connut nombre de titres d’exploitation à travers les années, sans parler des retitrages anglais, italiens… AU SERVICE DU DIABLE est tout d’abord sorti en France le 20 juillet 1972 sous le titre LE CHATEAU DU VICE. Insuccès relatif, il doit surtout son cumul de 135 688 entrées sur les copies qui ont circulé en France jusqu’en… 1990 ! Puisque le film ne réalisa qu’un tout petit nombre de 5 248 tickets lors de son premier tour de piste de 1972. Les tentatives de retitrage (LA NUIT DES PETRIFIES, entre autres…), comme il était coutume dans les années 70/80, tentèrent de combler le manque à gagner. Le film navigua ensuite à vue dans des copies plus ou moins complètes (dont une scène saphique absente la plupart du temps), dont un DVD britannique chez Salvation nommé DEVIL'S NIGHTMARE à la copie aux couleurs passées et un télécinéma depuis une copie italienne (durée : 89mn53). Jusqu’au récent DVD néerlandais sorti chez So Demented en octobre 2016. Apparemment, le film a été relativement complexe à faire sortir, entre l’état de la copie restante et les droits. Mais chose faite avec Artus Films qui livre un combo Blu Ray/DVD/livre en ce mois de juin 2019.
AU SERVICE DU DIABLE ne lésine pas sur son début. En noir et blanc, avec un prologue se déroulant pendant la seconde guerre mondiale. Un procédé utilisé maintes fois, notamment avec LA VIERGE DE NUREMBERG, DANS LES REPLIS DE LA CHAIR ou LE MANOIR AUX FILLES (ce dernier étant un Giallo intéressant qui mériterait que nos éditeurs français se penchent sur son cas, d'ailleurs)... Cela est suivi du meurtre d’un bébé avec un poignard dans les mains de Jean Servais. Pour enchaîner illico sur LE grand stéréotype du film gothique : l’arrivée d’un groupe d’étrangers dans un sinistre château, dans lequel ils seront prisonniers, puis éliminés un par un.
D'un strict point de vue thématique, AU SERVICE DU DIABLE reste archi-conventionnel. Outre le cliché déjà cité ci-dessus, on peut y ajouter les élans gothiques post 60's, le dîner aux chandelles, l'obligatoire scène érotique lesbienne, un laboratoire souterrain (à la POUPEE DE SATAN), des meurtres, un timide débordement sanglant. Mais plus que les clichés du genre, il s'agit du traitement effectué qui le sort du lot. S'appuyant sur les 7 péchés capitaux par lesquels les personnages vont mourir (et, en effet repris 25 ans plus tard dans SE7EN, entre autres), le film abonde parfois dans un humour noir salvateur. Il offre en outre à la torride et sensuelle Erika Blanc un des meilleurs rôles de sa carrière : elle survole le film de par sa grâce maléfique et ses dons extraordinaires de séduction. Qui plus est une excellente actrice !
Les auteurs n'en oublient pas les seconds rôles avec notamment un Daniel Emilfork en grande forme : sardonique et diabolique - notez la manière parfaite qu'il a de tendre le pacte vers la fin du film. Les amateurs remarqueront aussi la présence de Shirley Corrigan, présence étoilée du Bis de BRACELETS DE SANG à DR JEKYLL Y EL HOMBRE LOBO, et subissant l'un des meurtres les plus sauvages du Giallo dans SETTE SCIALLI DI SETA GIALLA.
Elégamment filmé, on sent le grand professionalisme dans la mise en image. Couleurs, éclairages, cadrages : on est vraiment à quelques coudées au-dessus de pas mal de ses congénères gothiques. Même si la direction d'acteurs peut parfois laisser pantois (voir les locaux dont le jeu frise l'amateurisme, et le duel fatigué du final), Le scénario en profite également pour élever le débat, avec son histoire de malédiction frappant la famille de Jean Servais, tout comme les retournements de situation.
Le film comporte, outre la plume de Patrice Rhomm - auteur de DRAGUSE OU LE MANOIR INFERNAL -, un petit mystère que les bonus n'élucident pas : la présence au générique d'André Hunebelle. L'auteur de FANTOMAS et (entre autres !) ses deux suites est crédité d'un vague titre s'apparentant à celui de conseiller technique. A-t-il aidé le novice Jean Brismée ? Ou aurait-il tout simplement participé au tournage du film ? Un élément insoluble, avec certaines rumeurs faisant état qu'André Hunebelle commença le film et que Brismée le continua. On ne le saura probablement jamais.
AU SERVICE DU DIABLE réussit au final à donner une richesse d'atmosphère inespérée et un rythme souffrant de très peu de pannes. Partant des clichés du genre, il développe sa petite musique bien à lui. Son regard dédaigneux pour le réalisme et la logique ajoute au charme global. Les meurtres apparaissent assez timides, mais l'intérêt ne semble pas pointer dans cette direction. Le sinistre Daniel Emilfork, semblant prendre beaucoup de plaisir à incarner le Diable, et l'ensorcelante Erika Blanc, en plus de sa garde-robe mémorable, propulsent ce conte gothique vers le mémorable.
Un mediabook luxueux, offrant donc deux disques (Blu ray et DVD), ainsi que le livret en son centre. Maniable, au graphisme attirant : l'emballage est réussi. Une fois la galette enfournée, Artus lance près de 75 secondes d’extraits de leurs produits du moment (CEREMONIE SANGLANTE, AU SERVICE DU DIABLE et LE MOULIN DES SUPPLICES). Le menu donne l’accès au film direct (en version française seulement, sans option de sous-titres), puis les suppléments. Un sous-menu permet de visionner les différents segments proposés. Pas d’accès chapitré depuis le menu.
Sur un BD 50 indiqué région B (mais mon lecteur l'a détecté comme étant toutes zones ?), encodage AVC-MPEG 4, au format 1.66:1 et d’une durée complète de 94mn51 (la durée sur le DVD 9 zone 2 est de 91mn01), AU SERVICE DU DIABLE se révèle au spectateur dans sa meilleure forme existante. Une copie HD visiblement réalisée à partir d’une copie 35mm, qui présente de ce fait quelques stigmates que même la restauration apparemment extensive n’a pu faire totalement disparaître. Il n’y a guère que les dernières minutes (vers 91mn50) qui présentent quelques soucis de stabilité d’image, un court halo noir et des poussières blanches. Pour le reste, c’est de toute beauté. La source utilisée pour le scan apparaît de bonne tenue et le peu de poussières rencontrées ne sont jamais intrusives. Des couleurs fortes (le rouge éclate bien à l’écran), des gros plans aux détails saisissants, voir par exemple le visage effrayé de la journaliste vers la 7e minute. De jolis contrastes, aussi, même si parfois la gestion des noirs reste aléatoire. On sent l’usage de réduction de bruit, mais compte tenu des éléments de départ ça n’est pas forcément un mal, le travail effectué livre une copie très agréable à l’oeil, à des kilomètres qualitatifs des éditions DVD précédentes. N’ayant pas eu en main l’édition Mondo Macabro (qui compte par ailleurs trois interviews francophones, mais sans celle d'Erika Blanc), on ne peut comparer - mais on peut aisément deviner qu’il s’agit du même matériau de base. En tous cas, un beau boulot.
Concernant le son, il y a une seule piste audio française en LPCM 2.0. Un peu de souffle le long du film, mais rien de vraiment gênant en soi - la musique prenante, à la guitare et parfois éthérée d’Alessandro Alessandroni tient le haut du pavé. Les dialogues sont audibles, n’empiétant pas sur les bruitages et autres effets sonores. Quelques dialogues apparaissent étouffés ça et là, mais c’est bien mineur. Dommage par contre, aucun sous-titres pour les sourds et malentendants.
Les suppléments sont légion et il s’agit d’une excellente nouvelle. Tout d’abord un entretien sans filtre avec l’immense Erika Blanc. A 76 ans, et en français, elle ne perd rien de sa superbe et de son franc-parler. Parlant avec précision du tournage, de sa carrière, de sa personnalité et de son physique. En effet, à voir les visages ravagés par la chirurgie esthétique de Barbara Bouchet ou encore Corinne Clery, le naturel d’Erika Blanc apporte une fraîcheur et un dynamisme inespérés. Et en plus avec beaucoup d’humour et de détachement. On l’aime !
Ensuite un entretien avec Jean Brismée, sur son expérience de metteur en scène pour le film. Un homme étonnant, là aussi, direct, sans fard. Ca fait du bien.
On poursuit via un entretien avec Alain Petit, bourré d’informations comme d’habitude mais qui au regard des autres bonus, n’apporte pas grand chose sur le fond. Et très curieusement filmé à travers un filtre orangé (?!).
Le livret concocté par Christophe Bier apporte lui un regard autre sur le film, ses influences et ses enjeux. Contextualisant le film de manière passionnante, et apportant des éléments de précision forts à propos. Avec un bel hommage à Daniel Emilfork et nombre de photos et illustrations à l’érotisme fort prononcé !
Enfin, en plus du DVD du film avec le contenu identique, une galerie de posters et photos, des scènes alternatives d’un intérêt historique évident (mais au final, qui n’apporte pas de modification significative au récit) et le film annonce.
Un bel objet de collection, sympathique dans son tour d’horizon du film et ses participants - doté d’une belle restauration compte tenu des éléments d’origine. AU SERVICE DU DIABLE arrive recommandé.