Après avoir trouvé une amulette lors de fouilles archéologiques en Iran, Ciccio Ingrassia devient L'ESORCICCIO, spécialiste d’exorcismes en tous genres. Cette amulette se retrouve en possession plusieurs années après du jeune Mimi, fils de Pasqualino Abbate (Lino Banfi), maire d’un village. Le démon se trouvant dedans va alors posséder toute la famille.
Après le gigantesque succès de la comédie catholico-horrifique L'EXORCISTE de William Friedkin, nos amis transalpins se sont jetés sur le filon comme la petite vérole sur le bas clergé. Un nombre incalculable d’avatars ont donc été catapultés sur le marché mondial, allant aussi bien du LE DEMON AUX TRIPES en passant par L'ANTECHRIST, LA POSSEDEE ou encore BACCHANALES INFERNALES - sorti aussi sans vergogne en Italie sous le titre L'ESORCISTA 2, damant le pion de quelques années à John Boorman.
Mais c’était sans compter sur le comique italien Ciccio Ingrassia, compère de Franco Franchi, étant le duo comique le plus populaire en Italie durant deux décades. 114 films à eux deux et des milliards de lires de recette, tous genres confondus. Et seul, Ingrassia décide de faire sa version du mythe et écrIt, produit, réalise (et même compose une chanson pour) L'ESORCICCIO et le sortir en 1975. Le film rencontrera un joli petit succès avec ses 693 millions de lires (soit le 28e plus gros succès du bonhomme) mais ne dépassera que très peu les frontières italiennes, en tous cas, pas jusqu’en France. Les quelques spectateurs anglophones connaissent le film sous le nom de THE EXORCIST : ITALIAN STYLE.
Qui dit Ingrassia dit comédie, et pas forcément dans la finesse totale, bien au contraire. Mais élaboré malgré cela avec un étonnant savoir-faire. Le tout avec un budget ridicule, au point où la plupart des scènes intérieures furent tournées dans la maison de l’acteur/réalisateur/producteur. Une vraie parodie de L'EXORCISTE, sans sombrer dans la comédie sexy à l’italienne - dont Lino Banfi deviendra une des figures de proue. Ingrassia ne néglige cependant pas la technique, le film se voyant pourvu de travelling latéraux inattendus et d’effets de caméra qui réussissent parfois à surprendre pour un tel produit.
On retrouve énormément de références et citations de l’original. Qu’il s’agisse des fouilles archéologiques se déroulant au moyen-orient (en « Iran moitié gauche »!), le réveil de Pasqualino en pleine nuit suite à des bruits étranges, le recours final à un exorciste pour sauver le pré-adolescent d’un comportement déviant (à 10 ans, il déflore pas moins de deux jeunes femmes!). Aussi, la jeune exorcisée (Barbara Nascimben) prend les traits de la mère de l’aide de l’exorciste (Mimmo Baldi), qui s’appelle... Satanetto! Ingrassia connait le film sur le bout des doigts, et même jusque dans les échanges entre le Père Karras et Kinderman, tout y est. Y compris la lévitation du lit, les objets qui volent à travers les pièces, le souffle visible pendant la séance. Le tout sous l’oeil goguenard et amusé de Ciccio Ingrassia en exorciste qui finit par lire le petit livre rouge et tenter d’exorciser « au nom de Mao ». Quand je vous dis que c’est léger!
Il existe également un vent de non-sens assez incroyable qui plane sur le film. Comme si Ingrassia s’était libéré des gags obligatoires d’avec Franchi. Il garde mimiques, roulements d’yeux et autres mimétismes de ses films précédents, mais avec des éléments qui font pencher le film vers le dessin animé live. Tour à tour raté ou réussi, certains gags font mouche, donnant presque dans du Tex Avery. Comme ce passage à niveau qui n’abaisse pour laisser passer non pas un train mais… un voyageur et sa valise. Et détournant tout autant les références purement chrétiennes de son modèle : de voir Ingrassia avec une étole faite de gousses d’ail, le petit livre de Mao en main à la place de la Bible, il fallait oser!
Egalement, un nombre incalculable de blagues et jeux de mots pratiquement intraduisibles, surtout lorsqu’ils sont sortis comme une mitraillette par un Lino Banfi en forme olympique! Entre argot et références locales, les spectateurs peu habitués à la culture populaire italienne vont perdre une bonne partie de l’humour du film. Ingrassia tente de jouer en effet sur plusieurs tableaux : le slapstick, la parodie, la satire, la comédie régionale et les petits coups de griffes envers la classe moyenne. Si le trait est gros, il ne devient jamais vulgaire ou grossier - maintenant un délicat équilibre entre un humour en voie de disparition et un personnage-clown lui aussi allant s’éteindre des écrans italiens. 1975 allait voir l’avènement d’acteurs/actrices et genres qui supplanteront Franchi/Ingrassia, à savoir les comédies sexy des LYCEENNE et autres LA FLIC À LA POLICE DES MOEURS, Paolo Villaggio et sa série de films sur FANTOZZI (dont FANTOZZI 2000 : LA CLONAZIONE) ou encore Lando Buzzanca
Ingrassia reprend aussi le modèle transalpin du charlatan cher au cinéma local. Depuis le modèle comme LE MÉDECIN ET LE SORCIER de Mario Monicelli avec Marcello Mastroianni, en passant par BALSAMUS, L'HOMME DE SATAN, premier film fantastico-horrifique de Pupi Avati régulièrement occulté de sa filmographie par les amateurs, ou encore LE LARRON de Pasquale Festa Campanile. A se demander même si, justement Lando Buzzanca, précédemment cité, ne s’est pas inspiré de L'ESORCICCIO pour son personnage de faux-guérisseur dans SAN PASQUALE BAYLONNE PROTETTORE DELLE DONNE, un an après.
En fait, malgré un scénario quelque peu répétitif dans sa progression, basé sur une possession, un exorcisme, une nouvelle possession, un nouvel exorcisme ad nauseam, L'ESORCICCIO se révèle curieusement divertissant et bien vu. Frénétique, forcément, avec Lino Banfi déjà en train de monopoliser l’écran dans sa diarrhée verbale et sa présence cyclonique. Entre son tour de tête à 180 degrés et le fait d’entamer un concert rock (avec un 45 Tours qui sortira pour l’occasion!) avec « Sciamuninn Rock » et Banfi qui monte sur une table pour danser, rejoint rapidement par trois comparses. On frise l’hallucination. Bref : un film qui ne reste pas dans la mémoire collective cinéphile mais qui devrait satisfaire tout amateur bisseux fin connaisseur de gourmandise italienne B.
Le film est sorti en DVD chez Medusa en 2011. Au format 1.85:1 et 16/9e, d’une durée complète de 90mn10. Un menu fixe qui permet la sélection de sous-titres italiens de choix d’un accès par chapitres, ainsi que d’un livret de 16 pages, en plus de l’affiche originale. Bien que le film se trouve dans une collection « LinoMania » dédiée à Lino Banfi et vendue avec le journal La Gazetta dello Sport à l'époque, il s’agit bien de Ciccio Ingrassia qui en est le héros!
Visuellement parlant, ça n’est pas très glorieux. Une définition poussive, des détails pas vraiment évidents à déterminer. En fonction des erreurs de raccords et de lumière, les tons de rouge changent selon des plans. Quelques gros plans réussis mais il ne faut pas s’attendre à des miracles. Une première scène prégénérique surexposée où les sous-titres blancs ne se distinguent pas ou peu. A noter quelques griffures et autres poussières témoins du matériau d’origine pas franchement nettoyé. Un télécinéma médiocre. Mais vu le prix, il faut savoir raison garder.
Une seule piste audio italienne, encodée en Dolby Digital deux canaux mono. Ca fait le job à minima, bien évidemment uniquement pour les spectateurs italianophiles. Un léger souffle, des dialogues parfois étouffés, une musique qui transparait au moment opportun… il ne faut pas s’attendre à de la précision, ça n’est pas le but de l’opération. Donc attendez-vous à quelque chose de médiocre. Il reste possible (et c’est conseillé pendant les logorrhées de Lino Banfi) d’actionner depuis le menu du DVD des sous-titres italiens.
Aucun bonus à l’horizon, hormis un livret explicatif de 16 pages, revenant activement sur l’histoire du film, les actrices, les principales blagues et le parallèle avec L'EXORCISTE.