Header Critique : HOMME LEOPARD, L' (THE LEOPARD MAN)

Critique du film
L'HOMME LEOPARD 1943

THE LEOPARD MAN 

Kiki Walker est chanteuse dans un club du Nouveau-Mexique. Pour attirer les spectateurs, son patron Jerry l'incite à monter sur scène avec une vraie panthère. Elle s'exécute, mais le fauve s'échappe et tue une jeune fille. Rongé par la culpabilité, Jerry décide de traquer l'animal...

L'HOMME-LÉOPARD est la troisième et dernière coopération entre le producteur Val Lewton, chargé de fournir des films fantastiques à la firme RKO, et le réalisateur Jacques Tourneur. Leurs deux films précédents sont LA FÉLINE de 1942, l'histoire d'une femme qui se transforme en panthère, et VAUDOU de 1943, drame fantastique se déroulant aux Antilles. Avec cette trilogie, Tourneur met en place un cinéma fantastique élégant, jouant habilement sur la suggestion de l'horreur, préférant faire ressentir une présence monstrueuse que la montrer, et accordant beaucoup d'importance à la psychologie des personnages ainsi qu'à l'atmosphère dans laquelle baigne le récit.

Le comédien principal de L'HOMME-LÉOPARD, Dennis O'Keefe, passe une bonne partie des années trente à faire de la figuration dans des productions hollywoodiennes. Puis il devient un acteur de premier plan dans des petits films comiques (HI DIDDLE DIDDLE de Andrew L. Stone...) ou apparaît dans des rôles plus graves (le Film Noir LA BRIGADE DU SUICIDE d'Anthony Mann). Il est accompagné par Margo, comédienne d'origine mexicaine (vue dans HORIZONS PERDUS de Frank Capra ou, plus tard, dans VIVA ZAPATA ! d'Elia Kazan...). Le scénario est basé sur une nouvelle de William Irish (Cornell Woolrich de son vrai nom), écrivain qui influence de très nombreux Films Noirs (LES MAINS QUI TUENT de Robert Siodmak, FENÊTRE SUR COUR d'Alfred Hitchcock...).

Comme dans LA FÉLINE et VAUDOU, Tourneur confronte un contexte social réaliste à des superstitions ancestrales. L'intrigue se déroule dans l'état du Nouveau-Mexique, dans une ville touristique où les Indiens sont réduits à la misère tandis que les Etats-Uniens consomment un exotisme de pacotille servi sur les scènes des cabarets. La réalité de ce pays est conservée au musée d'art indien où sont entreposées les traces de cultes antiques dédiés aux félins divins d'Amérique Centrale. La psychologie des personnages est étudiée avec justesse et finesse, sans jamais sombrer dans la caricature (le vieil américain compréhensif qui discute avec Clo-Clo en est un exemple). Le sentiment de culpabilité de Jerry, l'amertume de Kiki Walker, l'ambition de Clo-Clo... sont rapportés avec intelligence, notamment grâce aux performances des excellents comédiens.

L'HOMME-LÉOPARD, en dépit de son titre aguicheur rappelant le succès de LA FÉLINE, explore moins le fantastique que ses deux prédécesseurs. Il s'agit d'un récit plutôt policier, dont le dénouement évoque un peu l'aventure de Sherlock Holmes «Le chien des Baskerville», ou encore des films à tueurs psychopathes tel que PSYCHOSE de Hitchcock. Cela peut décevoir, mais heureusement le final du film (poursuite au sein d'une procession religieuse, parmi des pénitents cagoulés de noir) est une belle réussite.

Le fantastique reste présent tout au long du métrage, notamment au cours d'agressions de jeunes filles. Tourneur y exploite son savoir-faire en matière de suggestion de l'horreur : grâce à un usage habile des éclairages, du montage et de la bande-son, il nous fait redouter les monstruosités tapies parmi les ombres. Les séquences sous le pont et dans le cimetière (géniale trouvaille de la branche qui ploie sous le poids du félin invisible) sont particulièrement effrayantes. Nous apprécions la qualité de la photographie de Robert De Grasse (LE RÉCUPÉRATEUR DE CADAVRES) et les décors raffinés de Walter E. Keller (LA FÉLINE, VAUDOU...), qui créent une atmosphère fantastique aussi envoûtante qu'inquiétante.

Certes, la seconde partie de L'HOMME-LÉOPARD manque un peu de rythme, la révélation de l'identité du coupable n'a rien d'une grande surprise pour le spectateur attentif. Mais si ce film n'est pas aussi innovant que LA FÉLINE et pas aussi original que VAUDOU, il reste une oeuvre homogène et réussie, dans laquelle se nichent quelques séquences véritablement terrifiantes.

Après L'HOMME-LÉOPARD, Jacques Tourneur se consacre à des genres variés (thriller avec ANGOISSE, western avec LE PASSAGE DU CANYON, espionnage avec BERLIN EXPRESS...). Il ne renoue avec le cinéma d'épouvante qu'à la fin des années cinquante, grâce à un autre classique : RENDEZ-VOUS AVEC LA PEUR.

De son côté, Val Lewton continue à produire quelques films d'épouvante pour la RKO avec d'autres réalisateurs, comme Robert Wise (LE RÉCUPÉRATEUR DE CADAVRES) ou Mark Robson (LA SEPTIEME VICTIME).

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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