Header Critique : VAUDOU (I WALKED WITH A ZOMBIE)

Critique du film
VAUDOU 1943

I WALKED WITH A ZOMBIE 

Betsy Connell, jeune infirmière, accepte un poste aux Antilles. Elle doit prendre soin de Jessica, une femme gravement malade. Sur place, Betsy découvre que la vie dans cette région n'est pas aussi belle et reposante qu'elle le croyait...

Le succès inattendu du film d'horreur LA FÉLINE encourage le producteur Val Lewton et le réalisateur Jacques Tourneur à collaborer de nouveau pour le compte de la firme R.K.O.. Ils décident de travailler sur le thème du mort-vivant, déjà abordé au cours des années trente dans, entre autres, LES MORTS-VIVANTS avec Bela Lugosi et LE MORT QUI MARCHE de Michael Curtiz. Comme dans LES MORTS-VIVANTS, Tourneur place le zombie dans son cadre d'origine : les îles des Antilles.

La patte de Jacques Tourneur est immédiatement reconnaissable dans la réalisation de VAUDOU. On y retrouve son style élégant, subtil et rigoureux qui a fait le succès de LA FÉLINE. L'ambiance effrayante est mise en place avec finesse grâce à des effets d'éclairage soignés et à un travail étonnant sur la bande-son.

Une ombre passe dans la nuit, des pleurs se font entendre derrière une porte, une statue morbide trône au centre d'un jardin, un musicien créole chante une ballade mélancolique... En assemblant patiemment ces détails, Tourneur installe une atmosphère étrange et menaçante.

Le passage le plus extraordinaire est le voyage initiatique de Betsy et de Jessica vers la clairière où se déroulent les cérémonies vaudoues. Les deux femmes sont guidées par un jeu de piste morbide à travers un champ de cannes à sucre, plongé dans une nuit noire et silencieuse. Tourneur envoûte alors le spectateur par des moyens simples et discrets, en faisant jouer la lumière sur le visage impassible de Carrefour, ou en mettant en avant le bruissement de la végétation et le son lointain des tam-tams.

Ce film n'est pas seulement un voyage mystérieux au pays du vaudou. Tourneur nous parle avant tout d'un drame humain, en rendant avec intelligence la morosité de cette île que se partagent anciens esclaves et anciens esclavagistes, unis dans leurs exils respectifs. La cruauté de l'esclavage est rappelée par la proue du bateau placée au beau milieu du jardin des propriétaires de plantation. Cette sculpture est censée représenter un Saint-Sébastien transpercé de flèches. Mais l'usure du temps lui a donné une teinte sombre, et c'est bien le martyr des africains amenés de force sur cette île qu'elle incarne.

Quand aux riches planteurs blancs, ils s'enfoncent dans l'ennui et la boisson. VAUDOU nous invite à suivre la tragédie d'une riche famille sur laquelle pèse une étrange malédiction. Ainsi, deux frères se déchirent pour l'amour d'une femme morte, dans un récit rappelant des drames gothiques tels que REBECCA ou LES HAUTS DE HURLEVENT. La psychologie des personnages est rendue avec beaucoup de subtilité.

Ce film pose encore le problème de la foi dans le surnaturel, en se penchant sur la constitution du culte vaudou, rencontre entre les croyances animistes africaines et la religion chrétienne. Les Blancs de l'île considèrent ces rituels comme des enfantillages et des superstitions de peuplades "non civilisées". Pourtant, en fin de compte, la réalité de la magie sera la clé de cette histoire.

Si on peut reprocher à VAUDOU une certaine lenteur dans le développement de son intrigue, celle-ci est tout de même très intéressante et très bien construite. Tourneur écrit de nouveau une grande page de l'histoire du cinéma fantastique avec ce film intelligent, parsemé de belles images poétiques.

VAUDOU aura une influence durable et une descendance nombreuse avec en particulier L'ENFER DES ZOMBIES de Lucio Fulci de 1979, tourné en République Dominicaine, liaison entre le cinéma d'aventures gore italien, en plein essor après LE DERNIER MONDE CANNIBALE de 1977, et le triomphe du ZOMBIE de George A. Romero. Ou encore L'EMPRISE DES TÉNÈBRES de Wes Craven, tourné lui aussi dans les Antilles anglophones, retraçant les mésaventures d?un américain à la recherche du secret de la zombification.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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