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Critique du film
RUPTURE 2016

 

Renée Morgan (Noomi Rapace) se fait brutalement kidnapper par une équipe organisée, puis se retrouve attachée à un brancard dans un vieux bâtiment. Complot gouvernemental, mauvaise blague ou enlèvement extra terrestre ? Une chose est sûre : pour s'en sortir, elle devra faire face à sa plus grande peur.

RUPTURE est le nouveau long métrage de Steven Shainberg, dont nous étions restés sans nouvelles depuis FUR, il y a déjà de cela une dizaine d'années. Révélé avant cela par le déjanté LA SECRETAIRE, Steven Shainberg change radicalement de registre pour se consacrer à un thriller aux contours fantastiques. Si le réalisateur semble loin de son univers, il continue néanmoins à malmener l'actrice principale de son film. Avec une habituée des rôles forts et difficiles comme Noomi Rapace, on s'attend forcément à la voir évoluer un survival bien tordu. Pour nous servir cela sur un plateau, Shainberg confie le scénario à Brian Nelson (à qui l'on doit entre autres 30 JOURS DE NUIT), autour duquel l'histoire de Renée Morgan s'articule.

L'héroïne de BABYCALL (Grand Prix du festival de Gérardmer 2012) campe à nouveau le rôle d'une mère vivant seule avec son fils. La première partie du film s'attarde longuement sur sa vie « d‘avant ». Ses relations avec son ex, son fils, et sa volonté à se débrouiller seule à présent. Tout comme la scène du kidnapping et le trajet en camion qui paraissent durer une éternité. Si tout cela sert à installer l'intrigue puis l'ambiance oppressante du film, on réalise que Shainberg aurait pu parvenir en faisant plus court. Il s'avère que Renée Morgan a été choisie puis surveillée par toute une organisation qui préparait son rapt dans un but bien précis. Une fois internée dans le bunker, elle réalise non seulement qu'elle n'est pas la seule captive, mais que ses geôliers genre savants fous (et bizarrement attentionnés) s'apprêtent à faire des expériences. Parmi eux figurent Peter Stormare, abonné aux rôles secondaires illuminés, dans le rôle de Terrence, le scientifique Déjanté. A noter d'ailleurs qu'il s'autoparodia dans la comédie norvégienne HJELP! VI AR IN FILMBRANSJEN, en jouant son propre rôle d'acteur toujours sélectionné pour des rôles de tarés ! On y retrouve également Kerry Bishé (ARGO) qui interprète la mystérieuse Dianne.

L'intrigue vire au huis clos bien huilé. A travers l'héroïne rebelle qui tente par tous les moyens de s'échapper, on découvre l'univers dans lequel elle doit à présent évoluer. A travers une incursion dans les conduits d'aération (hello FOU A TUER de David Schmoeller) elle s'aperçoit que chaque prisonnier est torturé. Devant affronter une phobie, et passer des épreuves avec la liberté à la clé. Avec au passage un petit clin d'?il à ORANGE MECANIQUE. On se demande bien sur quelle pente glissante Steven Shainberg cherche à nous attirer car on pense forcément à une version soft de MARTYRS et ses scènes controversées de torture gratuites. En dépit de quelques similitudes, RUPTURE exploite surtout les thèmes des peurs les plus viscérales que l'on doit affronter et celui de la domination. Ce dernier a d'ailleurs été déjà repris dans les autres longs métrages de Steven Shainberg notamment avec LA SECRETAIRE.

Les effets spéciaux quant à eux restent relativement soft, car on n'assiste pas à de la boucherie humaine gratuite comme dans la chasse à l'homme basique de ROVDYR. L'accent est surtout mis sur la suggestion et l'observation (à travers le regard de Renée Morgan), ce qui contribue à augmenter le sentiment d'horreur, le tout ponctué de scènes phobiques bien placées (arachnophobes s'abstenir !). L'utilisation de décors nus et simples aux couleurs chaudes renforce notamment l'ambiance glauque et bien claustrophobe du bunker labyrinthe. La caméra explore ainsi à travers les yeux de Renée l‘univers cloisonné duquel elle cherche à s'extraire, appuyée par une photo extrêmement bien orchestrée.

Cependant, RUPTURE atteint ses limites car comporte de nombreuses longueurs déjà évoquées en première partie du film, lesquelles se poursuivent lorsque Renée réussit à s'extraire un peu trop facilement de sa cellule par les conduits d'aération. De nombreuses incohérences desservent le rythme du film. Comment une équipe aussi bien dotée de caméras et outils de haute technologie ne surveille pas plus les cellules et les couloirs, par exemple? Les personnages apparaissent quelque peu surjoués. Et même Noomi Rapace qui rampe, se rebelle et subit tout au long du film n'échappe pas à ce constat. Le déroulement du film s'articule quasi-exclusivement autour de son personnage, comme si le réalisateur avait voulu se focaliser principalement sur sa résistance et sa capacité à encaisser. En voulant pointer du doigt ce que le spectateur doit imaginer sans trop montrer de scènes horribles, Shainberg ne rend malheureusement pas RUPTURE crédible.

L'évolution vers le fantastique dans la dernière partie du film apporte une explication logique aux évènements, même si cela a pris des détours et perdu un peu le spectateur en cours de route. Notons la référence à BODY SNATCHERS au passage qui n'est pas pour déplaire (dans le fond plus que dans la forme). La fin quant à elle est intelligemment nuancée oscillant entre espoir et fatalisme, laissant au spectateur le choix de se positionner.

RUPTURE reste néanmoins un bon divertissement malgré ses longueurs et ses raccourcis. L'intrique de départ reste plausible, exploitant le thème du complot moderne selon lequel nous sommes tous surveillés. L'ambiance glauque et la tension y sont bien représentées de manière crescendo au fur et à mesure du film. On regrette quand même l'absence de prises de risques de Steven Shainberg qui aurait pu exploiter à fond le sujet des phobies au lieu de les édulcorer. Efficace, même s'il n'a pas révolutionné le genre.

Rédacteur : Anne Barbier
2025 ans
22 critiques Film & Vidéo
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