Header Critique : INCARNATION (INKARNACIJA)

Critique du film
INCARNATION 2016

INKARNACIJA 

Un jeune homme (Stojan Djordjevic) se réveille sur un banc au milieu d'une place publique. Amnésique, il ne comprend pas pourquoi quatre hommes armés avec un masque blanc s'attaque à lui… et le tue. Il se réveille à nouveau, vivant, pour se faire tuer encore… et encore. Il tente de reconstituer les pièces d'un puzzle, en suivant un mystérieux jeu de piste parsemé de cadavres.

La Serbie ne produit pas spécialement une cohorte de films de genres, mais force est de constater que le peu que l'on voit sort généralement du lot. L'exemple-type reste controversé A SERBIAN FILM. Avec INKARNACIJA, traduit par INCARNATION pour son exploitation internationale, l'écran cinéma se voit offrir une approche fraîche de concepts bien connus. Sorti en décembre 2016 au cinéma avec un certain succès dans son pays d'origine, il arrive sur la marché international via certains Festivals et, à mon sens, aura bon espoir de se voir importé - à juste titre. Attention, le texte qui suit peut comporter quelques spoilers. Vous voilà prévenus.

INCARNATION part d'un principe à la UN JOUR SANS FIN, couplé aux nombreux films de genre s'étant inspirés de ce modèle comme TRIANGLE, saupoudré de MORT A L'ARRIVEE. Dès le premier plan impressionnant tourné en plein Belgrade. Inévitablement, des réminiscences de MEMENTO viendront à l'esprit. Il se meut graduellement sur un terrain de jeu vidéo avec sa caméra tournoyante, aux plans rigoureusement symétriques. Il ne s'agit pas de changer le passé à proprement parler - plus d'une conscience individuelle, aux choix de l'humain face au chaos programmé - ou que l'on pense qu'il soit. Les enjeux se situent ailleurs pour le héros que de se sortir de ce cercle infernal. On reste sur une variation du concept de rapport à la mort. D'autant que le film laisse place à toutes les interprétations possibles. Serions-nous à l'intérieur d'un jeu vidéo? Rêve prémonitoire? Voyage dans l'imaginaire local?

Ce qui étonne : le héros ne possède pas de réaction rationnelle. Il vit un état de cauchemar permanent et semble hypnotisé par ce fait. Il s'agit déjà en cela où le film diffère de mises en scènes plus américaines. Un aspect très gênant demeure une voix off envahissante qui s'évertue à expliquer au spectateur ce qui se passe dans la tête du héros. très dommage, car il aurait mieux valu laisser parler les images, déjà très expressives . Si les scènes de fusillades poursuites, bastions rappellent la série B ricaine musclée, Le propos se veut nettement plus ambitieux, autre terrain que de la linéarité habituelle du cinéma US. Une identité propre, une conscience, à y voir un commentaire sociologique, une parabole politique?

Un chose sûre : Kovacevic aime beaucoup la caméra mouvante. Reprenant les travellings circulaires rappelant le travail de Brian de Palma ou Dario Argento, il a quand même du mal à s'arrêter un peu. Trop de mouvement tue le mouvement, même si, on l'aura compris, il s'agit de dynamiser le récit et l'image. la mise en scène d'un film ne se repose pas uniquement sur une image en déplacement. Maintenant, il demeure indéniable qu'INCARNATION possède une énergie débordante. les scènes de fusillades/poursuites à pied regorgent d'inventivité et de fluidité dans les plans élaborés pour la circonstance. Violent, direct, complexe, intrigant - une influence de l'urgence à la Paul Greengrass, sans le montage épileptique. Des travellings arrière impressionnants, avec quelques plans séquences qui forcent le respect. On pourra gloser sur quelques effets digitaux peu utiles qui ne sont pas vraiment réussis. Des effets d'orage pas très heureux… mais qu'importe, l'énergie et l'ambition de raconter autre chose qu'une simple illustration d'un schéma narratif connu fait largement la différence. Surtout à la hauteur du budget annoncé à 350 000$, le résultat est époustouflant. Le choix de la photographie pourra paraitre curieuse : des tons gris, pauvres en couleurs, pas réellement aidé par le look très métallique du tournage en digital. Mais le travail s'avère net, précis dans les éclairages. Le rendu parmi les scènes se déroulant dans les tunnels souterrains fonctionne pleinement.

Malgré les insuffisances du récit, quelques incohérences et la compensation par le mouvement d'une caméra qui semble avoir horreur du vide, INCARNATION agrippe l'attention pour rarement la lâcher. Un bémol sera mis au final du film, un risque lorsqu'une narration élabore autant de niveaux de lecture et de rebondissements. Mais il s'agit plus de la métaphore qui prend son importance que de son illustration par l'image. Il s'agit vraiment de scènes d'action accélérées qui focalisent l'attention, avec l'ajout intelligent de personnages secondaires (le mystérieux médecin injectant le sérum, entre autres), tout comme la caméra visant à capter le moindre détail révélateur, renaissance après renaissance. Sous couvert d'un film d'action/anticipation, un vrai film sur la recherche d'identité. Malgré un look se démarquant à peine des productions d'actions B actuelles et une certaine naïveté, INCARNATION affiche clairement ses aspirations et sa différence. A découvrir, indubitablement.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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