Suite à un appel de détresse, Haig et Pagnolini, deux gardes côtes (Doug McClure et Michael Conrad), se rendent sur les lieux où se trouve un bateau à la dérive. Plusieurs morts violentes et une seule survivante : Eva (Kim Novak). Le lieu : Le Triangle du Diable, où se seraient perdus plusieurs vaisseaux, avions et personnes. Coincés sur le bateau par des vents violents, Eva raconte au lieutenant Haig son étrange aventure.
Il fut un temps béni au début des années 70 où la télévision américaine choisit de damer le pion au cinéma, en tentant de proposer leurs propres production cinématographique. La première à se lancer fut la chaîne NBC en 1964 avec SEE HOW THEY RUN de David Lowell Rich, un thriller avec John Forsythe où des assassins poursuivent des enfants. Cela donna le ton. Mais L'essor prit avec la chaîne ABC dès le 23 septembre 1969 avec son concept de «Movie of the Week» : environ 71 à 74 minutes de film, une interruption environ toutes les 20 minutes pour laisser la page de publicité (donc fondu au noir obligé aux moments très «cliffhanger») pour arriver à la durée réglementaire de 90mn. Des productions maisons, avec des stars au générique… ici Kim Novak en perte de vitesse cinéma à Hollywood suite à l'énorme flop du DEMON DES FEMMES mais toujours un nom porteur. Ou encore Doug McClure tout droit sorti du VIRGINIEN. Des oeuvres enfin qui auront tôt fait de surfer sur les modes ambiantes (film catastrophe, bondieuseries, satanisme…), et de se lâcher quelque peu sur l'audace des sujets.
Et pour notre plus grand bonheur, une pléthore de films fantastiques! Ce qui donnera de vrais classiques excessivement réussis comme LES CREATURES DE L'OMBRE avec Kim Davis (qui aura terrorisé beaucoup plus de spectateurs que tous les téléfilms réunis!), SATAN SCHOOL'S FOR GIRLS de David Lowell Rich, THE HORROR AT 37000 FEET du même Lowell Rich ou encore GARGOYLES de Bill Norton avec de splendides maquillages de Stan Winston.
SATAN'S TRIANGLE (LE TRIANGLE DU DIABLE en VF) appartient à cette catégorie « haut du panier » des téléfilms US. Pour être tout à fait honnête, l'ayant vu à l‘époque et revu de nombreuses fois par la suite, je ne garde pas vraiment de sentiment de grand frisson. Et la génération X voire les Millenials seront bien en mal d'y avoir peur. Tout reste, bien évidemment, une question de contexte d'origine, ce que l'un des suppléments présents sur l'édition française pointera.
Par contre, il demeure indéniable que le travail de Sutton Roley à la réalisation lui donne un incroyable lustre cinématographique. Ce vétéran de la TV américaine aura peu fréquenté tapé le cinéma. Le moyen THE LONERS avec son métis indien en fuite de la police, mais c'est surtout l'excellent CHOSEN SURVIVORS (en DVD Z1 chez MGM et courant 2017 en Blu Ray chez Kino Lorber, courez-y!) qui retient l'attention. Car il s'agit d'un très bon compagnon au TRIANGLE DU DIABLE en matière de travail narratif et de style d'utilisation de la caméra. Un même sens du huis clos et de la montée en puissance, de plans incongrus traduisant la peur et l'incompréhension. Un style aisément reconnaissable.
Même si le budget du film reste à l'évidence bien plus important que la majeure partie des téléfilms de l'époque, Roley opte pour un style bien particulier. Un sens évident du bizarre, avec ses angles de prise de vue tarabiscotés, des plongées/contre-plongées vertigineuses, d'audacieuses compositions de plans, de jeux d'ombres et de lumières. Cela donne au long métrage un cachet inhabituel. Qui excusera presque un scénario chaotique, allongeant quelque peu inutilement la sauce et construit en pénibles flash-backs. Ceci n'aide pas à la fluidité de l'ensemble. Il y a bien un retournement final qui en a marqué plus d'un, malgré tout un peu éventé puisqu'empruntant à SATAN SCHOOL'S FOR GIRLS, entre autres.
Le scénario égrène quelques moments bien sentis et que Roley transcrit superbement à l'écran. Du corps de Jim Davis en lévitation, le corps du prêtre suspendu dans le vide… mais également un érotisme discret mais bien présent. Kim Novak bien hardie pour l'époque à la télévision de l'époque! Une toujours énigmatique Kim Novak, contrebalançant un Doug McClure tour à tour hâbleur, séducteur, héros d'action. Le reste du casting opère une très bonne générale d'interprétation, ce qui ne s'avérait pas toujours le cas dans ce type de productions.
Une jolie plongée dans le paranormal, l'incompréhensible et la paranoïa qui vire hélas à un nième combat entre le bien et le mal. Dommage. Mais filmé de manière efficace et toujours aussi futé, plus de 40 ans après sa diffusion.
Le DVD arrive pour la première fois en France sous la bannière de Showshank Productions. Un DVD double couche zone 2, au format original 1.33:1 et d'une durée complète de 71mn09. Si l'on passe une jaquette discutable, la galette se présente dans un digipack agréablement sobre. Un très joli menu animé, très pro, qui donne accès au film, versions, 8 chapitres et la partie suppléments.
Video : une excellente surprise. La copie présentée ici apparait resplendissante! Si l'on omet quelques fourmillements et instabilité d'image au début du film, très peu à reprocher. Excellence des détails (les gros plans de chevelure de Kim Novak sont saisissants), propreté de l'ensemble, contrastes réussis. Peu de traces de compression… franchement, un vrai plaisir pour les yeux.
Audio : la VF et la VO d'origine avec sous-titres français optionnels. Tous deux présentés en Dolby Digital mono encodé sur deux canaux. Mais rien à dire : peu de souffle dans les deux cas. La VF apparait enregistrée beaucoup plus haut, apportant une importance sonore certaine et un bien meilleur rendu dans les détails. La VO semble plus étouffée, y compris dans les bruitages - entendre par exemple les bruits des couverts lors de la conversation entre Jim Davis, Alejandro Rey et Kim Novak vers la 34e mn. Les aigus sont largement plus perceptibles, précis dans la VF. A noter entre outre que la voix off du début disparait dans la VF.
Suppléments : un bel effort à noter dans ce département. Tout d'abord le sémillant Jérôme Wybon qui après ses fameux bonus pour diverses éditions DVD/Blu ray et ses livres, se livre à l'exercice devant la caméra. Il revient sur les participants au film, une courte histoire des titres de films ayant attrait au Triangle des Bermudes et retrace la trajectoire du film à la télévision française. Simple et direct, mais dommage que ne soient pas nommés le réalisateur et autres techniciens ayant élaboré ce sympathique segment. Le spectateur pourra retrouver en sus un comparatif entre le master TV d'origine et le travail après restauration (une évidence même pour les yeux les plus embués, quand même) ainsi que le générique français.
En tous cas, cette édition possède le mérite du soin apporté à un film quelque peu passé sous silence. Un DVD recommandé!
