Nicola (Leonardo Treviglio) est policier qui se dispute violemment avec sa femme Sara (Barbara Scoppa), retrouvée assassinée peu de temps après. Le commissaire Terzi (Paolo Malco) suspecte son collègue, tandis que la criminologue/profileuse Anna Berardi (Valeria d'Obici) est persuadée que Nicola est innocent. Elle reconnait le modus operandi de Franco Tribbo (Peter Pitsch), un psychopathe surnommé « le tueur de minuit » supposé être mort dans un incendie quelques années auparavant. Et qui a été le sujet de sa thèse.
Au milieu des années 80, le cinéma de genre italien s'est gravement essoufflé. Le manque de débouchés cinéma, l'arrivée du marché video et la télévision Berlusconienne ont tué toute créativité, toute velléité de transgression. Deux options se sont offertes aux cinéastes : se tourner vers la télévision ou se sacrifier sur l‘autel des bas couts. Hormis quelques rares exceptions, il y a une écurie qui résista tant bien que mal pendant cette décade : celle de Dario Argento. Ayant sous son aile des auteurs comme Lamberto Bava, Michele Soavi, Franco Ferrini… seuls rares artistes qui ont pu travailler à des sorties cinéma. Avec d'énormes succès comme DEMONS et sa suite, entre autres exemples. Ce qui n'empêcha Pas Lamberto Bava de dévier progressivement vers l'univers télévisuel, où il devint le réalisateur le plus fortuné de sa génération via des succès comme LA CAVERNE DE LA ROSE D'OR ou encore sa série BRIVIDO GIALLO.
Dans le cas présent, Lamberto Bava signe le film sous le pseudo de John Old, Jr - en référence directe au pseudonyme que son père adopta pour certains de ses long-métrages au début des années 60. Bava Jr demeure ici le co-scénariste, monteur, producteur et réalisateur, ce qui représente une première dans sa carrière. Le film est acheté par les Films Jacques Leitienne, firme au succès fracassant dans les années 70, mais qui poussât son chant du cygne lorsque le film sortit en France fin 1987. Il ne sortit d'ailleurs que sur très peu de copies, dont au mythique cinéma Le Brady. Entre des mauvaises critiques et un distribution maigrelette, le film disparut quelque peu. Si l'on omet une carrière VHS profitable, avec une affiche attirante, mais quelque peu mensongère. Qui se retrouve d'ailleurs sur la jaquette du DVD italien de chez Cecchi Gori HomeVideo.
Bava en profite pour faire appel à ses collaborateurs réguliers. On retrouve ainsi Davide Bassan aux décors et Gianlorenzo Battaglia à la photographie. Battaglia est un compagnon de route de longue date, puisqu'ayant démarré avec le réalisateur sur les tournages de Mario Bava. Il s'occupa ainsi de la photo sur LA MAISON DE LA TERREUR, BLASTFIGHTER, DEMONS et DEMONS 2, ou encore DELIRUM. Côté acteurs, on peut retrouver Lea Martino, qui revint dans UNA NOTTE AL CIMITERO, Peter Pitsch et Marcello Modugno de DEMONS ou encore Elianna Hoppe (devenue depuis Eliana Miglio), qui apparut dans DEMONS et DEMONS 2. D'ailleurs, lorsque Lamberto Bava nous a accordé une interview (visible sur le site), il nous indiqua la pauvre actrice fut victime d'un accident d'effet spécial sur le tournage. La lame qui l'agresse dans le dos finit par lui transpercer la peau. L'acteur Peter Pitsch a usé de trop de force (suite à une requête du réalisateur!) pour lui planter le couteau, ce qui eut pour effet de la transporter de suite aux urgences!
Dardano Sacchetti offre un scénario qui tente à la fois d'illustrer une mécanique bien connue du thriller à l'italienne, de renouveler la thématique du tueur, tout en restant dans les limites de ce que le visuel permettait en 1986. Ainsi l'identité du tueur est-elle révélée aux yeux du spectateur dès le premier tiers. Mais cela n'empêche pas la narration de flirter quelque peu avec le fantastique, puisque malgré le fait de voir le visage du tueur, celui-ci est logiquement mort. Sacchetti respecte le côté tortueux des intrigues des Gialli. il n'oublie pas en cours de route des situations totalement absurdes. Comme ce combat désespéré de Monica (Eliana Hoppe), attaquée par le maniaque armé d'un couteau. Et choisissant de se défendre avec un batteur électrique… qui finira par lui être enfilé entre le jambes! Le problème venant non pas de la situation décrite, de l'humour post-mortem (le batteur a servi à effectuer un jus de fruits rouges répandu partout) mais de la manière dont le style des années 80 allait mettre en oeuvre tout cela. Les exagérations visuelles des années 70, parfois expérimentales comme chez Martino ou Argento, excusaient quelque peu les absurdités scénaristiques. Ici, le spectateur semble moins enclin à pardonner certains effets grotesques. C'est certainement en partie à cause de cela que Bava Jr a subi nombre d'attaques assez virulentes de la part, entre autres, de critiques de films de genre.
MORIRAI A MEZZANOTTE est un cas schizophrène typique de ces années 80 en pleine transformation. Co-produit par ReteItalia, la firme naissante de la TV italienne, le produit semble d'abord destiné à la diffusion télévisuelle. Petit budget, tourné très rapidement - au grand regret de son auteur- il fut à la fois conçu pour le marché international car tourné en anglais - et doublé pour sa diffusion en Italie. Comme l'indiqua Lamberto Bava, et à l'instar des films de la série BRIVIDO GIALLO, il exista deux versions. Une plus violente pour le cinéma et l'autre « allégée » pour la télévision. Le DVD sorti en Italie (et en Allemagne) présente la version cinéma, bénéficiant de deux meurtres assez graphiques, dont le premier sous la douche avec un pic à glace.
Pour la mise en scène, Bava opte à la fois pour le référentiel, le baroque et l'humour noir. On remarque quelques scènes se référant à 4 MOUCHES DE VELOURS GRIS, pour le théâtre abandonné, entre autres. Une ambiance toute Hitchcockienne par instants, voire de son copieur en chef Brian de Palma - on songe à PULSIONS ou BODY DOUBLE. Avec des traits amusants : le Commissaire Terzi (Paolo Malco - L'EVENTREUR DE NEW YORK) qui cherche inlassablement sa pipe dans un déménagement d'une police totalement dépassée. La référence implicite à Simenon et Maigret se charge bizarrement avec un morceau de chair humaine retrouvée à l'intérieur de l'instrument. Bava tente également de diversifier les décors : d'un muséum d'histoire naturelle avec sa caméra qui lèche des bocaux emplis de petits cadavres au formol, via un laboratoire d'analyses jusqu'à une plage déserte en plein hiver. Pas forcément des décors habituels de Giallo. L'élément le plus représentatif demeure cette scène de chasse à la femme aux éléments presque mélancoliques : Lara Wendel poursuivie sur la plage. Un visuel qui confère une atmosphère triste, au bleu profond de l'environnement des cabines, qui tranche avec l'accoutrement ténébreux de Tribbo. Bava excelle surtout lorsqu'il revient au noyau dur du Giallo : la mise en place des scènes de suspense, la traque de la victime et le coup fatal du tueur. Il y ajoute ici des éléments inattendus dans le genre pour leur scénographie. Le Giallo aura néanmoins perdu quelque peu de sa superbe en matière de représentation graphique avec les années 80. Exit l'érotisme gratuit des années 70. On en trouve aucune trace ici, hormis le premier meurtre assez sauvage sous la douche. Bava s'adonne à un montage parfois brutal, notamment sur la pénétration du pic à glace dans le bas ventre de la pauvre suppliciée! La violence, bien que présente et offrant un écho à LA MAISON DE LA TERREUR, y apparait moins cinétique et sublimante. Du côté des décors, Bassan fonce sur l'urbain chic (l'appartement de Nicola) en opposition aux endroits clos aux styles précis mais comme mis de côté par le temps (le musée, l'hôtel ou le théâtre). Malgré ces éléments, la ripolinisation des années 80 et leur relecture plus télévisuelle ont néanmoins fait perdre au genre de son côté charnel.
Bava alterne les plongées/contreplongées vertigineuses afin de dynamiser l'image. Le choix de la province d'Ascoli Piceno demeure en ce sens assez curieux. Cette petite province de l'est de l'Italie qui donne sur l'Adriatique n'a que très peu bénéficié de mise en images. D'autant que le réalisateur effectue un choix de tourner en plein hiver. Ceci afin de privilégier une atmosphère fantomatique de station balnéaire abandonnée. Les plages nimbées de brouillard, des ruelles vides et un Hotel inhabité, désolé. Là aussi, l'Hotel Progresso situé à San Benedetto del Tronto, fermé durant la saison hivernale, offre un lieu de choix. Une architecture en style Liberty (l'Art Nouveau italien) avec une décoration intérieure qui a gardé intact ce style spécifique de la fin des années 20. Idem pour le choix du théâtre eviscéré, Bava opte pour des plans large au style baroque bienvenu, jouant avec les nombreuses sources de lumière. Enfin, le réalisateur appuie sur les jeux avec les miroirs et les apparences, au diapason du sujet du film.
A défaut de réussite du genre, Lamberto Bava offre avec MIDNIGHT HORROR un Giallo convenu en terme de structure. Des ingrédients classiques, une iconographie du genre respectée et au final assez moyen si l'on se réfère aux grandes heures du genre. Mais une certaine épure, un flair visuel qui offre quelques fulgurances. Le choix de lieux inhabituels avec une intrigue à la révélation finale quelque peu tordue offrent une digression agréable, et avec le peu de concurrence existant, l'un des meilleurs Gialli des années 80 - en sachant que des oeuvres comme TENEBRE ou TERREUR A L'OPERA se situent loin devant. Une série B de tenue tout à fait correcte, ne méritant en aucun cas le mépris dans lequel elle est tenue.
Le DVD zone 2 (double couche) de chez Cecchi Gori Home Video, intégré à la collection CineKult, arrive au format 1.85:1, avec signal 16/9e, d'une durée complète de 85mn01 - générique de la Medusa Distribuzione compris. Doté d'un menu animé d'assez jolie facture, avec accès à 12 chapitres et la présence de sous-titres italiens optionnels.
Le télécinéma réalisé pour cette édition s'avère satisfaisant. Les gros plans en intérieur donnent même un jolie définition, des contours nets, et un rendu naturel des couleurs. On note une clarté des plans clairement inattendue pour une si petite édition. Très peu de griffures et autres poussières (visibles surtout lors du début du générique et pendant le logo Medusa). Les plans extérieurs, comme sur la plage avec Lara Wendel, optent pour un flou artistique qui transparait plutôt bien à l'écran. Notamment sur les variations de couleurs bleues et les effets de brouillard. Au final, une heureuse surprise!
Au niveau audio, il faudra se contenter de la version italienne. Le film a été tourné en anglais, puis doublé pour l'occasion. Malgré quelques griffures sonores ça et là, la piste audio encodée sur deux canaux mono se révèle une très bonne affaire. Notamment sur la partie musicale, avec la très bonne partition de Claudio Simonetti. Collaborateur habituel de Dario Argento, il compose ici une bande originale aux accents électroniques bien enracinés dans les années 80, mais curieusement l'un de ses tous meilleurs travaux. Plusieurs thèmes bien rythmés et qui transparaissent au mieux ici. Ponctuant de manière efficace les scènes d'action et de poursuite. A noter que la musique a été éditée en Italie chez Beat Records - en compagnie de celle de CONQUEST et d'AENIGMA, celle-ci par Carlo Maria Cordio. La musique est parfaitement mise en avant, sans pour autant diminuer l'importance des dialogues clairs et de l'atmosphère sonore. Les bruitages (la télévision en fond sonore vers la 8e minute, p.ex) sont eux aussi bien en évidence.
Il n'y a malheureusement aucun bonus. Grandement dommage, car il existe un DVD allemand nommé MIDNIGHT RIPPER, sorti chez X-Rated, avec une interview de 32 minutes du réalisateur (en italien avec sous-titres allemands) et deux films annonces. Rien de tout cela ici, le petit prix d'acquisition expliquant cela.