Header Critique : DOCTEUR X (DOCTOR X)

Critique du film
DOCTEUR X 1932

DOCTOR X 

Un maniaque sévit dans une ville où il tue des femmes les nuit de pleine lune. La police découvre qu'il emploie un scalpel disponible seulement à l'académie de médecine du docteur Xavier. Celui-ci mène son enquête pour déterminer lequel des scientifiques travaillant dans son établissement est l'assassin...

DOCTEUR X est la réponse de la compagnie Warner Bros au succès fracassant d'Universal avec ses films d'horreur parlants DRACULA et FRANKENSTEIN. Warner charge le réalisateur d'origine hongroise Michael Curtiz (qui a déjà flirté avec le fantastique pour leur compte avec LE GENIE FOU de 1931, interprété par John Barrymore) de tourner un film d'horreur pour leur filiale First National. Afin d'attirer le public, le film est tourné intégralement en Technicolor bichrome. Si les résultats ne sont pas encore aussi excellents que le futur Technicolor trichrome (employé pour la première fois dans BECKY SHARP de Mamoulian en 1935), DOCTEUR X est néanmoins le premier film d'horreur intégralement tourné en Technicolor.

En vedette, il propose Lionel Atwill : il appartient à la génération d'acteurs venus du théâtre qui émerge au cinéma avec l'arrivée du parlant à la fin des années 1920. Ainsi il vient d'être la vedette du film policier THE SILENT WITNESS de Marcel Vanel et R.L. Hough. A ses côtés, on trouve Fay Wray qui va, au début des années 1930, apparaître dans des titres cruciaux du cinéma fantastique américain : LA CHASSE DU COMTE ZAROFF, KING KONG et MASQUES DE CIRE notamment.

DOCTEUR X fonctionne au premier abord comme un récit policier classique. Dans une grande ville américaine, un tueur mystérieux étrangle des femmes les nuits de pleine lune, puis les mutile et leur dévore un doigt. La police mène l'enquête et déduit, grâce à l'identification d'une arme utilisée (un scalpel très particulier) que l'assassin ne peut qu'être un membre de l'académie de médecine dirigée par le docteur Xavier. Or, plusieurs de ses collaborateurs semblent avoir de bons motifs pour commettre de tels meurtres. Parallèlement, un journaliste tente de réunir des informations sur cette affaire... Bref, on a une série de meurtres, des suspects et des enquêteurs, dans la pure tradition du roman policier. Cela n'a rien de surprenant si on veut bien se rappeler qu'en matière de fantastique, parmi les films ayant marqué la transition entre les classiques allemands du muet et l'âge d'or hollywoodien du parlant, on trouve des œuvres tournées par Paul Leni à Hollywood, comme LA VOLONTE DE MORT ou LE DERNIER AVERTISSEMENT, lesquelles mêlent ambiance horrifique et affaires criminelles.

DOCTEUR X s'appuie sur un thème qui va devenir cher au fantastique : celui du savant fou. Certes, FRANKENSTEIN propose l'année précédente un spécimen déjà exalté, descendant en ligne droite de l'inquiétant Docteur Caligari du cinéma allemand. Mais DOCTEUR X nous présente à travers cinq portraits de chercheur une étonnante brochette de cinoques. Leurs études portent sur des sujets peu pragmatiques (les effets des rayons de la lune sur le comportement, le mystère de la vie, le cannibalisme...), faisant de chacun d'eux un suspect potentiel. Qui plus est, ils sont affectés de difformités physiques (borgne, balafré, manchot, paraplégique...) ainsi que de comportements curieux qui ne favorisent pas leur épanouissement social. Le docteur Xavier lui-même est tout à fait susceptible d'être l'assassin. Néanmoins, il est aussi l'inventeur d'une machine capable de mesurer le degré d'émotion d'un sujet humain, et, ainsi, de démasquer le tueur si on le confronte à une reconstitution du crime. Mais... et si le tueur n'était autre que l'inquiétant valet du docteur Xavier, personnage laid et cruel, très porté sur les calembours macabres ?

Au-delà du développement du thème du savant fou, DOCTEUR X est surtout une grande réussite plastique. Les superbes décors des laboratoires réalisés par Anton Grot rivalisent d'excentricité dans leurs constructions vertigineuses de tubes, de lampes, d'éprouvettes fumantes et d'alambics tarabiscotés. Ils sont mis en valeur par de superbes éclairages colorées qui traités sur un mode très expressionnistes, annoncent avec beaucoup d'avance l'usage fantastique de la couleur par le chef-opérateur Jack Asher au sein de la Hammer ou par le réalisateur Mario Bava. Certaines séquences de DOCTEUR X peuvent se prévaloir d'une force plastique extrêmement impressionnante, tels les reconstitutions des meurtres, le tueur préparant son masque horrible...

Comme toujours chez Curtiz, le rythme est entraînant. Il se passe toujours quelque chose à l'écran et même les plus banales scènes de dialogue bénéficient grâce à la vivacité et à la variété de son découpage, d'une énergie rafraîchissante. Toutefois, cela ne masque pas l'inégalité de certaines séquences, notamment tout ce qui tourne autour de Lee Taylor, journaliste bavard et plein de culot, dont la seule utilité semble être d'apporter une touche d'humour certes sympathique, mais parfois envahissante.

DOCTEUR X est néanmoins un film horrifico-policier réussi, avec de très spectaculaires scènes d'épouvante en couleurs. Fay Wray et Lionel Atwill tournent ensuite dans THE VAMPIRE BAT et se retrouvent à nouveau l'année suivante dans MASQUES DE CIRE, encore réalisé par Michael Curtiz pour la Warner Bros, encore en Technicolor bichrome. En 1939, Warner produit LE RETOUR DU DOCTEUR X avec Humphrey Bogart dans le rôle du docteur Xavier, film n'ayant en fait que peu de liens avec celui qui nous préoccupe ici.

DOCTEUR X participera à l'émergence d'une génération profuse de savants plus ou moins fous et dangereux qui hanteront les écrans américains au cours des années 1930-1940. On ne citera que quelques titres connus pour mémoire : L'ILE DU DOCTEUR MOREAU avec Charles Laughton, LE MORT QUI MARCHE, DR CYCLOPS ou VENDREDI 13 avec Boris Karloff...

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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