Alors que sa femme vient de le quitter, David est emmené prestement à l'hôtel. Devenu célibataire, il lui est donné 45 jours pour trouver un ou une nouvelle partenaire sans quoi il sera transformé littéralement en animal. Entre cours sur la nécessité d'être en couple et activités à même de favoriser les rencontres, les pensionnaires de l'hôtel comptent les jours…
Avec son cinquième long-métrage, Yorgos Lanthimos et son scénariste s'amuse à démonter les conventions et dictats de nos sociétés en ce qui concerne l'amour et les liens «matrimoniaux». La formation d'un couple serait donc le jalon incontournable de l'existence. Dans le monde décrit par THE LOBSTER, il faut à tout prix trouver sa moitié sous peine d'être transformé en animal. S'organise alors une sorte de foire aux célibataires en vase clos où les participants se présentent selon divers critères d'une grande futilité. Chacun se pare d'une étiquette sensée l'identifier et le rapprocher de la personne avec qui il formera le couple idéal. Evidemment, ce n'est pas sans rappeler les agences matrimoniales ou encore les sites de rencontres qui présentent des profils formatés, tentant de réduire l'être humain à de simples caractéristiques techniques.
Cette quête du couple, le film de Yorgos Lanthimos la traite avec une belle ironie mais THE LOBSTER se plante assez vite par un traitement qui tente d'opposer deux visions trop radicales : «Etre en couple» ou «Etre seul». Se faisant, le cinéaste ne nous place pas dans la peau d'un candide mais dans celui de ma grand-mère qui présuppose qu'il faut absolument se mettre en couple, peu importe si l'amour n'est pas présent au départ, alors que rester seul est une hérésie voire même une alternative maléfique. Dans THE LOBSTER, ne pas se plier aux conventions de la société, c'est inévitablement d'en refuser complètement les règles. Il n'y a pas de juste milieu, un peu comme de refuser une dictature pour s'en imposer une autre tout aussi astreignante. Du coup, THE LOBSTER est une satire dont le discours devient pour le moins nébuleux jusqu'à son dénouement abrupt. A l'évidence, Yorgos Lanthimos a l'ambition de nous faire réfléchir sur la force de l'Amour avec un grand «A» qui ne se résume pas à une question de formes, de couleurs, de mensurations, de paramètres et surtout de conventions sociales. Le souci, c'est que THE LOBSTER mélange maladroitement un peu tout ce qui est lié de près ou de loin à son sujet principal. Et comme le cinéaste n'a manifestement pas l'intention de se plier à l'horreur des clichés du cinéma commercial, il assassine ce qui aurait pu devenir une «comédie romantique» pour donner à THE LOBSTER des accents d'œuvre fréquentable. Il en résulte un film bêtement tordu qui gâche un univers croustillant, l'ironie de son propos ainsi que ses bonnes idées. Un peu rageant puisque THE LOBSTER s'égare donc complètement après une première partie franchement réussie. Quoi qu'il en soit, cela semble fonctionner puisque Yorgos Lanthimos s'impose comme l'un des nouveaux pensionnaires du Festival de Cannes. Après s'être déjà fait une petite réputation en raflant pas mal de récompenses à travers le monde avec ses précédents films (CANINE, ALPS…), le cinéaste grec réitère avec THE LOBSTER qui a obtenu le Prix du Jury au Festival de Cannes en 2015. Cela peut sembler un peu curieux puisque THE LOBSTER est une œuvre confuse et qui laisse un peu sur sa faim ! Si le film de Yorgos Lanthimos n'est pas dénué de charme, peut même se laisser regarder sans déplaisir durant sa majeure partie, il est pour le moins imparfait et mal mené !
THE LOBSTER est le premier long-métrage réalisé par le cinéaste grec en langue anglaise, avec quelques passages en français. Cela permet à Yorgos Lanthimos de rassembler une distribution internationale assez surprenante. Mais force est de constater que si les comédiens paient de leur personne en se rendant physiquement peu avenant, l'interprétation n'est pas franchement transcendante. Colin Farrell a pris du poids pour le film mais garde l'œil triste avec les mêmes nuances qu'on lui connaît. D'une manière générale, les comédiens manquent d'intensité, se fondant finalement dans l'univers surréaliste et désincarné de THE LOBSTER.