Justine, jeune étudiante américaine, rencontre sur le campus de son université deux activistes, Alejandro et Jonah. Ils vont l'entrainer avec d'autres étudiants dans une expédition au fin fond de la jungle péruvienne, afin de freiner un chantier de déforestation qui menace l'équilibre écologique et les tribus autochtones. Expulsés manu militari du chantier par une milice privée puis par la police, non sans qu'ils aient pu au préalable filmer et diffuser leur action sur les réseaux sociaux, leur aventure tourne au cauchemar lorsque, après que leur avion se soit crashé dans la jungle, ils sont capturés par une tribu de chasseurs de têtes particulièrement véhéments qui vont leur faire vivre un véritable voyage au bout de l'enfer.
Si l'on fait abstraction du très mauvais WELCOME TO THE JUNGLE de Jonathan Hensleigh, les films de cannibales, dans la veine des œuvres italiennes initiée durant les années 70, est un sous-genre absent des écrans depuis plusieurs décennies. Plus qu'un hommage à ces films du passé, avec son pitch «alibi», le réalisateur Eli Roth signe un petit film «d'aventure cannibale» sans prétention, se montrant au final plutôt avare en terme de mises à mort et d'effets gore. Autant le dire tout de suite, le film n'est pas un chef d'œuvre de mise en scène et ne transpire pas le génie. Dans un sous-genre très codifié, il reste même très en-deça du mètre-étalon que peut être CANNIBAL HOLOCAUST. La faute à plusieurs facteurs...
Tout d'abord, le scénario tient sur un ticket de métro ! Au-delà du sempiternel message écologique («sauvons la jungle et la nature contre les grosses sociétés industrielles»), Eli Roth et Guillermo Amoedo ont beau injecter à leur histoire une pseudo sous-intrigue autour d'une conspiration tendant à dire que l'activisme n'est qu'une vaste supercherie visant à exploiter la naîveté de certaines personnes au profit d'autres intérêts beaucoup plus mercantiles ! Mais, malgré cet effort un peu vain, l'intrigue reste d'une banalité affligeante. Toutes les péripéties autour des scènes de meurtres sont expédiées en deux coups de cuillère à pot, que ce soit l'introduction, l'évasion ou même le final !
Ensuite, la galerie de personnages est un amalgame de stéréotypes. Ainsi, l'héroïne idéaliste, interprétée par Lorenza Izzo, est pure, dans tous les sens du terme ! Fille d'un haut fonctionnaire de l'ONU (Richard Burgi échappé d'HOSTEL 2), elle se laisse entraîner dans l'aventure par conviction. Evidemment, sa co-locatrice est une pimbêche à la coiffure peroxydée, Sky Ferreira dans un rôle parfaitement inutile ! Le leader des activistes est manipulateur et cynique à souhait (Ariel Levy). A cela, on peut encore ajouter la méchante petite amie du meneur, le «gentil gros» un peu amoureux de l'héroïne, le gars insupportable qui tire sur une tarentule avec un pistolet pendant qu'il urine dans la jungle (joué par Daryl Sabada, échappé de la série des SPY KIDS) mais aussi quelques jeunes femmes dont l'introduction se résume à quelques plans sur leur visage histoire qu'on ne les oublie pas ensuite. Du côté des indigènes, nous avons la sorcière chef du village, le gros baraqué qui fait office de bourreau et le jeune adolescent qui se prend d'amitié pour l'héroïne et communique avec elle via la musique.
Pour terminer, le déroulement de l'histoire est assez mal dosé. Le film débute par 45 minutes se traînant en longueurs avec des préchi-préchas peu utiles et un descriptif détaillé du voyage de nos héros (avion à réaction, puis tuk-tuk, puis avion à hélice, puis bateau...). Cela s'avère donc assez étrange lorsque deux scènes clé du film sont expédiées en cinq minutes chrono chacune : la confrontation avec la milice sur le chantier (qui est censée quand même être l'objectif du projet) et l'évasion de l'héroïne. Au milieu, un crash d'avion qui permet d'éliminer une bonne partie du casting et donc environ 35 minutes de captivité et de supplice chez les cannibales, avec une ou deux tentatives d'évasion ratées.
Clairement, nous sommes très éloigné du CANNIBAL HOLOCAUST de Ruggero Deodato, qui nous plongeait dans l'action au bout de quelques minutes, avec des personnages sales, mal rasés, qui sentaient la sueur, le cynisme, l'appât du gain, sans véritables différences entre eux. CANNIBAL HOLOCAUST, c'était deux histoires mélangées avec une homogénéité d'ensemble et un gore omniprésent, le tout accompagné d'une musique inoubliable. Linéaire, THE GREEN INFERNO se contente d'une seule histoire découpée en sous-parties parfaitement identifiables, avec une musique qui ne marque absolument pas les esprits, le gore étant exclusivement rattaché à une partie du film. Les moments chocs se font dès lors plutôt attendre jusqu'au festin gore auquel nous sommes venus assister. Et là encore, c'est la déception alors qu'il s'agit normalement du point d'orgue de ce type de films d'exploitation. A l'exception de l'un des personnages, qui se fait littéralement démembrer, membre par membre, après avoir eu les yeux et la langue arrachés et avant d'être mis à cuir au four, le film ne contient quasiment aucune «scène-choc». Ainsi, le «dépeçage» de l'une des victimes au nombreux tatouages se déroule hors caméra et n'est que suggéré au travers d'une scène particulièrement sadique. Une scène clin d'œil au JOUR DES MORTS-VIVANTS est même plutôt avare en tripes et boyaux (contrairement au film de Romero) alors qu'un passage avec des fourmis, propice aux frissons, est carrément ratée ! Quant au fameux crash d'avion, s'il se révèle spectaculaire, il ne fait pas étalage des victimes, à l'exception d'un pilote empalé par une branche d'arbre ou un passager scalpé par une hélice. A part ça, quelques têtes coupées qui se baladent par-ci par-là, quelques jambes qui cuisent, un test de virginité bien crapoteux mais peu visuel. Sinon, rien, nada ! Les cinéphiles de l'extrême en seront pour leurs frais !
Mais, pire, les deux personnages les plus antipathiques du film, dont on s'attend légitimement à ce qu'ils paient chèrement leurs actes sont «épargnés» : si l'un d'eux meurt d'une flèche dans la gorge, on retrouve le second toujours vivant à la fin du film, avec un plan final incompréhensible (à voir pendant le générique de fin) qui laisse entrevoir la possibilité d'une suite. Ce prolongement qui devait d'ailleurs être mise en chantier sous le titre BEYOND THE GREEN INFERNO semble pourtant avoir capoté en cours de route.
Du côté des points positifs, Eli Roth exploite merveilleusement le cadre magnifique de la forêt péruvienne, notamment lors des plans sur la rivière ou du générique qui est une séquence aérienne de la jungle (repris d'ailleurs de CANNIBAL HOLOCAUST). Le crash de l'avion est, comme déjà dit, tout à fait spectaculaire et on retrouve certains «plans-gag» de mauvais goût dans le plus pur style d'Eli Roth : un personnage se masturbe dans sa cage pour se détendre avant une tentative d'évasion, l'une des captives à la colique avec moult bruitages explicites, un indigène ramène la tête d'un ouvrier de chantier avec son casque de chantier encore sur le crâne pour que tout le monde comprenne bien que l'ennemi approche, etc...
En fait, c'est surtout un hommage à Cannibal Ferox au travers du Twist et de la scène finale que l'on retiendra puisque cela s'avère particulièrement bien amené et intégré dans l'intrigue. Les autres hommages sont beaucoup plus anecdotiques à l'instar des victimes du crash empalées dans la jungle, dans un plan beaucoup moins frappant visuellement que celui de la femme partageant le même sort dans CANNIBAL HOLOCAUST. Au final, THE GREEN INFERNO est loin de délivrer tout ce que les deux années d'attente et la bande-annonce nous faisaient espérer.
En s'appliquant à suivre méticuleusement un déroulement balisé, Eli Roth ne sort pas du cadre parce que justement il ne brise aucune règle d'un genre trop codifié. THE GREEN INFERNO se résumant à un film Bis, dans la veine d'un AMAZONIA, LA JUNGLE BLANCHE, dont la seule particularité est de débouler une trentaine d'années après ceux qui l'ont inspiré !