En permission, l'officier Anne Ramstead (Patch McKenzie) revient dans sa ville natale afin d'assister à la remise des diplômes de son lycée mais aussi, et surtout, pour l'enterrement de sa soeur Laura (Ruth Ann Laurens) morte après avoir participé à un meeting d'athlétisme. Tout le monde semble blâmer le coach (Christopher George) car il poussait ses athlètes dans leurs retranchements. Subitement, les amis de Laura commencent à mourir les uns après les autres sous les assauts d'un mystérieux tueur masqué armé d'un fleuret.
Sorti en pleine folie du slasher, GRADUATION DAY est un produit Troma distribué en salles le 1er mai 1981 aux USA juste après LE TUEUR DU VENDREDI, puis en VHS par RCA/Columbia. Il demeura inédit en salles en France. Produit à très peu de frais - entre 250 000 et 300 000 $ selon les sources-, il suit scrupuleusement les règles du genre lancées par HALLOWEEN puis consolidées par son pendant Paramount, à savoir VENDREDI 13. Pour cela, le réalisateur Herb Freed (un ancien rabbin!) va chronométrer la cadence des meurtres dans certains slashers afin de comprendre les recettes et la mécanique du succès. Cette aspect de chronométrage se retrouvera d'ailleurs directement intégrée au récit : le coach hurlant et motivant les coureurs armés d'un chronomètre... tout comme l'assassin se targuant de tuer ses victimes en moins de trente secondes!
Après le petit succès de son film d'horreur BEYOND EVIL, Herb Freed et son producteur David Baughn réussirent à monter leur maigre budget notamment en pré-arrangeant une sortie régionale chez des exploitants californiens. Quelques 200 copies furent tirées pour l'occasion pour ce film co-écrit avec sa femme Anne Marisse. Une sortie qui fut couronnée d'un petit succès au long terme, très loin cependant des chiffres trouvés sur le net (Wikipédia annonçant un fier "23 millions $" soit l'équivalent du TUEUR DU VENDREDI !) Selon l'analyse de Richard Nowell dans le livre Blood Money consacré à l'économie du cycle de slasher des années 80, GRADUATION DAY dut amasser à peine 1,15 million de $ : se classant à la 135e place du box office de 1981, soit à peu près au même niveau que le CARNAGE de Tony Maylam. Ce qui demeurera malgré tout profitable eu égard à la mise initiale.
La production aura choisi un casting plus qu'hétéroclite pour mener à bout cet exercice en psycho-killer sévissant sur un campus. Disparu hélas trop tôt, Christopher George. inutile de le présenter : sa carrure impressionnante hante encore les GRIZZLY de William Girdler, FRAYEURS de Lucio Fulci ou LE SADIQUE A LA TRONCONNEUSE de Juan Piquer Simon. Le proviseur joué par le prolifique Michael Pataki à peine échappé des griffes de ZOLTAN, LE CHIEN SANGLANT DE DRACULA se mêle à une Vanna White n'ayant pas encore posé pour Playboy... et pas encore présentatrice vedette de ... La Roue de la Fortune ! Et bien sur la peu farouche Linnea Quigley, Scream Queen Extraordinaire, pas encore victime des RUES DE L'ENFER ou encore de NIGHTMARE SISTERS et du sublime SORORITY BABES !
Le film se trouve ainsi rythmé de manière régulière par des meurtres plus ou moins sanglants, appliquant un schéma propre au genre. Vous retrouverez ainsi tous les ingrédients propices : la nudité requise avec une Linnea Quigley qui n'a pas peur de faire voler le chemisier. Le gore avec de jolis effets inattendus. une arme inédite (le fleuret) qui parvient à faire de jolis dégâts. La motivation du tueur en vaut bien une autre, et les aficionados du genre auront tôt fait de remarquer les influences d'autres films. Outre l'héroïne qui se bat bec et ongles contre le tueur (Jamie Lee Curtis dans HALLOWEEN ou Adrienne King dans VENDREDI 13), Freed repique de manière éhontée certaines idées : celle de la photo où le tueur marque d'une croix au rouge à lèvres une fois ses victimes exécutées rappelle LE BAL DE L'HORREUR, entre autres. On peut également déceler quelques similitudes entre HAPPY BIRHTDAY de Jack Lee Thompson et le film d'Herb Freed. Il jette aussi à l'écran tout ce qui pouvait être en vogue à l'époque : soit un concert du groupe pop/rock californien Felony, à tendance Psychedelic Furs, mais également une séquence... de Roller Disco! Oui, les années 80 étaient en proie à cette mode passagère, avec des métrages outrageusement fun comme XANADU ou encore l'inénarrable ROLLER BOOGIE. Donc en avant les patins à roulettes pour quelques séquences fort bien troussées. Qui culmine à un meurtre (60mn40), dont la montée en puissance alternant musique new wave/rock, score de Kempel, montage quasi stroboscopique pour une décapitation sauvage. Et toujours via ce montage audacieux, cadençant ensuite la course-poursuite entre le meurtrier et Linnea Quigley tous seins dehors. Ce montage musclé est le résultat du travail mené par Martin Jay Sadoff, qui réussit à dynamiser un produit somme toute assez banal dans son essence. On retrouvera par ailleurs Sadoff sur un autre slasher : MEURTRES EN TROIS DIMENSIONS, où il s'occupera de la supervision de la 3D, tout comme sur LE GUERRIER DE L'ESPACE. Ceci posé, l'art du montage alternatif ne lui était en rien étranger, puisqu'également s'étant occupé de celui du très étrange et pénétrant PINK NARCISSUS de James Bidgood, tout en ayant travaillé aussi sur le montage des effets spéciaux de METEOR... avant de revenir au montage sur VENDREDI 13 CHAPITRE VII. Un éclectisme qui sert indéniablement à GRADUATION DAY, puisqu'étant un de ses meilleurs atouts.
A y regarder de plus près, certains éléments de la narration font dévier le film vers quelque chose de plus noir. Une situation familiale contrariée, avec la mère d'Ann (Beverly Dixon) en proie à un second mari possessif, violent. Un affrontement final qui se trouve là aussi en dehors des stéréotypes attendus. Une ambiguité sur la personnalité de l'héroïne sur sa supposée culpabilité via un comportement discutable envers les protagonistes - ce que contestera d'ailleurs Patch McKenzie auprès d'Herb Freed lors du tournage. En fait, le scénario trahit la méconnaisse des enjeux socio-démographiques du smasher de base. Le fait d'avoir une héroïne qui commande et subjugue les mâles en présence : ici une femme de l'armée, qui ne laisse aucune chance à une romance quelconque. A peu à l'instar d'ailleurs de Melissa Sue Anderson dans HAPPY BIRHTDAY. Ce refus de toute attraction romantique, contrairement à ce qui se passe dans LE TUEUR DU VENDREDI, par exemple, semble indiquer que le film s'adressait plus à un public féminin? Donc moinq d'attrait pour un distributeur de major, et de ce fait, marchant sur les platebandes d'autres fllms, juste moins attractifs pour les grands circuits d'exploitation? Ce qui n'empêche pas le scénario des époux Freed/Matisse de ne pas dévier d'un centimètre de la recette qui fonctionne bien. N'attendez rien de foncièrement novateur : les auteurs exploitent ce qui marche auprès du public, rien d'autre. En commettant quelques omissions ( le personnage d'Anne disparait un moment pour réapparaître de manière opportune) , des facilités concernant le côté mécanique des meurtres, sans parler des fautes de raccord - dont le chemisier de Linnea Quigley grand ouvert lors de sa poursuite, qui se retrouve mystérieusement refermé une 1/2 seconde après. Sacrée Linnea!
D'un point de vue strictement cinématographique, GRADUATION DAY reste une série B d'exploitation qui tente par tous les moyens de se raccrocher au wagon d'un genre à la mode. Pauvre en imagination, brut de décoffrage, optant pour balancer un maximum de bêtise à l'écran. Plus c'est gros, plus ça passe. Fatalement répétitif et routinier dans la mise en scène du carnage. ce qui fait donc que la résolution et l'identité du tueur, hélas facilement devinable dès les premiers plans, donnent dans un ridicule assez patenté. Malgré tout, on assiste quelque peu étonné à un film qui demeure une assez bonne surprise dans le genre. Qui peut atteindre des tréfonds de connerie comme DEATH SCREAMS et ses actions absurdes. Freed possède une certaine adresse dans la mise en scène des meurtres, voire celui du quarterback de service, ingénieux et original. Ca n'est pas toujours le cas, adoptant les archétypes usuels (gants noirs, musique menaçante, traque et mise à mort. Une caméra mobile qui traque les victimes, comme le premier meurtre dans les bois, via une steadycam agréablement stable et fluide. Et qui s'avère au bout du compte un bon représentant du genre slasher. Totalement absurde, parfois débile et pourtant doté d'une ambition inattendue, GRADUATION DAY sort du lot sans aucune peine malgré
L'éditeur anglais 88 Films initie une collection "Slashers Classics" dont GRADUATION DAY devient la première brique. Cela propose une édition Blu ray qui upgrade joliment le pénible DVD Troma sorti il y a quelques années déjà. Le master HD semble toutefois provenir de l'éditeur US Vinegar Syndrom, spécialisé dans la ressortie d'obscures séries B des années 70 et 80, qui a opéré un scan 4K pour sa sortie américaine. Il est par ailleurs fortement regrettable que 88 Films n'ait pas non plus repris (n'ait pas voulu/pas pu?) les bonus spécialement tournés pour l'édition Blu Ray US, avec l'ensemble du casting et le commentaire du réalisateur...
Pour le visuel, nous avons droit à un très beau transfert HD en 4K, au format 1.78:1 (format cinéma original : 1.85:1) pour une durée totale de 96mn37, le tout sur un support BD 50. Avec l'avantage d'avoir un Blu ray compatible avec nos lecteurs. Respect du grain initial tout en pourvoyant une très jolie définition, des couleurs qui ressortent, des contrastes agréables. Lors de gros plans, on décèle aisément les détails des visages, le contour des personnages. Un compromis idéal avec un matériau de base que l'on sent esclave du budget relativement bas, mais dont le travail de restauration donne le meilleur qu'on puisse espérer : ne pas trahir la texture originale voulue. Pas de réduction de bruit à outrance, des teintes de peau naturelles : très agréable! Ce qui n'empêche pas quelques poussières et marques du temps de faire surface ici et là, notamment lors de scènes les plus exposées à la lumière.
A la différence de l'édition américaine, 88 Films propose une piste audio anglaise en DTS HD MA 2.0 (mono non compressé sur deux canaux, donc), et au débit plutôt régulier. Un souffle léger sur les scènes sans dialogues ni musique, mais rien de bien dérangeant. La partition d'Arthur Kempel surgit sans peine aux moments opportuns, sans pour autant couvrir les effets sonores. Le rendu demeure plaisant. Le moins étant qu'aucune sous-titre de quelque nature que ce soit n'apparaisse. Encore moins d'option francophone.
Côté bonus, la galette n'est pas reste, même s'il faut avouer que cela reste décevant sur le contenu se rapportant directement au film. Cela reprend le matériel présent sur le DVD Troma, à savoir une interview de Linnea Quigley, une présentation déjantée de Lloyd Kaufman et des programmes made in Troma,... mais sans lien avec le film. Et tout en SD. Il ne faut pas cependant oublier la présentation du journaliste référence en matière de slasher, à savoir Justin Kerswell, qui effectue un tour d'horizon informatif et plutôt objectif sur GRADUATION DAY.
Le morceau de choix reste le documentaire SCREAM QUEENS : HORROR HEROINES EXPOSED, réalisé par Callum Wadell. Le documentaire (1.78:1 - en HD) d'une durée de 77mn52 n'entretient d'un fil très ténu avec GRADUATION DAY, simplement via la présence de Linnea Quigley dans les intervenants. Mené mollement par Debbie Rochon qui prend des poses et débite péniblement ses dialogues, on assiste à une galerie d'actrices rattachées à l'estampillage "Scream Queen". Celles qui ont donné naissance à cette caractéristique : Michelle Bauer, Linnea Quigley et Brinke Stevens (de loin la plus intéressante ici!). Un fil conducteur cahotique, mais l'occasion de voir s'exprimer Caroline Munro, Cassandra Peterson, Danielle Harris, Lynn Lowry ou encore Sybil Danning - qui se considère plus comme une "Screen Queen"... Même si on assiste pas à un grand documentaire, on passe un très bon moment en compagnie d'actrices ayant bercé les fantasmes de plus d'un spectateur/trice. Et qui plus dotées de réflexions plus qu'intéressantes sur le sujet. Enfin, hormis un catalogue de films annonce de l'éditeur, un livret de 4 pages offre un échange intéressant entre Callum Waddell interviewant Patch McKenzie.
GRADUATION DAY ressort donc du petit oubli où il fut plongé pendant quelques années. Dommage qu'aucun éditeur français ne se soit intéressé à sortir le film dans nos contrées francophones. Ce digne représentant du genre smasher y aurait toute sa place. Malgré les réserves apportées ci-dessus, il ressort que ce Blu Ray anglais de GRADUATION DAY est recommandé !