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Critique du film
INTERSTELLAR 2014

 

Afin de trouver un nouveau refuge pour l'humanité, un ancien astronaute accepte de reprendre du service pour piloter un vaisseau spatial à l'autre bout de l'univers, laissant derrière lui sa famille...

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, INTERSTELLAR n'est pas à l'origine un projet personnel de Christopher Nolan. Il faut remonter au milieu des années 2000 pour découvrir les racines du film. A ce moment là, la productrice Lynda Obst s'intéresse aux travaux de l'astrophysicien Kip Thorne, les deux vont alors poser les bases d'une histoire de science-fiction, produite par Paramount, où l'homme sera confronté aux étrangetés de l'univers telles qu'elles sont admises par la physique. Séduit par l'idée, Steven Spielberg accepte de le réaliser. En 2006, Jonathan Nolan est alors engagé pour en écrire le scénario. Et lorsque Steven Spielberg préfère s'orienter vers d'autres projets, Paramount se retrouve sans réalisateur ! Jonathan Nolan suggère alors d'entrer en contact avec son frère, Christopher Nolan. Si cela semble naturel, cela va déboucher sur des tractations entre Paramount et Warner. Ces derniers préfèrent garder un œil sur leur protégé, surtout que la maison de production de Christopher Nolan a depuis longtemps des liens avec le studio. Les tractations vont d'ailleurs permettre de résoudre quelques soucis entre les deux studios concurrents et qui portaient sur la mise en chantier de suite à VENDREDI 13 et SOUTH PARK LE FILM. Pendant ce temps, les deux frères Nolan vont revoir le scénario de ce qui est devenu aujourd'hui INTERSTELLAR !

Si le film n'est pas une idée originale de Christopher Nolan, le film définitif s'accorde tout de même sur de nombreux points avec la filmographie du cinéaste et ce dès les premières images. Le film s'ouvre ainsi sur d'énigmatiques interviews qui plantent un décor dont on ne comprend pas tout de suite les implications. Cette introduction rejoint ainsi le type de narration éclatée que le réalisateur de INCEPTION, MEMENTO ou LE PRESTIGE affectionne. Cette introduction mène d'ailleurs, plus tard dans le film, à une idée pour la moins inattendue mais qui sous-tend l'un des thèmes forts du film. Dans INTERSTELLAR, les lois de la physique sont rejointes par un concept philosophique surprenant. Ici, on découvre que l'amour et les souvenirs s'affranchissent de l'espace et du temps, deux notions scientifiquement quantifiables. L'être humain a manifestement besoin de s'avoir d'où il vient pour s'engager pleinement en direction de son avenir. Cela rejoint ainsi le futur dépressif de l'humanité tel qu'il est décrit dans la première partie de INTERSTELLAR. Le monde se meurt et la majorité des habitants de la Terre préfère gommer leurs perspectives d'avenir pour s'assurer un futur à court terme des plus illusoires, quitte à faire preuve de révisionnisme au sein de l'éducation scolaire !

La première partie de INTERSTELLAR s'avère exemplaire dans sa façon de présenter ce futur peu radieux, les enjeux ainsi que les différents personnages. D'autant plus réussie que durant cette mise en place, INTERSTELLAR n'a pas encore quitté la Terre ce qui aurait de quoi frustrer les spectateurs venus assister à une aventure spatiale digne de GRAVITY ! Mais INTERSTELLAR s'écarte énormément du film d'Alfonso Cuaron, ce dernier se limitant, au final, à une intrigue catastrophe débouchant sur une expérience immersive, certes très réussie mais aussi sans véritable réflexion. Au contraire, Christopher Nolan aborde l'aventure spatiale de manière plus élaborée. Certains aspects se recoupent comme l'isolation, la dangerosité de l'exploration spatiale ou encore l'insignifiance de l'être humain. Cela donne ainsi à INTERSTELLAR quelques séquences tout aussi spectaculaires et intenses que celles de GRAVITY. Mais ces thèmes sont aussi abordés sur des angles plus astucieux à l'instar d'un court échange entre deux astronautes qui font un parallèle avec les grands explorateurs. De même, dans INTERSTELLAR, l'homme affronte l'hostilité d'un univers qui le dépasse. Que ce soit à la surface de notre planète où l'humanité ne peut rien contre les éléments ou à l'autre bout de l'univers, de la même façon, l'homme a peur de mourir seul, oublié de tous. Alors, évidemment, dans un film où le leitmotiv est que l'amour et les souvenirs sont à même de dépasser les barrières du temps et de l'espace, INTERSTELLAR met en avant le sacrifice de l'individu, que ce soit pour l'humanité ou bien seulement pour l'amour de sa progéniture. Cela ne sera peut être pas au goût de tous les spectateurs, le film rejoint ici des clichés récurrents des différentes aventures spatiales au cinéma avec tout de même une nuance, l'égo d'une personne est perçue autant comme un défaut qu'une véritable qualité. Mais sur cette idée du sacrifice, INTERSTELLAR réussit un véritable tour de force avec une séquence qui fait la jonction entre la Terre ferme et l'espace. D'une simplicité évocatrice et d'une puissance émotionnelle rare, le départ du héros du film, laissant sa fille, la Terre et ses semblables derrière lui pour mieux les sauver est une pure idée de montage sonore et visuel. Et c'est probablement la grande force de INTERSTELLAR celle de nous inviter à une aventure spatiale pour mieux nous plonger dans une introspection émotionnelle.

Néanmoins, malgré d'énormes qualités, INTERSTELLAR se heurte violemment sur un écueil où d'autres se sont déjà plantés. Les voyages au bout de notre univers, au bout de ce qui est communément admis, nécessitent d'offrir un épilogue satisfaisant. Ce n'est pas vraiment le cas du film de Christopher Nolan qui propose un épilogue qui ne fonctionne pas vraiment à l'écran. Cela s'avère plutôt cohérent compte tenu des thèmes mis en place, et nous n'en dirons pas plus pour en préserver l'éventuelle surprise, mais cela provoque surtout une rupture de ton un peu gênante. Hormis ce gros souci, cela n'empêche pas INTERSTELLAR de continuer à fonctionner d'un point de vue purement émotionnel. Mais cela gâche un peu les deux premières parties d'un film qui était jusque là un très grand moment de cinéma !

Le cinéma, justement... Défenseur de la pellicule, Christopher Nolan a tourné une grande partie de INTERSTELLAR en Imax. Et bien que la majorité des salles de cinéma ne diffusent plus que des copies numériques, il a lourdement insisté pour que son film ait l'opportunité d'être vu sur pellicule (70mm ou 35mm). Ce sera donc le cas, même en France au moment de sortie le 5 novembre 2014. Nous avons pu voir le film sur une copie 35mm. Au premier rang, une évidence s'impose. Ce n'est pas ce que l'on voie qui saute aux yeux par rapport aux projections numériques mais bel et bien ce que l'on ne voie pas. C'est à dire la matrice numérique, les effets de crénelages et autres petits défauts inhérents aux projections digitales ! Malheureusement, cela fait déjà quelques années que les copies numériques se sont installées dans les salles et pas mal de cinéma n'ont même plus d'équipements à même de projeter de la pellicule. INTERSTELLAR, c'est, à ce niveau là, un peu le chant du cygne d'un cinéma qui a déjà cédé à la facilité économique et logistique...

Rédacteur : Christophe Lemonnier
Photo Christophe Lemonnier
Ancien journaliste professionnel dans le domaine de la presse spécialisée où il a oeuvré durant plus de 15 ans sous le pseudonyme "Arioch", il est cofondateur de DeVilDead, site d'information monté en l’an 2000. Faute de temps, en 2014, il a été obligé de s'éloigner du site pour n'y collaborer, à présent, que de manière très sporadique. Et, incognito, il a signé de nombreuses chroniques sous le pseudonyme de Antoine Rigaud ici-même.
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