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Critique du film
IT FOLLOWS 2014

 

L'été arrive dans une banlieue typique des classes moyennes américaines où notre héroïne, Jay, se retrouve embarquée dans une histoire aussi folle qu'effrayante. Assommée, elle se réveille tout d'abord attachée. Son charmant compagnon prend alors soudainement des allures de psychopathe et lui annonce qu'elle va être traquée et poursuivie par une chose qui voudra la tuer... Survivre. C'est dès lors le mot d'ordre qu'on lui donne. Son unique chance de salut ? Transmettre le mal, comme s'il s'agissait d'une monstrueuse maladie vénérienne...

Le moins qu'on puisse dire, c'est que IT FOLLOWS propose d'emblée un pitch des plus alléchants. Ici, la menace est d'ordre obscure. Et bien qu'il possède un goût de déjà vu, de par son visuel et ses inspirations, le film offre une véritable originalité qui mérite qu'on s'y attarde.

Dans IT FOLLOWS, le méchant, le boogeyman, n'est pas humain. Il n'est ni un fantôme, ni un tueur surnaturel invincible et ressemble davantage à une ombre. Le mal se développe ici comme une maladie, une MST pour être précis. Une sorte de malédiction qui punirait donc tout ceux qui mènent une existence débridée. Pourtant nous sommes assez loin du cliché habituel, voulant que la vierge ne survive que parce qu'elle est pure et vertueuse. Ici les héros sont des adolescents ordinaires et au fond, la seule faute qu'ait commis Jay, c'est celle d'être jolie. Rien n'assure en outre que l'amour ou la vertu sera à même de la sauver puisqu'au contraire, elle doit transmettre le mal et se confronter à ce qu'est le sexe quand il ne devient plus qu'une utilité, un but, un moyen.

Au fil du film et des apparitions, le malaise s'installe. Le «Follower» qui suit notre héroïne prend diverses formes, toutes humaines mais plus ou moins inattendues, ce qui donne lieu à des moments de tension intenses et réussis. En instaurant le doute, le film nous embarque dans les mêmes paranoïa et terreur qui saisissent son personnage principal. Cette chose, ce mal ou cette malédiction semble évoluer au fil des bobines, se transformer comme s'il s'adaptait à la psyché de sa victime. Tantôt enfant diabolique, tantôt violent, tantôt planant, parfois répugnant, comme représentant une culpabilité, un dégoût ou de la honte.

Il est certain, qu'à l'image des slashers des années 80, il s'inscrit dans une hérédité du cinéma de genre américain. On ressent l'influence décidément persistante de John Carpenter, par le biais d'une héroïne ordinaire, de lieux qui évoquent clairement HALLOWEEN mais aussi en prenant son temps pour mieux multiplier les apparitions. Mais pas seulement. David Robert Mitchell connaît de toutes évidences ses classiques sur le bout des doigts. Cette image de l'adolescence immorale punie est par exemple là, en sous-texte, s'écrivant partout. On restera cependant dans la caboche de la jolie blonde pourchassée par la chose. Impossible de déterminer si tout cela est vrai, avant que ce qui la suit ne se mette à devenir violent. D'autant que la créature se manifeste tel un fantôme aux autres, les non contaminés. Seule Jay et ceux qui sont touchés par la malédiction peuvent la voir, et c'est là que ce joue un nouveau ressort intéressant, source de scènes prenant une force inédite.

Intelligent de bout en bout, IT FOLLOWS nous apparaît comme mûrement réfléchi, jusque dans sa digestion de manifestes influences. On sent cependant une volonté de faire différent, original, et l'on ne saurait l'en blâmer quand on voit tant de films se ressembler... Avec ce qui nous apparaît comme un hommage au slasher, le cinéaste parvient ainsi à tracer sa route, à raconter sa propre histoire par le biais d'un écrin de qualité puisque l'image est ici très recherchée, peut-être même un peu trop. Chaque plan s'inscrit ainsi dans une séquence où tout est magistral. L'image est léchée, avec une superbe photographie de studio, chaque élément est mis en lumière ou au contraire laissé dans l'ombre. Chaque cadre dispose d'une esthétique recherchée, sans pour autant sombrer dans une imagerie trop propre. Les cités sont sales, la banlieue abandonnée est inquiétante. Pour autant, chaque lieu ainsi sculpté par le cadre offre de vastes espaces en extérieur, ou une sensation d'étouffement en intérieur, via des cadres resserrés et des mouvements plus rectilignes.

De fait, on pourrait lui reprocher cette image trop belle pour être honnête, même si ce serait nier le reste. Cette mise en scène évolutive, esthétisante au début, puis servant finalement la terreur. Ce cadre large et aéré qui fait place à la chose afin qu'elle s'y insinue... A l'instar d'un HITCHER, IT FOLLOWS laisse le temps aux choses, le temps à l'inquiétude de s'installer, et ne délivre pas tout d'emblée. Au contraire, il s'appesantit, sans craindre de devenir ennuyeux ou trop long...

Dans sa banlieue américaine faite de maisons aux briques rouges et au caractère délétère, se trouve enfermé un cœur battant, mêlant horreur insidieuse, mélancolie, silences plein de sens et de terreurs enfantines. IT FOLLOWS s'émancipe de ses aînés pour nous livrer un récit proche de ses personnages et de leurs aspirations. Ce sont des adolescents qui semblent d'autant plus «normaux» que cette bande comporte des profils éloignés des stéréotypes aux réactions trop souvent appropriées. Leur seul but est ici de survivre, à la chose qui les suit, à la banlieue étouffante, à cette Amérique qui n'a plus de sens à leurs yeux.

Ne s'appesantissant jamais, ne délivrant que des mots clés, des messages cachés, furtifs, le réalisateur s'attache à dépeindre une atmosphère en forme de cocon. La terreur demeure en suspens même si par quelques moments incroyables, elle vient briser le cocon et s'insinuer à l'intérieur, rendant cette impression de frayeur d'autant plus palpable qu'elle s'est nichée à l'intérieur même du foyer protecteur.

David Robert Mitchell distribue les clés de son récit comme des cartes, au fur et à mesure des bobines. Conscient que le public est habitué au film de genre, il ne cherche pas à s'ancrer dans les codes bien qu'il soit conscient d'y prendre racine. Sa mise en scène précise, maîtrisée et délicate donne l'image d'une fleur s'ouvrant au fur et à mesure. Farouche, elle ne se laisse pas facilement approcher. Pour autant, cette fleur s'avère rapidement carnivore car IT FOLLOWS ne nous veut pas du bien et nous le fait assez rapidement savoir !

L'atmosphère douce bien qu'amère provoque davantage le malaise au fur et à mesure que le film avance et qu'on en sait plus sur le mal qui traque l'héroïne. Plus on comprend, plus on se sent mal à l'aise et plus la terreur classique se transforme en quelque chose de malsain. Il devient dès lors difficile de supporter les visions d'horreur que subit l'héroïne, laquelle s'attache pourtant à survivre, attrapant n'importe quel moyen à bout de bras, s'y accrochant fermement.

Ce qu'on en retire, en dehors de la certitude qu'on vient d'assister à quelque chose d'assez peu commun, c'est qu'on à là un film onirique et bien foutu, dispensant une horreur vraie comme on n'en avait plus vu depuis des années. Il est clair que rien n'a été laissé au hasard et qu'en opposition aux INSIDIOUS et compagnie, le film n'a que très peu recours aux «Scare Jumps» et autres mécaniques faciles. IT FOLLOWS se veut définitivement plus profond mais aussi et surtout différent. On en ressort avec une impression, celle d'un message laissé en suspend, sur notre société et sa jeunesse, ainsi que sur l'héritage que nous laissons derrière nous...

Rédacteur : Sophie Schweitzer
Photo Sophie Schweitzer
Passionnée de cinéma et littérature de genre, elle a fait des études de cinéma et travaille désormais comme cadreuse. A côté de son travail, elle écrit des nouvelles fantastiques et horrifiques.
37 ans
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