Bryan Becket (Tim Daly) est un avocat pétri de certitudes qui croit hériter de la maison de sa tante. Il s'avère en fait qu'elle a légué la maison à une organisation universitaire qui étudie les troubles du sommeil. Persuadé de se faire escroquer, Bryan ne prête pas attention aux divers bruits dont la maison regorge. Mais en ayant des visions étranges, il laisse entrer une médium croisée à l'institut (Zoé Saldana). Celle-ci est persuadée qu'une présence hante les lieux.
On le comprend dès le début : Tim Daly est un matérialiste pur et dur. Le surnaturel, le religieux, l'attrait à l'inexplicable le laissent froid. Même s'il s'agit du propos du film, les premières scènes font peur. Le religieux prend une part importante du récit et l'on sent poindre une bonne louche de mise aux normes de l'athée qui va voir la lumière. Le film se dégage bien de ce piège en imbriquant dans le récit le surnaturel pur et dur, mélangeant l'ensemble des manifestations qui occupent la maison nouvellement occupée. Démon ? Poltergeist ? Schizophrénie ? Imagination débordante ? En fait, THE SKEPTIC se révèle un bon film de maison hantée à l'ancienne. Préférant jouer sur la tableau de l'épouvante soft, grâce à des effets classiques plutôt que de verser dans les coups de théâtre, gore à foison - et surtout un scénario à tiroir. Qui finalement se focalise plus sur le parcours initiatique d'un homme, sa psyché - plus qu'un simple film de frousse.
Ce qui ne signifie pas que le métrage soit avare en fantastique, loin de là. L'inclusion du personnage du médium sexy joué par Zoé Saldana reste symptomatique. L'irruption de l'irrationnel dans la vie d'un avocat à la vie (presque) bien rangée. Le premier doute de son existence vient justement sur le fait qu'il nécessite une pause dans sa vie personnelle. Le second sur les présences mystérieuses qui semblent l'entourer. Puis cette médium qui force le passage de sa vie - et presque malgré elle, va provoquer une réaction en chaîne. A la fois sur Tim Daly et sa raison qui bascule graduellement vers un ailleurs, et sur les événements - antérieurs et futurs.
On pourra reprocher au scénariste/réalisateur une certaine facilité dans la prise de conscience subite du héros. D'un avocat sûr de son fait, il suffit d'une vision pour le faire de douter de ce dont il est persuadé depuis 40 ans. Nécessité de rentrer dans le format filmique des sacro-saintes 90 mn croisée avec la démarche démonstrative de bien expliquer au spectateur ce qui doit être compris. Si la narration suit les pas des affres psychosomatiques de Bryan Becket, elle évacue soigneusement tout mystère éventuel quant à l'origine des phénomènes paranormaux. Un vague doute entretien le suspens via les discussions amusantes avec le père Wymond, joué de manière intelligente par un Robert Prosky en pleine forme-ceci fut cependant son dernier rôle à l'écran. Un échange de points de vue diamétralement opposés sur la conception de l'existence, mais avec l'avantage de ne pas prendre parti - laissant le soin à chacun de faire le point de la situation en fonction de son propre parcours.
Adroitement, le récit entrelace les interventions d'intervenants plus ou moins étranges, dont le docteur Koven (Bruce Altman). le nom directement émanant de la sorcellerie n'est bien sûr pas un hasard. D'autant que ce psychologue s'avère un ardent défenseur de la raison contre le surnaturel. Mais sa duplicité induite cache d'autres éléments. En fait, le scénario s'ingénie à éparpiller diverses influences pouvant expliquer ce qui décadre la réalité de Bryan - sans pour autant masquer réellement au spectateur le déroulement des événements - on aura en effet deviné avant les protagonistes le fin mot de l'affaire. Toujours délicat lorsqu'on a une longueur d'avance sur le récit.
A côté de cela, force de constater le soin apporté à l'ensemble. Malgré un budget assez bas et des effets spéciaux discrets, deux ou trois scènes de frousse fonctionnent agréablement. Malheureusement, les tenants et aboutissants de l'ensemble semblent bloqués dans un univers trop influencé par la télévision. On assiste à une réminiscence de codes et coutumes ancrées dans des rebondissements téléphonés que des séries policières n'eussent pas reniées. Partagé entre une enquête à la Agatha Christie surnaturelle et la velléité de livrer un film d'épouvante allégé, Tennyson Bardwell manque son coup pour créer une tension suffisante. Quelques clichés parsèment le récit, entre une poupée maléfique, des grincements dans une pièce, bruits nocturnes, visions incongrues. Mais l'ensemble demeure trop ténu pour que THE SKEPTIC se détache vraiment de la cohorte de films du genre. Reste une observation psychologique sur le paradoxe du pragmatisme de Bryan Becket face aux évidences qui s'offrent à lui. Ce qui n'est d'ailleurs pas sans rappeler les affres du héros de DORIAN BLUES, précédent film du réalisateur.
THE SKEPTIC offre enfin une direction de choix : enfin un film de maison hantée qui évite de nous coller des teen-agers partout à l'écran. Une approche adulte, sur des thématiques moins vendeuses que le sexe avant le mariage et la fumette de drogue. Le récit tisse un enchevêtrement intéressant de pistes le long du métrage, inhabituel pour le moins, et Tennyson Bardwell accorde un place sensible à l'introspection et l'observation de l'habitat. Plutôt que de se noyer dans d'interminables explications dialoguées. Surtout avec un personnage aussi détestable comme figure centrale. Tim Daly joue en ce sens de manière remarquable un Bryan Becket tourné sur lui-même, visiblement peu amène lors de ses rapports avec l'autre au sens platonicien du terme. On pourra rapprocher cette trajectoire de rédemption fantomatique avec celle que Charles Dickens fait subir à Scrooge dans "Un Chant de Noël". Dommage qu'au final le film ne recèle pas plus de peur pour dynamiser le fil conducteur. THE SKEPTIC est indéniablement une oeuvre fantastique au-dessus du lot de par la qualité visuelle, plus complexe que son concept de base ne laisse supposer. Mais trop peu impliquant au rayon peur pour générer un intérêt particulier de la part des aficionados. Mais si le film est passé relativement inaperçu, perdu dans la tonne de DTV se déversant dans nos bacs de supermarchés, revendeurs en ligne et autres solderies, il serait cependant dommage de passer à côté.
Alors qu'il fut tourné en 2007, curieusement, le métrage ne put connaitre une véritable exploitation qu'à partir de 2009. Curieux, surtout lorsqu'on connait le casting composé de têtes d'affiches facilement identifiables. Et si le film est sorti en vidéo sous son titre d'origine, THE SKEPTIC, il fut re-titré peu après de manière à devenir THE HAUNTING OF BRYAN BECKET. Probablement plus vendeur avec le mot hanté contenu dans sa dénomination et surfer sur LE DERNIER RITE (THE HAUNTING IN CONNECTICUT) arrivé quasiment en même temps.
Le DVD Zone 2 de chez M6 Video donne une édition à minima, identique à l'édition US chez IFC. D'une durée totale de 85mn11, THE SKEPTIC se présente au format 1.85:1 et 16/9e. On y trouve une heureuse alternative des versions française et anglaise en mixage 5.1 avec l'agrément de sous-titres français amovibles. Un menu fixe, avec accès chapitré de base complète le tout, avec adjonction du film annonce original. Le rendu visuel de la copie est agréable à l'oeil, aux contrastes réussis et avec des couleurs chaudes qui transposent l'intonation automnale voulue par les auteurs. Y compris les scènes d'intérieur parmi les plus sombres où se détachent ombres menaçantes des objets inanimés. Le film ayant opté pour un traitement atmosphérique du sujet, il ne faut donc pas s'étonner des choix d'éclairages relativement doux - ce qui se transmet parfaitement à l'image. Côté sonore, la sobriété et la précision sont de rigueur. Pas d'effets appuyés mais une jolie mise en avant de la judicieuse partition musicale composée par Brett Rosenberg, également auteur d'une autre composition atmosphérique réussie pour HALF LIGHT.