Critique du film
et du Blu-ray Zone B
LE TERRITOIRE DES OMBRES : LE SECRET DES VALDEMAR
2010
Après la disparition d'une jeune femme sensée estimer un vieux manoir, un enquêteur est appelé à la rescousse. En chemin vers l'étrange bâtisse, à bord d'un train, il se fait raconter la sombre histoire des Valdemar. L'histoire d'un couple follement amoureux qui va vivre une tragédie en flirtant avec les milieux de l'occultisme !
«D'après l'univers de H.P. Lovecraft» nous annonce le visuel accompagnant la distribution française du TERRITOIRE DES OMBRES : LE SECRET DES VALDEMAR. Néanmoins, le film n'adapte pas de manière littérale les écrits de l'auteur américain. En effet, les intrigues narrées dans LE TERRITOIRE DES OMBRES : LE SECRET DES VALDEMAR ont été écrites spécialement pour l'occasion par José Luis Alemán. Un cinéaste espagnol plutôt ambitieux qui se lance dans une aventure assez peu commune. Plutôt que tourner un long métrage, il va en tourner deux en même temps comme les productions hollywoodiennes du type LE SEIGNEUR DES ANNEAUX ou KILL BILL. Un pari relativement osé puisqu'en dehors du nom de H.P. Lovecraft au générique, il n'y a rien de véritablement vendeur sur l'affiche de LA HERENCIA VALDEMAR de son titre original. Cela s'avère même très risqué puisque à l'issue du premier film, l'histoire s'arrête comme un feuilleton en laissant le spectateur, de manière un peu brutale, sans véritable conclusion à ce qu'il vient de découvrir. Même en étant prévenu, soyons francs, cela s'avère très frustrant à l'arrivée ! En Espagne, il s'écoulera exactement un an entre la distribution du premier film sorti en 2010 et de sa suite en 2011. Par contre, sur le territoire français, les films vont être distribués directement en vidéo. Mais plutôt que de commercialiser les deux métrages dans un même package, ce qui serait logique, il a été décidé de ne proposer au mois de juin 2013 que le tout premier film. La suite ne devrait sortir qu'au mois de septembre de la même année...
José Luis Alemán n'est pas le premier à s'intéresser à H.P. Lovecraft en Espagne. On se souvient ainsi de l'excellent DAGON signé par Stuart Gordon pour une maison de production espagnole. Mais si José Luis Alemán s'inspire des écrits de H.P. Lovecraft, LE TERRITOIRE DES OMBRES : LE SECRET DES VALDEMAR brasse d'autres influences et finit par brouiller un peu la filiation avec le fameux écrivain. Dans ce premier film, l'histoire se déroule à deux époques différentes. La majeure partie de l'action va ainsi prendre place au XIXème siècle. Le préambule est quant à lui sensé se dérouler à notre époque. Néanmoins, on peut douter qu'il s'agisse de notre monde puisque lors d'un court plan, on aperçoit un dirigeable géant à la sortie d'un aéroport. Ce détail sera peut être élucidé dans le second film. Mystère ! Peu importe, le métrage tend à nous proposer un univers étrange où l'on se déplace en chemin de fer à vapeur plutôt que prendre la voiture. Au moins, cela permet de se lier à quelques motifs particuliers des ouvrages de H.P. Lovecraft. Tout d'abord, on va suivre une jeune femme travaillant dans l'immobilier et qui part estimer un inquiétant manoir. Les vieilles bâtisses abritant des horreurs, on en trouve chez l'écrivain comme dans «La peur qui rôde» ou «La maison maudite». Mais si on peut aussi y voir, bien plus tard, une vague référence à la créature de «Je suis d'ailleurs», c'est surtout en abordant des personnages en quête de savoir dépassant l'imagination, se référant à d'obscurs ouvrages et pratiquant d'étranges rites que LE TERRITOIRE DES OMBRES : LE SECRET DES VALDEMAR se rapproche le plus de H.P. Lovecraft. Pour autant, le film fait d'évidentes références à Edgar Allan Poe. L'intrigue se déroulant au XIXème siècle, plutôt qu'au début du XXème comme la plupart des récits de H.P. Lovecraft, ou encore l'utilisation du nom «Valdemar». Pas anodin puisqu'il s'agit du patronyme d'un personnage central de «La Vérité sur le cas de M. Valdemar», adapté à plusieurs reprises au cinéma. Mais une grande partie du film s'oriente ouvertement vers un drame gothique qui semble un peu éloigné de l'univers de H.P. Lovecraft.
De plus, José Luis Alemán a l'idée de mêler personnages historiques réels avec la fiction. Plutôt amusante et carrément dans l'air du temps, cette idée tombe à plat pour peu que l'on connaisse un peu les célébrités en question. La plus connue, c'est Aleister Crowley mais placer le fameux occultiste au centre d'une histoire se déroulant au XIXème siècle alors qu'il ne se fera connaître qu'au XXème, ça la fout un peu mal ! A ses côtés, on peut aussi croiser Bram Stoker ainsi que deux femmes tristement célèbres : Lizzie Borden et Belle Gunes. Il apparaît d'ailleurs peu probable que les deux meurtrières aient pu se trouver en Espagne à cette époque ou encore qu'elles aient fréquenté les milieux de l'occultisme. La crédibilité de l'histoire en prend donc un sacré coup ! Evidemment, cela reste du cinéma et pas un cours d'histoire... Bien que le rythme du TERRITOIRE DES OMBRES : LE SECRET DES VALDEMAR soit un peu lent, le métrage se laisse regarder sans trop d'ennui. La partie contemporaine est, il faut le dire, un peu faible et c'est surtout l'histoire se déroulant en 1880, d'après le site officiel du film, qui assure le véritable spectacle. Avec ses décors et ses costumes, le film réussit à proposer une reconstitution plausible servie par des images soignées. La mise en scène n'est pas spécialement géniale et se montre surtout fonctionnelle mais cela marche plutôt bien. Enfin, le film se pare d'effets spéciaux réussis que ce soit pour les trucages numériques ou bien les maquillages monstrueux.
Impossible d'évoquer ce film sans parler de Paul Naschy. Il s'agit du tout dernier rôle au cinéma du célèbre comédien avant qu'il ne tire sa révérence. Difficile de savoir si le choix du nom « Valdemar » est lié à son personnage récurrent de loup-garou («Waldemar Daninsky») mais l'acteur fait tout de même un clin d'œil à son passé de lycanthrope dans une courte séquence où il place devant la moitié de son visage un plaque photographique représentant le faciès d'une bestiole à l'évidence agressive. On peut aussi noter que son personnage, nommé Jervas, est très certainement un autre clin d'œil, cette fois à «La Tombe» de H.P. Lovecraft. De tous les comédiens, Paul Naschy et l'Italien Daniele Liotti sont ceux qui incarnent le mieux leurs rôles respectifs. On ne pourra pas en dire autant d'autres acteurs qui semblent assez mal choisis comme Oscar Jaenada, invraisemblable dans son personnage !
LE TERRITOIRE DES OMBRES : LE SECRET DES VALDEMAR est loin d'être parfait et l'absence de sa deuxième partie n'aide pas vraiment à le jauger de manière positive. Toutefois, il s'agit d'un projet qui reste surprenant à pas mal d'égards et qui mérite le coup d'œil. Particulièrement en ce qui concerne la partie de l'intrigue se déroulant il y a plus d'un siècle. Au bout du compte, le métrage risque de partager et de laisser perplexe. Intéressant par certains côtés, mal fagoté à d'autres, inspiré très librement de H.P. Lovecraft et ne proposant finalement que la moitié de l'histoire, LE TERRITOIRE DES OMBRES : LE SECRET DES VALDEMAR ne permet pas vraiment de se faire un avis tranché. Pour cela, il faudra découvrir sa suite qui, espérons le, viendra lever le voile sur tous les mystères mis en place !
On doit l'arrivée en France du TERRITOIRE DES OMBRES : LE SECRET DES VALDEMAR à Condor Entertainment. Nous ne reviendrons pas sur le choix très discutable de ne proposer que la première partie de manière indépendante. On sera d'ailleurs surpris que le synopsis français repris un peu partout pour la sortie vidéo soit très éloigné du contenu réel du film donnant l'impression que la personne en charge de sa rédaction n'a pas eu l'occasion de voir LE TERRITOIRE DES OMBRES : LE SECRET DES VALDEMAR. Peu importe, le métrage a tout de même le mérite de sortir en DVD et en Blu-ray. Sur ce dernier, on peut donc découvrir le film en haute définition avec une image très détaillée et faisant la part belle à la jolie photographie du métrage. On notera tout de même que les noirs paraissent souvent un peu bouchés mais il est probable que ce soit en raison du traitement numérique du film lors de sa post-production. Par contre, une nouvelle fois et cela devient une ennuyeuse habitude, nous sommes confrontés à un transfert entrelacé alors qu'il s'agit d'un film distribué au cinéma en Espagne et qui devrait donc être proposé en 1080p/24. Cela n'handicape pas vraiment le spectacle, soyons honnête, mais il faut souligner que le plus gros problème de ces transferts entrelacés est de ne pas respecter le défilement normal du film. Accéléré légèrement pour se conformer aux exigences vidéo d'un autre temps, le film passe donc de 104 minutes, durée cinéma, à 100 minutes sans aucune coupe sur le Blu-ray !
Deux pistes audio sont proposées pour sonoriser le film : la version originale espagnole et un doublage français. Si vous optez pour la version originale, vous obtiendrez, bien sûr, une traduction française sous la forme de sous-titrages. Une traduction qui prend de petites libertés, par exemple en remplaçant les noms de Mortadel et Filemon, très connu en Espagne, par Laurel et Hardy. Il est vrai qu'il s'agit bien de duo comiques dans les deux cas mais les comédiens américains sont tout de même assez éloignés des personnages de bande dessinées qu'ils sont sensés remplacer. Les deux pistes audio sont en DTS HD Master Audio 5.1. La version espagnole se montre beaucoup plus naturelle mais dans l'ensemble les deux pistes audio remplissent correctement leur office.
En complément, on peut découvrir un making-of où l'on retrouve le réalisateur, les comédiens et une partie de l'équipe technique en interview. Une vingtaine de minutes qui survolent à vitesse grand V tous les aspects du film et de ses ingrédiens (effets spéciaux, musique...). Il s'agit bel et bien d'une Featurette promotionnelle plutôt que d'un véritable documentaire. Par contre, l'éditeur français a produit un véritable supplément en allant interviewer un enseignant qui connaît l'œuvre de H.P. Lovecraft. Durant huit petites minutes, il aborde divers sujets liés à l'auteur américain. Par contre, il ne s'éternise pas sur le film et reste évasif donnant un peu l'impression qu'il ne l'a peut être pas vu ou bien qu'il reste, lui aussi, un peu sur sa faim en ce qui concerne l'univers de H.P. Lovecraft dépeint dans LE TERRITOIRE DES OMBRES : LE SECRET DES VALDEMAR. Enfin, le boîtier devrait contenir un livret à propos de H.P. Lovecraft mais nous ne l'avons pas eu entre les mains ! Enfin, l'éditeur propose quelques bandes annonces d'autres titres de son catalogue, visibles seulement à l'insertion du disque.