«Tiens, j'ai quelques couronnes en poche. Et si on faisait un film sur un tueur en série qui enlève des nanas, les viole et les tue ?» Lars-Erik Lie s'est probablement dit cela en mettant sur pied le projet de THE THRILL OF A KILL, nouvelle résurgence de Rape & Revenge à la norvégienne. Après HORA, l'éditeur vidéo norvégien Another World offre en pâture aux "cinéphiles" une nouvelle série Z norvégienne.
Kimsy (Kirsten Jacobsen) se fâche avec sa mère (Toril Skansen) et va se promener dans les bois pour se calmer. Elle se fait agresser et enlever par un homme (Arve Herman Tangen) qui retient plusieurs jeunes filles dans sa maison retirée. Ligotée, il veut en faire son animal de compagnie. La mère de Minsy et sa soeur partent à sa recherche.
Budget microscopique, qui mélange film de serial killer et torture porn, THE THRILL OF A KILL est un nouvel exemple de film tourné en video qui tente de faire revivre les belles heures du bis 70s. On a droit à un énième avatar de LA DERNIERE MAISON SUR LA GAUCHE sur fond de cinéma régional qui tente de joindre les deux bouts. Le film transpire le tournage commando, les effets spéciaux bricolés, l'implication des individus et l'envie de faire un film, dont l'origine remonte à 2007. En ce sens, on sent une certaine sincérité dans la démarche, le soin apporté à certains plans en extérieurs, la diversité des lieux. Une caméra proche des personnages, de leurs déplacements dans le cadre. Ainsi, le réalisateur Lars-Erik Lie porte tout sur ses épaules : production, scénario, casting, montage, directeur photo, effets spéciaux... Total respect pour l'auteur d'avoir mené à bien cette difficile entreprise.
Malheureusement, le propos n'est guère original. Comme beaucoup de films naviguant dans les eaux du Rape & Revenge et du film d'horreur, on en revient toujours à la même histoire qui tente de se dépatouiller d'un postulat de base archi-connu. Et là, même avec de la bonne volonté, le film reste peu intéressant. Si l'on passe sur la technique déficiente, certains plans sont abominables ou surexposés, le jeu catastrophique des acteurs n'arrange pas grand chose. Il n'y a qu'à constater l'absence totale de réaction de Camilla face à sa mère qui vient d'être assassinée. Elle aurait pu assister à la mise en boite de lasagnes chez Picard que le résultat aurait été le même. Déjà que le scénario s'avère banal, l'interprétation générale est plus que médiocre. En plus de cela, THE THRILL OF A KILL est qualitativement parlant un net cran en-dessous d'un autre Rape & Revenge norvégien vu dernièrement, HORA.
Le film possède relativement peu d'idées quant à sa mise en images. Si l'on accepte le budget pauvre et les aléas inhérents à ce type de film de potes, la réalisation de Lars-Erik Lie peut passer autour d'une projection entre potes, bière, pizza et autres. Ca peut faire passer l'indigence presque totale. Maintenant, il faut hélas avouer qu'on ne trouve pas beaucoup d'éléments qui sauvent la projection. La caméra, pour commencer : elle bouge sans arrêt. Entre la tremblote, les travellings avant qui tressautent, elle tente tout pour dynamiser les scènes, cela en devient est épuisant. Puis le tueur : à aucun moment il ne fait peur. Rien de malsain ne surgit. Un peu dommage car même si le récit est principalement centré autour de sa victime Kimsy, on ne ressent rien. Le spectateur ne fait que suivre lâchement l'action qui se déroule, mais n'est pas impliqué. Les victimes ne semblent pas en réel danger, hormis le fait d'être attachées, badigeonnées de liquide rouge, dans des postures plus ou moins humiliantes. Enfin, le décor planté fait immanquablement penser aux dizaines de métrages calqués sur le même schéma : il ne fait pas bon s'aventurer au fond des bois, même en Norvège : le tueur redneck taré y sévit, forcément. Un collier de stéréotypes de films de genre autour du cou, le film avance péniblement vers la fin de sa 84ème minute. Une seule belle séquence émerge du lot : la première, résultat d'un cauchemar de Kimsy errant dans une lande parsemée de victimes rampantes ou déjà tuées.
Au fur et à mesure, la narration est hachée de scènes se déroulant en 1968 et 1969, expliquant l'origine du tueur. Assez maladroitement, on comprend qu'un Œdipe mal digéré est responsable de tout cela. Une mère alcoolique qui couche avec les soiffards du coin, et il n'en faut pas plus au jeune pré-ado de la considérer comme un pute et de glisser vers la folie. Une explication qui en vaut bien une autre. Triste que le film ressemble à un paquet de métrages déjà sortis avant, en moins bien torché.
Pour se rattraper, les amateurs de films d'horreur auront tôt fait de repérer les quelques clins d'œil et bouts de chair chers aux fanatiques que nous sommes. La langue arrachée est un hommage direct à LA MARQUE DU DIABLE de Michael Armstrong et le brave taré courant derrière sa victime avec une tronçonneuse... on ne fera pas l'injure de nommer (encore une fois) le film de Tobe Hooper réalisé en 1974. D'autre part, hasard ou coïncidence, le jeune garçon porte une tache sur le visage... Une tache sur le visage, un jeune garçon maltraité par ses géniteurs et qui devient tueur fou, au fin fond de la Norvège... Cela ressemble fort à Geir Olav Brath, le psychopathe dans la trilogie norvégienne COLD PREY.
Côté effets spéciaux, le film tente des débordements sanglants comme à l'heure de gloire des torture porn à la HOSTEL ont pu engendrer. Amateurs de sirop de maïs, ce film est pour vous. Car il y en a des litres, bien que cela ne rende pas le film plus crédible pour autant, loin s'en faut. La scène de langue est efficace, tout comme celle avant le générique de fin – mais encore, on a déjà vu ça ailleurs et en bien mieux. Le viol, car visiblement il en faut un, apparaît risible. Ce qui rajoute au côté amateur de l'ensemble, qui veut faire comme ses illustres prédécesseurs, mais qui n'y parvient qu'à de très rares instants. Enfin, les amateurs de nudité seront déçus, le film étant très avare de ce côté-là. Il faudra se contenter de perceuse, fourche et tronçonneuse – tout en ayant conscience de leur aspect rudimentaire dans leur utilisation cinématographique.
En fait, on aurait aimé que la volonté de tourner un film d'exploitation se dirige vers un récit qui offre des idées fraîches. A quand un film avec une tueuse tarée qui enlève des hommes et les soumet à ses pulsions homicides et autres joyeusetés ? Ca donnerait un bon équilibre aux inévitables relents misogynes de ce type de métrage. Une vraie revanche sur la gente masculine qui étripe gaillardement ses victimes depuis plus de trente ans. THE THRILL OF A KILL n'est plus ni moins que cela. Il tente de donner un vrai film de genre à l'ancienne, à la corde scénaristique usée démesurément, reposant sur l'efficacité des scènes mises en images. Manqué, car le film n'arrive pas à provoquer un vrai ressenti viscéral. Il reste au premier degré, ne se départit pas d'une ironie factice. L'essai demeure sympathique dans sa tentative, on aimerait bien apprécier l'ensemble mais il reste cependant bien médiocre.
Le film est sorti en DVD en Norvège via l'éditeur Another World, déjà responsable de celui de HORA. La couverture adopte le look «Grindhouse», plus vendeur. Cela rappelle d'ailleurs la typo de MACHETE, entre autres. Après le choix du menu en norvgégien ou en anglais, THE THRILL OF A KILL est présenté dans son format original 1,78:1, avec un transfert 16/9 pour une durée complète de 84 minutes et 19 secondes. L'accès peut s'effectuer via 8 chapitres distincts. Le format de tournage n'aide pas vraiment la qualité visuelle. Nous avons droit à quelques méchants effets de peigne par instants, des plans surexposés aux blancs brûlés. Les éclairages naturels donnent un aspect brut au métrage et le rendu est exactement ce qui a été voulu. Il ne faut pas s'attendre à une qualité optimale, cependant, la définition ne bénéficie pas de rendu agréable à l'œil. Une piste sonore norvégienne en Dolby 2.0 déçoit un peu puisque le générique de fin indique un mixage en Dolby Digital. Le disque propose aussi des sous-titres norvégiens et anglais. Certaines prises de sons se révèlent hasardeuses et certains dialogues ne sont pas toujours audibles. Mais l'apport musical est limpide et l'environnement sonore ne sature pas trop. On peut relever l'élaboration des effets sonores, notamment sur la scène de cauchemar, utilisant intelligemment la stéréophonie pour créer une atmosphère emprunte de bizarrerie.
Côté bonus, l'édition se révèle particulièrement riche. Les scènes coupées montrent un début et une fin alternative, entre autres. Le tournage du film montre une équipe de tournage très réduite, témoignant de conditions assez rudes. Cela n'empêche pas la bonne humeur des victimes - celle de la langue arrachée, justement ! Les interviews avec les auteurs et l'une des actrices sont frustrantes car, gros bémol, aucun bonus n'est sous-titré : la connaissance du norvégien s'avère indispensable, hormis peut-être le tournage du film où les images parlent d'elles-mêmes. Un film annonce norvégien, son teaser et la version internationale complètent le tableau, sans oublier la galerie de photos. On passera aussi sur le livret intérieur de quatre pages, lui aussi entièrement en norvégien