Dans le monde des pécheurs d'éponges sur les côtes de Floride, un antagonisme féroce règne entre les grecs et les irlandais. Mike Petrakis (Gilbert Roland) et son fils Tony (Robert Wagner) se battent ainsi contre la famille de Thomas Rhys (Richard Boone) et son presque gendre (Peter Graves). Coincés entre la peur de plonger dans les profondeurs secrètes de la barrière de corail et la pauvreté qui les guettent, les Petrakis s'engagent sur une voie dangereuse.
TEMPETE SOUS LA MER est le premier à avoir été filmé sous la mer via un nouveau procédé anamorphique développé pour l'occasion. D'autres lui ont emboîté le pas assez rapidement, comme le LA VENUS DES MERS CHAUDES de John Sturges tourné lui en SuperScope 2.00:1. ou encore OMBRES SOUS LA MER de Jean Negulesco (CinemaScope 2.35:1) , lui aussi dans le milieu des pêcheurs d'éponges grecs. Un vaste sujet à succès dans les années 50, où l'exotisme fonctionnait à plein régime.
La Fox cherchait surtout à ce moment à promouvoir les carrières montantes de Terry Moore et Robert «Pour l'Amour du Risque» Wagner. Leurs capacités limitées d'acteurs se voient compensées par une interprétation débordante d'énergie. Un optimisme jamais béat, une certaine audace dans leur relation qui dynamise considérablement la seconde partie du récit. Le film est par ailleurs émaillé de seconds rôles hauts en couleurs et interprété par des vieux routards que les cinéphiles sauront apprécier. Tout d'abord J. Carroll Naish, infatigable acteur de second plan, vu dans les magnifiques LE DEMON S'EVEILLE LA NUIT, LES INCONNUS DANS LA VILLE ou dans LA BETE AUX CINQ DOIGTS pour terminer sa carrière sur le très curieux DACULA Vs FRANKENSTEIN d'Al Adamson. Il joue le rôle du philosophe de la troupe, nommé judicieusement Socrates ! Ensuite Richard Boone, lui aussi routard du western entre BIG JAKE, LE DERNIER DES GEANTS, ALAMO, TONNERRE APACHE... et enfin Peter Graves, pas encore sur la notoriété de MISSION IMPOSSIBLE et à quelques encablures des merveilleuses série B comme IT CONQUERED THE WORLD ou BEGINNING OF THE END. Mais le meilleur revient à Gilbert Roland. Le père outrageusement macho, bagarreur, audacieux, protecteur lui sied comme un gant. Le scénariste l'affuble par ailleurs d'une hamartia inattendue, impliquant qu'il connaît ses classiques de tragédie grecque.
Le scénario emprunte à différents éléments, du mélodrame en passant la bande d'aventures exotique, jusqu'au mythe de Romeo et Juliette pour finir avec le climax fantastique d'une pieuvre géante. On ne trahit pas vraiment de secret, tant cette dernière apparaît clairement sur la jaquette du DVD français. Il est écrit par Albert Isaac Bezzerides, plus connu pour ses scénarii de LA MAISON DANS L'OMBRE de Nicholas Ray ou EN QUATRIEME VITESSE de Robert Aldrich. Les années trahissent quelque peu la naïveté de l'ensemble. Le machisme invétéré des héros masculins, l'asservissement de la femme de Mike, joué avec vénération par Angela Clarke affublée d'un accent grec redoutable. Néanmoins, il réussit à développer suffisamment de retournements de situation, de situations périlleuses au milieu d'une romance post-shakespearienne pour maintenir l'intérêt jusqu'au bout.
Les effets spéciaux sont assurés par Ray Kellogg. Cet homme à tout faire était un technicien aguerri, ayant œuvré sur un nombre incalculable de films. Il est resté célèbre pour deux faits d'armes : d'abord ayant aidé John Wayne sur la mise en scène des BERETS VERTS, mais pour aussi avoir donné à la série B des années 50 deux de ses opus retentissants : THE GIANT GILA MONSTER et THE KILLER SHREWS. Respect. Il donne ici son savoir-faire notamment dans l'un des clous du film, à savoir la pieuvre géante. Et il assure ! Non pas en Rodier, mais l'inévitable combat entre le plongeur et le monstre tient tout à fait la route et demeure crédible. De quoi avoir la tête haute face à celle de 20 000 LIEUES SOUS LES MERS, L'ILE MYSTERIEUSE ou encore LES NAUFRAGEURS DES MERS DU SUD.
La mise en scène est assurée par Robert D. Webb. Son nom demeure relativement inconnu aujourd'hui, l'œuvre d'une vingtaine de métrages qu'il laisse derrière lui parlant surtout aux cinéphiles pointus. Il possède à son actif le fait d'avoir tourné le premier film avec Elvis Presley, LE CAVALIER DU CREPUSCULE. Tout en poursuivant par la suite une solide expérience de réalisateur seconde équipe ; notamment pour L'EXTASE ET L'AGONIE ou encore LE HOLD UP DU SIECLE, ressorti récemment en Blu Ray par Olive Films aux USA. Il opère pour cette TEMPETE SOUS LA MER une œuvre solide, optant pour un juste équilibre entre aventures, drame et une certaine légèreté dans les rapports propres à chaque communauté. Pas une grande œuvre, mais un rythme assuré couplé à des paysages parfois captivants. Le grand avantage reste d'avoir tourné directement en Floride (Key West & Tapon Springs) sur les lieux même où l'action se déroule, assurant un indéniable cachet d'authenticité. Avec l'adjonction de scènes sous-marines spectaculaires, qui gardent près de 60 ans après un attrait presque hypnotique. La magie opère totalement via la composition de Bernard Herrmann qui sait envoûter le spectateur au moment opportun.
La musique de Bernard Herrmann, sortie il y a quelques années sur le label FSM, est probablement l'une des plus belles qu'il ait jamais composées. Des accents du FANTOME DU Mme MUIR, les cuivres du JOUR OU LA TERRE S'ARRETA, les mélodies rythmées de LA MAISON DANS L'OMBRE pour l'abordage du bateau se marient à des mélodies mystérieuses et veloutées qui accompagnent à merveilles les séquences sous-marines. Toute la composition annonce L'ILE MYSTERIEUSE, pour les plus audiophiles, tout comme les œuvres qu'il composa pour Alfred Hitchcock.
En conclusion, TEMPETE SOUS LA MER reste un de ces films d'aventures «comme on en fait plus». Solide, prévisible, doté d'une narration conventionnelle. Il se pare néanmoins d'un Technicolor qui garde quelques beaux restes malgré une copie déplorable. Et il plaira sans aucun doute aux aficionados d'écran large, tout comme aux amateurs d'aventures exotiques, avec un exploit technique sous-marin qui apporte un punch bienvenu. Recommandé !
Il y eut d'abord COMMENT EPOUSER UN MILLIONNAIRE, puis LA TUNIQUE et enfin TEMPETE SOUS LA MER. Quel point commun? Ce furent dans l'ordre les trois premiers métrages à avoir ete produits en CinémaScope pour le compte de la 20th Century Fox. La destinée de TEMPETE SOUS LA MER s'avère moins glorieuse que ses deux antécédents, car il tomba dans la domaine public sans que la Fox ne pense à le rééditer. Il a disparu des radars, pour sortir aux USA chez Lumivision il y a 13 ans, entre autres nombreuses éditions. Le film fait aujourd'hui son apparition DVD en France via Artus films.
Artus Films a exhumé une copie française à la vue du générique de début. A noter toutefois que le film est tombé dans le domaine public. Ce qui expliquerait qu'aucune copie à ce jour n'apparaissent sous son format d'origine 2.55:1, complètement nettoyée, remasterisée. Donc une avalanche d'éditions DVD aux USA d'une qualité plus que discutable. Car on assiste ici à non pas une tempête sous la mer, mais un déferlement de griffures et poussières en tous genres. La copie apparaît très abîmée, ça n'est rien de le dire. Sous un format 2.35:1, le télécinema semble provenir d'une copie d'exploitation 35mm ayant l'état de celles tourné plusieurs mois sans discontinuer. Des le générique de début, des rayures quasi permanentes lacèrent l'écran. Les changements de bobines sont plus qu'apparents, provoquant par moments des altérations de couleurs, contrastes et tons. Par exemple, vers 73mn40, la scène ou Tony et Gwyneth s'enfuient sur le bateau se trouve scindée en deux malgré la supposée continuité : la seconde partie possède des couleurs radicalement différentes. C'est vraiment dommage, car on ne peut que deviner le superbe travail sur la couleur et la profondeur de champ par Edward Cronjager. Le directeur photo fut d'ailleurs nominé aux Oscars pour ce faire.
Cette édition offre la version originale avec des sous-titres français amovibles et une version française. Les puristes du doublage seront heureux d'entendre le doublage original avec Jean Piat pour la voix du jeune Tony. Le film avait été mixé à l'origine en 4 pistes stéréophoniques. Malheureusement, il n'en est rien ici, mais on remarque que la piste anglaise offre une stéréo - quelque peu approximative. Par exemple, à 44mn 50, le dialogue est orienté sur le canal avant droit alors que la musique provient du canal avant gauche. Des dialogues repartis sur la gauche/droite, mais rien de remarquable. La version française offre une certaine différence, notamment sur le mixage qui oblitère les effets sonores et autres bruitages derrière les dialogues. En comparant des scènes comme celle de la bagarre sur terre entre Robert Wagner et Peter Graves, le constat est assez frappant. Pas mal de défauts, sautes de sons parsèment l'écoute. Plus bizarre, la VO disparaît et passe subitement en VF a plusieurs reprises ! (vers 35mn50 et la 70e minute, entre autres.)
Du côté des bonus, Artus a produit une entrevue de 22 minutes 57 avec Eddy Moine. Pour les lecteurs assidus, il est le fils d'Eddy Mitchell, chanteur, acteur et présentateur de l'émission culte La Dernière Séance sur l'ex-FR3 au début des années 80. Eddy Moine reprend le flambeau de son géniteur pour la causerie sur le cinéma des années 50. Eddy Moine possède un indéniable savoir encyclopédique. Dommage qu'il élude au passage certaines spécificités techniques sur le CinemaScope, notamment sur TEMPETE SUR LA MER. En mentionnant aussi le rictus amusé limite méprisant en parlant de Ray Kellogg et de ses séries B, une sensation toujours désagréable pour les amateurs de Bis que nous sommes. Enfin, quatre bandes-annonces du catalogue Artus complètent l'ensemble.