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Critique du film
JANE EYRE 2011

 

Orpheline, Jane Eyre est envoyée par sa tante dans un internat où les résidentes sont éduquées avec une discipline de fer. Plus tard, devenue enseignante, elle accepte de devenir la préceptrice d'une enfant pour le compte d'un riche propriétaire terrien. Si les premiers contacts avec le maître des lieux n'ont rien d'engageant, la jeune femme va, avec le temps, tomber amoureuse. Mais un lourd secret se cache dans la demeure isolée...

Au XIXème siècle, les Soeurs Brontë vont publier, sous des pseudonymes masculins, des ouvrages très remarqués : Les Hauts de Hurlevent d'Emily Brontë, bien sûr, mais aussi Jane Eyre de Charlotte. Pour ce livre, la romancière s'inspire d'éléments de sa propre vie et tisse par dessus une intrigue romantique aux relents de drame gothique. C'est d'ailleurs ce point qui lie le métrage de Cary Joji Fukunaga au Cinéma Fantastique. Passé l'enfance malheureuse de l'héroïne, elle se retrouve dans une vaste et lugubre demeure qui recèle à l'évidence un horrible secret. Les errances nocturnes dans les couloirs du «château» laissent ainsi planer le doute sur l'éventuelle présence d'un revenant, à moins qu'il ne s'agisse d'une horrible créature. Cette nouvelle adaptation de Jane Eyre rejoint ainsi REBECCA d'Alfred Hitchcock ou LE CHATEAU DU DRAGON de Joseph L. Mankiewicz. Rien de surprenant, les deux puisent très certainement leurs sources dans l'oeuvre de Charlotte Brontë. Particulièrement LE CHATEAU DU DRAGON où la structure du récit est sensiblement la même. Une jeune femme est engagée pour s'occuper d'une petite fille dans une vieille demeure et s'éprend du maître des lieux, plus âgé, qui cache un lourd secret dans son château. L'ambiance fantastique et surnaturelle distille ainsi un aspect inquiétant aux événements relatés, propre aux histoires gothiques.

Le choix de réaliser une nouvelle adaptation de Jane Eyre paraît assez curieuse de la part de  Cary Joji Fukunaga. Ce type d'histoire se font assez rare sur les écrans et son premier long métrage en solo SIN NOMBRE prenait comme toile de fond les gangs mexicains et les migrants d'Amérique centrale tentant de rallier les Etats-Unis. Autant dire que SIN NOMBRE paraît très éloigné du sujet de JANE EYRE, son deuxième film. Le cinéaste n'a apparemment pas l'intention de se laisser enfermer dans un genre puisqu'il plancherait en ce moment sur une nouvelle adaptation de Ca d'après Stephen King. En tout cas, le cinéaste se montre éclectique et avoue s'être inspiré du très joli TESS de Roman Polanski pour la réalisation de son JANE EYRE. Cela paraît assez évident dans l'approche épurée de la mise en scène mais soyons tout à fait honnête, Cary Joji Fukunaga ne réussit pas vraiment à égaler la simplicité, la finesse et la beauté de TESS. De plus, JANE EYRE est l'une des multiples adaptations du roman de Charlotte Brontë qui ont déjà été réalisées pour le petit et le grand écran. Et, bien évidemment, le film de Cary Joji Fukunaga n'est pas le seul à avoir développé l'aspect gothique de l'histoire, ne serait-ce que le décor comme dans la version de Robert Stevenson, tourné dans les années 40 avec Orson Welles dans l'un des rôles principaux. Et si l'on devait comparer, malheureusement, ce nouveau JANE EYRE se montre parfois bien trop froid et ayant des difficultés à transmettre des émotions. Difficile de savoir si ce choix est dicté par l'envie de coller aux sentiments réprimés de chacun des personnages ou bien la peur de verser dans un trop plein de sentiments trop hollywoodien. Après tout, le film narre une romance impossible entre deux personnes que tout oppose, que ce soit la richesse, le rang social mais aussi l'âge. Toutefois, c'est justement parce qu'il s'agit d'une passion retenue, ici pour des raisons de conventions sociales, que le métrage devrait réussir à insuffler de véritables émotions. Cary Joji Fukunaga n'est pas encore, il faut le reconnaître, au niveau d'un Roman Polanski, pour TESS, ou du James Ivory des VESTIGES DU JOUR. Si la mise en scène de JANE EYRE évoque ces deux cinéastes, c'est tout de même, en soi, déjà un gage de qualité. Car reconnaissons tout de même qu'en dehors de la froideur du métrage et sa difficulté à créer un lien affectif avec le spectateur, ce JANE EYRE se montre tout de même agréable avec une approche épurée et austère. Cary Joji Fukunaga nous propose ainsi une oeuvre soignée, distillant de très belles images mais qui pêche, donc, par trop de retenue. D'autant plus dommage que l'interprétation est plutôt réussie, le film repose ainsi sur les frèles épaules de la jeune Mia Wasikowska donnant ici son talent à un métrage certainement plus intéressant que le ALICE AUX PAYS DES MERVEILLES de Tim Burton. Pour l'épauler, on retrouve aussi Michael Fassbender et Judi Dench. Hormis de manque d'émotion, à la vision du film, JANE EYRE a, en tout cas, le mérite de nous proposer un style de cinéma gothique qui donne l'impression de revenir depuis peu avec des oeuvres comme LA DAME EN NOIR ou LA MAISON DES OMBRES. En soit, c'est déjà une excellente chose !

Rédacteur : Christophe Lemonnier
Photo Christophe Lemonnier
Ancien journaliste professionnel dans le domaine de la presse spécialisée où il a oeuvré durant plus de 15 ans sous le pseudonyme "Arioch", il est cofondateur de DeVilDead, site d'information monté en l’an 2000. Faute de temps, en 2014, il a été obligé de s'éloigner du site pour n'y collaborer, à présent, que de manière très sporadique. Et, incognito, il a signé de nombreuses chroniques sous le pseudonyme de Antoine Rigaud ici-même.
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