Rien ne va plus dans une maison de repos depuis que Sœur Gertrude commence à péter un câble. Jusqu'ici, la religieuse bien qu'autoritaire assurait un travail exemplaire auprès du personnel médical. Ayant du mal à se remettre d'une opération chirurgicale, elle a développé une addiction à la morphine qui la mène, petit à petit, à perdre pied…
Après avoir constaté une recrudescence de la mortalité au sein d'un hospice belge, une religieuse sera arrêtée à la fin des années 70. L'histoire vraie de Cécile Bombeek, connue sous le nom de «Sœur Godfrida», va ainsi être reprise dans les journaux à la page des faits divers. C'est là que le producteur Enzo Gallo trouve l'idée de faire un film intitulé SUOR OMICIDI qui deviendra donc KILLER NUN lors de son exportation dans les pays anglo-saxons. En France, la traduction littérale aurait pu être «Sœur Meurtrière» ou «La nonne tueuse» mais lors de son exploitation en VHS, il sera alors choisi LA PETITE SŒUR DU DIABLE comme titre francophone. Et, après tout, pourquoi pas car le film réalisé par Giulio Berruti dispose de tous les ingrédients d'un bon film d'exploitation.
De prime abord, le film pourrait être relié à la «Nunsploitation», une mouvance cinématographique qui sera surtout localisée en Italie. Toutefois, il apparaît difficile de résumer KILLER NUN à ce seul genre. En effet, le métrage de Giulio Berruti se rattache tout autant aux films de psychokiller et même, dans une certaine mesure, au Giallo. Si l'on y ajoute tout un tas d'éléments à même d'être jugés scabreux comme les relations homosexuelles entre les religieuses, l'addiction à la drogue ou des images de nudité assez surprenantes, KILLER NUN donne un peu l'impression de manger à tous les râteliers. Et pourtant, il s'avère que le film de Giulio Berruti se montre relativement cohérent dans sa manière de brasser un peu tout et n'importe quoi… Alors bien sûr, certains passages peuvent paraître un peu gratuits comme lors d'une escapade en civil où notre religieuse cède à ses désirs derrière une porte cochère après avoir séduit un quidam dans un restaurant. Mais si l'on passe outre quelques digressions pas forcément utiles, le métrage se tient particulièrement bien. Peut être parce que ce KILLER NUN dispose d'atouts inconcevables aujourd'hui. Hormis le fait que le film soit tourné avec de la vraie pellicule et qu'il soit pensé pour le cinéma, KILLER NUN dispose d'une distribution de grande classe. Le rôle principal est ainsi tenu par Anita Ekberg, la comédienne, entre autres, de LA DOLCE VITA de Federico Fellini. Face à elle, on trouve Joe Dallesandro, le comédien s'étant égaré en Italie après avoir tourné pour Paul Morrissey. Ou encore Alida Valli, actrice chez Visconti, Antonioni, Pasolini et, bien plus tard, Dario Argento. Une distribution qui se pare aussi d'acteurs récurrents du cinéma italien comme Lou Castel ou Massimo Serrato. Enfin, on notera aussi Paola Morra qui n'est probablement pas la plus grande actrice du monde mais qui affiche ici ses courbes généreuses de Playmate du magazine Playboy à l'époque. Une distribution hétéroclite pour un film où la comédienne principale se met en danger en interprétant un rôle casse gueule dans une carrière. Mais il faut rappeler que ce film date de la fin des années 70, rien que son sujet avec par la suite une sortie dans les salles semble complètement incongrue de nos jours.
KILLER NUN se pare d'une séquence surréaliste très bien troussée : un mauvais trip du personnage principal monté en parallèle d'un meurtre qui ose l'image très surprenante, aujourd'hui, d'une nudité masculine. Le tout est rehaussé par un morceau musical stressé d'Alessandro Alessandroni. Le compositeur livre d'ailleurs une partition musicale très inégale sur ce film. Celui qui avait collaboré avec Ennio Morricone, sur certains films de Sergio Leone, est ainsi capable du pire comme du meilleur. On reste assez perplexe face au passage joué à la flûte à piston pour ne retenir que les passages à base de cordes. La musique est, à vrai dire, assez raccord avec un film qui se montre par instants brillants et à d'autres plus convenus. Un film qui ose certaines séquences racoleuses avec brio, comme le coït de l'homme en fauteuil roulant, pour finalement se planter un peu lors d'autres passages. De même, le film n'est pas dénué d'une ironie acérée. Dans KILLER NUN, les religieux sont dépeints comme des hypocrites. Ainsi, le personnage d'Alida Valli est une mère supérieure qui s'empiffre de sucrerie, cédant donc à la gourmandise, et tentant de conserver la respectabilité de son institution, quitte à camoufler la vérité. Tout cela résonne malheureusement avec des faits divers passés ou présent d'autant plus que si ce n'est pas vraiment ancré dans l'intrigue générale, la pédophilie est aussi subrepticement évoquée en fin de métrage. KILLER NUN a ainsi la qualité de surprendre sur toute sa durée en livrant des idées étonnantes ou en cédant à des outrances très latines.
Pur film d'exploitation, KILLER NUN est une œuvre qui offre autant de scènes de nudité que de violence. En terme de perversité, le métrage se lâche par endroit comme lors d'une torture à base d'aiguilles médicales ou en suggérant des idées bizarres (la séquence des bas nylon). Mais Giulio Berruti n'est à l'évidence pas un tâcheron puisqu'il réussit à emballer son métrage sans sombrer dans la totale complaisance dans laquelle d'autres cinéastes italiens se seraient vautrés. Curieux, surréaliste et étonnant, KILLER NUN est un métrage à découvrir pour peu que l'on s'intéresse au cinéma d'exploitation.
En France, le film est totalement inédit en DVD. L'arrivée du Blu-ray américain est donc une excellente nouvelle à plus d'un titre. Déjà, le disque contient un sous-titrage en français ce qui permettra à ceux qui ne comprennent pas l'anglais de suivre le film. Ensuite, en 2004, Blue Underground avait déjà édité le film en DVD mais sans sous-titrage et en ne présentant que le doublage anglais. On retrouve cette piste audio sur le Blu-ray mais l'éditeur ajoute, cette fois, la piste originale italienne. C'est d'autant plus une bonne nouvelle que le doublage anglais sonnait particulièrement faux. L'écoute de la piste italienne apporte un aspect plus réaliste dans l'interprétation des personnages. Petit bémol, le sous-titrage français est calé sur le doublage anglais ce qui peut, à quelques rares endroits, provoquer un décalage ou l'apparition d'anecdotique et courts dialogues inexistants en italien. Version anglaise ou italienne, les deux sont sur un pied d'égalité technique et sont proposées dans leur mono d'origine.
Il y a une nette amélioration vis à vis du DVD édité en 2004 avec ce nouveau transfert en haute définition (1080p/24). Mais les amoureux de l'image clinique en seront pour leur frais. Comme à son habitude, l'éditeur préfère conserver l'aspect brut de l'image ce qui affiche donc un grain proéminent sur toute la durée du métrage. Cela peut donc surprendre les spectateurs habitués aux films du XXIème siècle ! A noter que sur quelques séquences, on peut déceler de petits soucis de stabilité verticale, particulièrement juste avant l'arrivée du personnage interprété par Joe Dallesandro. Enfin, durant quelques courtes séquences, on notera une légère fluctuation de la luminosité provoquant une sorte de vague sur le côté droit de l'écran. Difficile de savoir dans ce dernier cas s'il s'agit d'un défaut de la copie utilisée ou si le problème était présent à l'origine. Ce phénomène était, en tout cas, déjà présent sur le DVD édité en 2004 par Blue Underground.
En complément du film, l'éditeur reprend les suppléments du DVD. On retrouve donc le réalisateur Giulio Berruti durant un peu moins d'un quart d'heure, le temps d'exposer quelques anecdotes surprenantes. A l'instar du maquilleur du film devenu meurtrier quelques années plus tard ou bien la roublardise de la production lorsque le film a été tourné dans un véritable monastère. Dans ce dernier cas, un faux scénario avait été remis aux institutions religieuses et le titre du film avait été changé le temps du tournage. Quatorze minutes fort sympathiques où le cinéaste met en avant les points qui lui paraissent les plus importants sur la création et le destin de son film. Celui-ci ayant été finalement interdit en Italie par le Vatican simplement en raison d'une promotion mettant en avant un propos mensonger. En plus de cette interview, le disque permet aussi de voir la bande-annonce ainsi qu'une galerie de photos.