Dans un vieux cinéma, un adulte, un garçon et une fille mettent en scène des contes dont ils seront les acteurs après avoir fait des recherches pour les décors et les costumes. En tout, ce sont six histoires qu'ils vont nous narrer, chacune ayant sa propre identité…
Dans le domaine de l'animation, lorsque l'on évoque silhouettes et ombres chinoises, on pense instantanément aux métrages de Lotte Reiniger dont le plus connu est LES AVENTURES DU PRINCE AHMED. Il apparaît aussi intéressant de citer deux séries d'animations qui narraient des contes sous la forme d'ombres chinoises. Datant des années 70, LES CONTES DU FOLKLORE JAPONAIS ainsi que LES CONTES DE GRIMM, produits par la même équipe japonaise, proposaient leur différence graphique au sein des émissions télévisées pour la jeunesse. C'est avec ce même type de concept que Michel Ocelot renoue après AZUR ET ASMAR. En effet, le cinéaste avait déjà travaillé auparavant sur une forme graphique à base de silhouette au début des années 90. Il avait ainsi réalisé plusieurs contes pour la télévision (LA BELLE FILLE ET LE SORCIER, BERGERE QUI DANSE et LE PRINCE DES JOYAUX). Une vingtaine d'années plus tard, il reprend donc la même idée pour une série animée, DRAGONS ET PRINCESSES, qui sera diffusée sur la chaîne Canal+.
Curieusement, DRAGONS ET PRINCESSES se transposé au cinéma avec LES CONTES DE LA NUIT. Curieusement… car Michel Ocelot reprend cinq histoires directement de la série animée et LES CONTES DE LA NUIT ne propose finalement qu'un seul segment réellement inédit et donc produit pour le cinéma : «La fille biche et le fils de l'architecte». Le fil rouge de DRAGONS ET PRINCESSES est, lui aussi, de retour avec un adulte et deux enfants qui nous narrent des histoires au sein d'un cinéma manifestement désaffecté si l'on s'en tient à sa façade extérieure. En dehors du segment inédit, le seul véritable apport est le choix de proposer l'intégralité du film en relief. Autre choix assez particulier puisque la forme graphique des CONTES DE LA NUIT n'a pas d'épaisseur. Pour autant, cette idée de donner de la profondeur à des silhouettes et décors 2D est à l'image même du cinéma de Michel Ocelot : à contre courant ! Nous sommes, en effet, bien loin des mastodontes de l'animation que ce soit sur la forme ou la narration.
LES CONTES DE LA NUIT propose donc six histoires provenant de différents univers culturels. D'ailleurs, certains des contes sont transposés d'un continent à un autre ce qui est peut être une manière de présenter une plus grande diversité dans les décors proposés. Avec, LES CONTES DE LA NUIT nous allons donc voyager en Afrique, en Amérique du Sud, en Asie ou encore en Europe. Le voyage sera aussi temporel. En dehors du fil rouge, se déroulant dans un lieu urbain et contemporain, les différentes histoires prendront place dans un passé lointain ou dans à une époque indéfinie. Par exemple, il apparaît difficile de dater le moment à laquelle se déroule l'histoire de «Tijean et la Belle sans connaître» pas plus que celle du «Garçon Tam-Tam». Cela s'avère déjà bien plus aisé avec celle du «Loup-garou» ou bien de «L'élu de la ville d'or». Tout renforce encore l'identité de chacune des histoires qui vont puiser autant dans l'aspect purement culturel de son décor (l'Afrique ou les Antilles) que de son passé historique (l'Europe médiévale, une civilisation précolombienne…). Tout cela va alors servir des contes folkloriques qui, comme dans tous films sketches, se montreront un peu inégaux à l'écran. Tout du moins sur le moment puisque suite au film, il apparaît un peu difficile de départager les segments des CONTES DE LA NUIT, chacune des histoires ayant des atouts et des points faibles très différents les uns des autres. Par exemple, on pourra reconnaître la beauté du «Loup-garou», les décors et couleurs fonctionnant à merveille, alors que l'histoire en elle-même s'avère être l'une des moins intéressantes. De son côté «Tijean et la Belle sans connaître» puise sa force dans sa nonchalance et une narration qui fait souvent penser à une rengaine. Une approche qui n'est pas sans rappeler, quelque part, le premier KIRIKOU dont le souvenir est aussi ravivé par «Le garçon Tam-tam» se déroulant dans un cadre africain. Mais si l'on doit réellement choisir l'un des segments des CONTES DE LA NUIT, ce sera l'histoire du «Garçon qui ne mentait jamais» qui réussit à allier la beauté des images avec des thèmes bien plus fouillés que ceux des autres contes. Notons enfin que l'histoire inédite ne se montre pas spécialement meilleure que les segments issus à l'origine de DRAGONS ET PRINCESSES.
LES CONTES DE LA NUIT s'avère plutôt séduisant en offrant un spectacle plutôt atypique dans le domaine du cinéma pour la jeunesse. Par contre, on regrettera l'aspect très rigide de l'interprétation des comédiens en charge de donner des voix aux personnages. Enfin, pour ceux qui ont déjà vu DRAGONS ET PRINCESSES, ce film de cinéma donnera l'impression d'assister à un gros recyclage. Difficile dès lors de conseiller de voir LES CONTES DE LA NUIT et son segment inédit ou bien de se reporter sur les dix épisodes de DRAGONS ET PRINCESSES.
StudioCanal propose LES CONTES DE LA NUIT en version 2D et 3D sur le même Blu-ray. Toutefois, il faudra bénéficier d'un lecteur et d'un écran compatible de manière à tirer parti du relief. D'ailleurs, soyons honnête, nous n'avons pas pu faire l'expérience de la 3D. Il est bon de préciser que l'édition DVD des CONTES DE LA NUIT propose aussi le film en 3D mais en utilisant une autre technique aux résultats moins satisfaisants : à savoir de la 3D anaglyphes avec filtres colorés. Mais pour en revenir au Blu-ray, l'image en haute définition rend parfaitement justice aux différentes histoires avec une stabilité sans faille des couleurs et une très grandes précisions dans les contours. On sera un peu moins emballé par la piste en DTS HD Master Audio 5.1 qui se montre plutôt discrète et ne se réveillant que lors de quelques effets directionnels ou sur certains passages musicaux. Le Blu-ray contient aussi le piste audio française en stéréo. Mais l'éditeur propose aussi une piste en Audio Description pour les non voyants et fournit au passage un sous-titrage pour les malentendants. Un bon point pour l'éditeur !
Si le film recycle des histoires de DRAGONS ET PRINCESSES, les suppléments ne sont pas en reste. Ou plutôt l'un des suppléments puisque l'on retrouve le petit documentaire sur Michel Ocelot se rendant à la commémoration du vingtième anniversaire des droits de l'enfant. Il se trouvait déjà sur l'édition DVD de DRAGONS ET PRINCESSES édité par… StudioCanal. Heureusement, le disque contient aussi la bande-annonce des CONTES DE LA NUIT mais aussi une interview de Michel Ocelot qui nous parle de son travail sur un peu moins de vingt minutes. Certaines informations sont un peu redondantes avec le premier supplément mais cela permet d'approfondir un peu plus tout en évoquant rapidement l'influence revendiquée de Michel Ocelot, Lotte Reiniger.