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Critique du film
DUFFER 1971

 

Un jeune homme nommé Duffer (Kit Gleave) vit une double vie. D'abord avec Louis Jack (William Dumaresq) dans une sorte de dépendance masochiste, puis avec Your Gracie (Erna May) avec qui il se entretient une relation sexuelle libératoire. Sauf que Louis Jack souhaite mettre Duffer enceint et que sa vie commence méchamment à dévisser.

Film rare, la projection de DUFFER commença très mal lors de sa diffusion au LUFF en 2001, avec un écran style TV 4/3 et une absence de son. Le point fait, le cadre 1.37 trouvé (avec un bref passage en open matte !) un son brouillé pendant dix minutes, le film pu enfin prendre son envol... pour assister à une véritable curiosité sortie de nulle part. Exhumé par Stephen Thrower spécialement pour le LUFF, DUFFER est une film post-swinging London à l'ambiance délétère, schizophrène. Un noir et blanc qui devient presqu'oppressant, malgré des scènes d'ouverture à mi-chemin entre le rêve et la divagation poétique au bord d'une tamise calme. Rapidement, la voix off du personnage principal décadre le récit et on comprend que l'existence de DUFFER a pris une tournure de désolation. Le tout vire dans un cauchemar ancrant l'inconcevable dans le réel.

Si l'on souhaite avoir une idée de ce qu'est DUFFER, il faut alors imaginer un croisement contre-nature entre l'ambiance sociale du cinéma anglais de Ken Loach période KES ou POOR COW, les premières oeuvres cinématographique de David Lynch dont on sent que DUFFER a pu servir de matrice ainsi que le Richard Lester de L'ULTIME GARCONNIERE.

Les réalisateurs Joseph Despins et William Dumaresq s'y prennent de plusieurs manières. D'abord les images et le cœur du récit où Duffer va tomber progressivement enceint, s'impliquer dans des jeux mortifères avec Louis Jack qui manque de le tuer à plusieurs reprises. Dans la mise en images, en phase avec un réalisme social très brut. Puis la bande son qui apparaît comme décalée des images. Des voix doublées, exagérées, parfois grotesques qui accentuent le sentiment de malaise généré.

Ensuite, les actions décrites prolongent la volonté de mettre à mal la désolation de la vie de Duffer. Sa difficulté de choix entre les deux pôles de ses désirs. Entre Louis Jack dont il admet qu'il fait partie intégrante de son sang et Your Gracie où sa sexualité, même chronométrée, s'exprime et le rend heureux. Comme un aimant qui attire et repousse en même temps les extrêmes. Où la perception du réel s'évapore. Jusqu'à priver Duffer d'un sens commun, et kidnapper un bébé qu'il prend pour une poupée. Bébé qui finira tabassé et jeté dans une benne à ordures. On comprend que le film ait pu créer, à l'époque, quelques remous.

La construction disloquée du film permet de distinguer quelques éléments de compréhension. Les flash-backs font office de pensées, de désirs, de violence ou même de transfiguration. Une folie douce qui glisse vers une schizophrénie de fantasmes... Une perception de l'individu perdu dans la masse qui en vient à produire de son imagination une transgression de vie afin d'échapper à son côté terne (C'est à dire Duffer, une personne sans envergure). De refoulement homosexuel – où les relations sont empreintes de violence masochiste : la scène de sodomie est dans un certain sens brutale mais finalement, de manière très curieuse, elle est plutôt apaisante. Puis le sexe avec Your Gracie qui doit se réduire à une course contre la montre. Pas vraiment d'échappatoire d'un côté comme de l'autre. Et l'on commence à saisir que Duffer ne fait peut-être que fantasmer sa propre vie.

Dérangeant et d'une drôlerie saccadée, DUFFER reste une expérience unique, inconnue qui s'enveloppe dans une esthétique sociale et industrielle. Les dernières scènes introduisent Duffer dans un visuel désincarné, où les lignes de fuites des cours d'immeuble, d'escaliers, de poutres bétonnées finissent d'achever sa perdition dans le monde humain. L'émotion et l'angoisse de la tragédie naissante.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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