La pacification du Japon au 17ème siècle accule les samouraïs à s'abandonner dans la pauvreté. Pour nombre d'entre eux, le suicide rituel du «seppuku» (ou «hara-kiri») est le dernier rempart d'un honneur en perdition. Hanshiro (Ebizo Ichikawa), un samouraï sans ressource, frappe à la porte du clan Li. Il demande à ce que le clan l'accueille pour organiser son suicide rituel, ce que ne peut refuser l'intendant Kageyu (Koji Yakusho). Alors que la cérémonie débute, Kageyu et Hanshiro évoquent le cas d'un jeune samouraï s'étant suicidé quelques jours auparavant après avoir formulé auprès du clan la même demande. Hanshiro reconnaît le jeune homme qui s'est suicidé et demande, en guise d'ultime volonté, de raconter son histoire.
Qui aurait cru que le trublion Takashi Miike serait un jour passé dans la cour des «grands» ? Son excellent remake de 13 ASSASSINS de Eiichi Kudo avait déjà préparé le terrain, le film étant sélectionné en compétition dans des festivals prestigieux (le festival de Venise, le SXSW d'Austin) tout en multipliant les nominations aux Oscars locaux. Avec HARA-KIRI : MORT D'UN SAMOURAÏ, le cinéaste punk est accueilli pour la première fois en compétition au festival de Cannes en 2011. Le film fait un buzz incroyable sur la croisette, surtout parce qu'il s'agit du premier film en 3D projeté en compétition. Il ne sera pour autant pas le premier film à être projeté en relief durant cette édition du festival puisque PIRATES DES CARAÏBES : LA FONTAINE DE JOUVENCE aura inauguré la 3D quelques jours plus tôt mais hors compétition. Tandis que Takashi Miike monte les marches du palais sous le crépitement des photographes, la critique «officielle» est à milles lieues d'imaginer qu'un autre film du cinéaste était projeté au marché : NINJA KIDS, une adaptation déraisonnable de l'animé pour enfants NINTAMA RANTARO.
A l'instar de 13 ASSASSINS, HARA-KIRI : MORT D'UN SAMOURAÏ est le remake d'un classique du cinéma japonais, HARA-KIRI de Masaki Kobayashi, film qui avait d'ailleurs reçu le Prix Spécial du Jury au Festival de Cannes en 1963. Bien que Miike et sa scénariste Kikumi Yamagishi se soient défendus d'avoir voulu réaliser un remake, en argumentant avoir fait une «nouvelle adaptation» du livre de Yasuhiko Takiguchi, les ressemblances entre les deux films restent très étroites. Pour succéder à l'extraordinaire Tatsuya Nakadai dans le rôle principal, le film mise sur Ebizo Ichikawa. Ce débutant au cinéma est par ailleurs une superstar du Kabuki, dont il est l'héritier d'une longue dynastie d'acteurs traditionnels. Face à cette légende, le casting s'articule sur des valeurs sûres (Koji Yakusho, acteur fétiche de Kyoshi Kurosawa) ou bien des comédiens populaires issus de la jeune génération (comme Eita, découvert dans AZUMI de Ruyhei Kitamura). La musique est signée Ryuichi Sakamoto (très connu en occident pour ses compositions pour FURYO de Nagisa Oshima) tandis que les costumes sont signés par Kazuko Kurosawa, fille du célèbre réalisateur, dont le travail exceptionnel l'a rendue très célèbre dans sa spécialité. Face à cette équipe de choc, très traditionnelle tout en restant très dirigée vers l'occident (le film est co-produit par l'anglais Jeremy Thomas), HARA-KIRI : MORT D'UN SAMOURAÏ intègre un dernier élément incongru mais parfaitement commercial : le relief ! Une 3D bien évidemment discrète, subtile et destinée à mettre en valeur les compositions du cadre et le jeu des avant et arrière-plans typiques du cinéma classique japonais.
Dès les premières images de HARA-KIRI : MORT D'UN SAMOURAÏ, il est clair que les habitués de Takashi Miike ne devront pas espérer les élans de folie qui l'ont popularisé. Le cinéaste adopte ici un style extrêmement sobre et posé, misant sur des plans fixes détaillés ou des travellings lents et fins. Le metteur en scène tient absolument à s'inscrire dans le sillon du cinéma classique et prouver qu'il est capable de ne pas démériter. En résulte un film à l'écrin sublime, sans aucun doute le plus beau de son auteur, même si certains railleront les clichés esthétiques du cinéma japonais déclinés ici sans réserve (comme les nombreux plans de nature qui servent d'ellipse ou encore la neige qui se met à tomber lors du final). En terme de violence, Miike fait là encore preuve de maturité sur un sujet appelant pourtant les débordements. Une seule scène de suicide provoque effectivement le malaise, mais plus pour son enjeu dramatique que pour ses excès graphiques.
Cette sobriété est au service de la narration du film. HARA-KIRI : MORT D'UN SAMOURAÏ n'est pas véritablement un chambara mais bel et bien un drame sur la pauvreté. Le film nous plonge dans le désespoir et la misère des samouraïs littéralement sans emploi tandis que leur règne s'achève. Construit sous forme de flashbacks menés par Hanshiro avant de s'ouvrir le ventre, l'histoire se révèle à nous petit à petit. Nous apprenons que Hanshiro est un grand-père s'étant recyclé dans la fabrication d'ombrelles tandis que sa fille et son gendre, un ronin sans ressource, tentent d'élever leur bébé dans des conditions extrêmement précaires. Désespéré, le gendre apprend que certains ont pu implorer la pitié du clan régnant sur la région en menaçant de se suicider selon le rituel des samouraïs. Cela va marquer le début d'un enchaînement de tragédies qui vont acculer Hanshiro non pas au suicide, mais à la vengeance.