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Critique du film
MARIANNE 2011

 

A la suite d'un accident de voiture, Krister (Thomas Hedengran) perd sa femme. Sa fille Sandra (Sandra Larsson) continue à lui en vouloir d'être parti à plusieurs reprises du domicile familial pour aller avec d'autres femmes. De retour pour s'occuper de sa dernière-née Linnea, Krister voit petit à petit son sommeil perturbé par une étrange présence féminine aux cheveux rouges. Son état se détériore, sa fatigue augmente et son conseiller (Peter Stormare) peine à comprendre ce qu'il se passe.

On peut noter une ressemblance dans la manière de mêler fantastique et quotidien entre MARIANNE et certains films scandinaves, particulièrement le classique norvégien DE DøDES TJERN – avec qui d'ailleurs MARIANNE entretient plus d'une similitude, entre autres sur la structure même et la raison de la culpabilité du héros. On pourra également citer le récent CORRIDOR dans le côté paranoïa galopante prenant possession du héros. A savoir la perte graduelle de la notion de réalité, et de l'influence des éléments extérieurs qui tentent de rationaliser l'événement. La sensation de dévissage du réel – le fantôme d'une femme assassinée dans DE DøDES TJERN, une «Mare» dans le cas présent fait s'entrelacer une explication psychologique avec une plus surnaturelle. Précisons qu'une «Mare» est un personnage féminin du folklore suédois, dotée d'une chevelure rouge revenant d'entre les morts afin de hanter les hommes et de se nourrir de leur énergie afin d'assouvir une vengeance.

Le rationnel s'attache à impliquer une part plus psychanalytique (et un glissement vers la psychiatre à la fin) dans le comportement de Krister. Une culpabilité grandissante qui prend naissance avec la relation extra-maritale avec la fameuse Marianne (Viktoria Sätter). Le cinéaste appuie de suite cet élément avec quelques plans brefs en début de métrage. : Krister sort du temple où se déroule la cérémonie de sa femme, mais il vient se recueillir en plein office sur la tombe de Marianne. Une image curieuse, voire insultante à l'égard d'un moment sacré bafoué aux yeux du profane. La valse hésitation de Krister débute au pied de ce double deuil. La narration s'emploie ensuite à faire progresser le passé en parallèle du présent via les clés données dans les rêves du héros. Et l'on comprend petit à petit ce qui est réellement arrivé à la famille, jusqu'à l'accident. L'infidélité de Krister, son départ de la maison et son retour. Au grand dam de sa fille qui refuse toute excuse et compréhension. Elle est décrite en pleine rébellion adolescente : adoption de tenue gothiques, amant de 10 ans son ainé, musique à se défoncer les tympans – mais refus d'écouter son père.

Les clés de compréhension apparaissent aussi bien sous une aura fantastique, voire fantasmagorique. Cette hantise revêt une vision horrifique de la culpabilité. La «Mare» marche à reculons, opère un curieux grincement de dents et laisse traîner sur le corps ses longs doigts blanchâtres aux ongles rouges.

Ces éléments posés, Krister tente de reconquérir la cellule familiale disloquée. Maintenant, il faut constater que MARIANNE fonctionne beaucoup mieux sur le registre du drame humain. Filip Tegstedt réussit plus à instaurer un climat de tension dramatique intra-familial qu'à provoquer le frisson. On sent par ailleurs qu'il ne semble pas très intéressé par le côté épouvante ou fantastique de l'ensemble. Cet argument n'apparaît d'ailleurs qu'assez tard dans le métrage, ce qui fait glisser lentement le film vers une sorte de LIAISON FATALE de la mort.

Le cinéaste excelle ainsi dans les scènes d'exposition. Brèves, tranchantes, aux dialogues directs. Un quotidien aux accents sociaux parfois brutaux, sans ombre de sentimentalisme, qui font une des caractéristiques du cinéma suédois récent. Un constat d'incommunicabilité quelque peu dérangeant : de la relation tronquée de Krister avec sa belle-mère, de son affrontement permanent avec sa fille, du refus de nommer le petit ami de sa fille par son vrai nom. L'irruption tardive du fantastique en viendrait presque à troubler l'évolution dramatique de ce canevas familial en rupture.

Il s'agit d'ailleurs du point faible du film. Si le réalisateur parvient à nous faire saisir l'ambiguïté de la situation dans le réel, la partie fantastique ne débouche pas sur un effet remarquable. Tout au plus certaines images curieuses de cette figure morte vivante, dont on ne verra jamais vraiment le visage. Mais rien de dérangeant : MARIANNE n'entraîne aucune peur, aucun frisson. Bien que le film cherche à s'y employer dans le dernier quart d'heure, cherchant à faire sursauter le spectateur. Un des effets finaux voulu comme un point d'orgue se trouve dotée d'un effet-Carrie qui tombe au plus mal et prête plus à rire qu'autre chose. L'effet inverse de celui voulu. Alors que cela n'était en rien nécessaire. Entre la révélation finale qui s'achève sur une révélation quelque peu éventée et la maladresse des plans suggérant l'épouvante, jusqu'à une décapitation inutile à l'effet raté, MARIANNE échoue dans sa mission de faire ressentir un quelconque malaise. Dommage.

Ce n'est pas la faute à l'interprétation de Thomas Hedengran, qui s'ingénie à donner un visage humain à un personnage antipathique. Sandra Larsson démontre une force attachante et convaincante quant à l'adolescente écorchée vive. Il n'y a guère que Peter Stormare dont le rôle se réduit à presque rien, voire un cameo. Son discours sur l'internement de Krister tombe un peu n'importe comment et sonne aussi la fin de la crédibilité de l'entreprise.

MARIANNE est dotée d'une photographie brute, presque clinique ne faisant aucun cadeau pour arranger les protagonistes. Le tournage en couleurs naturelles à Östersund (région d'origine du réalisateur, scénariste et producteur) y est pour beaucoup, mais également du aussi à la caméra Canon 7D utilisée pour l'occasion. Aussi, profondément enracinés dans un réel identifiable par tous. Aux implications sociales d'un individu ordinaire confronté à une certaine paranoïa urbaine/moderne et face à une société suédoise qui n'en finit pas de régler ses comptes avec le passé. Un contre-pied définitif aux récentes œuvres américaines ou asiatiques sur leurs fantômes (à la RING et compagnie), et un traitement aux antipodes des effets faciles.

On ne voit pas comment MARIANNE pourrait sortir au cinéma sur notre territoire, mais en espérant que la curiosité de certains distributeurs vidéo l'emportera sur la foultitude de produits erotico-gores et autres monstres géants qui se déversent sur le marché français et finissent par tous se ressembler. MARIANNE possède la particularité d'une contre-programmation qui, à défaut d'être totalement réussie, s'avère intéressante à plus d'un titre.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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